Selon un rassemblement de scientifiques, d’industriels et d’acteurs environnementaux, un modèle énergétique répondant aux objectifs de la COP21, tout en respectant le progrès économique et social, est à la portée de l’humanité – au prix d’efforts radicaux.
Un rapport ambitieux
A l’heure où la communauté scientifique s’inquiète de l’attitude de l’administration Trump vis-à-vis de l’évidence du réchauffement climatique, l’Energy Transitions Commission (ETC) – un important collège d’experts rassemblant l’industrie de l’énergie (l’entreprise pétrolière Shell ou la compagnie minière BHP Billiton), établissements financiers (HSBC et Merril Lynch, entre autres), scientifiques et institutions environnementales (comme l’European Climate Foundation) – estime qu’il est possible d’éviter la catastrophe climatique, tout en assurant le progrès économique et social.
Cette commission compte parmi ses membres l’ancien vice-président des Etats-Unis Al Gore, connu pour ses prises de positions écologiques, notamment au travers de son documentaire Une vérité qui dérange – dont le second volet, qu’on peut traduire par « une suite qui dérange », sera sur les écrans en juillet prochain. La diversité et l’éminence des membres de l’ETC donnent du poids à ses déclarations, détaillées dans un rapport de 120 pages qui sera rendu public à partir du 25 avril.
Le message est simple : il est « techniquement et économiquement possible » d’atteindre l’engagement historique pris par la communauté internationale lors de la COP21 de Paris en 2015, de limiter la hausse globale des températures « bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels ». Pour cela, en revanche, il faudra agir « dès maintenant » pour réduire les émissions mondiales de gaz carbonique (CO2) de moitié. Le reste du rapport expose les solutions à mettre en œuvre pour atteindre cet objectif tout en gardant une économie saine et en permettant un accès universel à l’énergie.

Vers une énergie plus propre
Du côté de l’industrie, atteindre un tel objectif nécessite de mener en profondeur la transition énergétique vers des énergies ne produisant pas ou peu de gaz carbonique. En effet, en l’état actuel, l’humanité repose à 80 % sur les énergies fossiles (gaz, charbon, pétrole), responsables à elles-seules de 75% des émissions de CO2 dans l’atmosphère. Selon les modèles de l’ETC, un passage à 80% d’énergie « décarbonée » (dont 45% de renouvelable) dans le mix énergétique mondial est possible, notamment grâce à la baisse des prix de l’énergie renouvelable, elle-même permise par les avancées technologiques en matière de rendement et de stockage.
Toutefois, pour les secteurs où le passage à une énergie sous forme électrique est plus compliqué (transports, construction), des initiatives devront être mises en place pour limiter l’impact écologique, que ce soit par le recours aux biocarburants en amont, ou par la collecte et le recyclage du CO2 en aval. Une amélioration des procédés, pour améliorer l’efficacité énergétique de ces secteurs – c’est-à-dire « le ratio entre production économique et énergie consommée » – pourrait aussi permettre de réduire leur impact.
C’est accessible en France
A l’échelle plus réduite de la France, un autre rapport, plus ancien, affirme qu’une transition énergétique encore plus radicale que celle entrevue par l’ETC est possible. Selon le « scénario 2017-2050 » de l’association négaWatt, un passage au 100% renouvelable en France à l’horizon du milieu du siècle n’est pas une utopie. Ce scénario optimiste repose essentiellement sur l’abandon des énergies fossiles et du nucléaire (les réacteurs seraient, pour les plus récents, fermés en 2040), au profit d’énergies renouvelables parfois insoupçonnées, comme la biomasse (énergie issue de la combustion de bois, résidus agricoles et déchets), qui est déjà la première source renouvelable en France.
Aux côtés de cette transformation, deux autres piliers essentiels pour atteindre l’objectif : la sobriété énergétique et l’efficacité énergétique. Cette dernière, aussi évoquée par l’ETC, consiste à optimiser les procédés et installations (c’est-à-dire le passage aux véhicules hybrides ou électriques, et la généralisation des bâtiments à énergie positive) pour faire plus avec la même quantité d’énergie. Enfin et surtout, ce plan repose sur la sobriété énergétique, c’est-à-dire un changement radical des usages des particuliers et des entreprises vers une consommation réduite et moins de gaspillage d’énergie, « le défi le plus difficile », selon Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), car il « suppose des réorganisations industrielles et des évolutions sociétales drastiques ». Au fond, ce scénario repose donc aussi sur chacun d’entre nous.

Les bénéfices socioéconomiques
Mettre en place cette transition coûtera cher : selon le rapport de l’ETC, ce sont entre 300 et 600 milliards de dollars par an qu’il faudra investir dans les énergies propres, dans les technologies bas carbone, et dans la rénovation des bâtiments et équipements. Cependant, d’autres y voient aussi des bénéfices, à l’instar de l’association négaWatt, qui estime à 370 milliards d’euros les économies engrangées par la réduction des importations d’énergie et la baisse pure et simple de la consommation ; il faut y ajouter plus de 500 000 emplois créés par les nouveaux secteurs de l’énergie renouvelable et de la rénovation énergétique des bâtiments, nouvelles filières qui transformeront « les défis en opportunités ».
Enfin, il va sans dire que si l’humanité arrive à réduire d’autant ses émissions de gaz carbonique, les bénéfices plus difficilement quantifiables seront légion : amélioration de la qualité de l’air, allongement de l’espérance de vie, ou encore accroissement du bien-être des populations, notamment en ville.

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