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Oise : mobilisation pour sauver la forêt de Chantilly, menacée par le réchauffement climatique

Il leur reste une trentaine d’années pour empêcher Chantilly de mourir, une échéance plutôt courte, car un repeuplement complet nécessitera de planter des centaines de milliers d’arbres.

Les agents de la forêt de Chantilly (Oise) tentent de faire face aux conséquences du réchauffement climatique et se préparent à un repeuplement intégral de ce massif séculaire. Une mobilisation citoyenne s’est créée pour les aider dans leur mission.

Du jamais vu

Laboratoire aux avant-postes du réchauffement climatique, la forêt de Chantilly a entamé un long processus de dépérissement. Ce massif de 6 344 hectares à cheval entre l’Oise et le Val-d’Oise, constitué au Moyen Âge et protégé au fil des siècles par les seigneurs de Chantilly, fut légué à l’Institut de France en 1884.

Ses peuplements de chênes, pins sylvestres, hêtres et tilleuls, qui figurent parmi les plus fréquentés de France, sont aujourd’hui gérés par l’Office national des forêts (ONF). Mais comme beaucoup de massifs d’origine humaine, ils se meurent.

En trente ans à peine, les températures moyennes du domaine ont augmenté d’un degré et demi. D’ici une vingtaine d’années, le climat y sera semblable à celui du Limousin et de la Corrèze ; puis en 2070, dans moins d’un demi-siècle, les saisons s’y déploieront dans les mêmes conditions qu’à Albi, Toulouse ou Montauban aujourd’hui.

Le temps du sud de la France remonte vers le nord. 

Plusieurs vecteurs se combinent pour conduire minutieusement la forêt de Chantilly à la destruction. En premier lieu le manque d’eau. Situés sur un plateau calcaire typique de la région, les massifs ont de plus en plus de difficultés à drainer cette ressource dans le sol sableux. Après avoir été victimes des vagues de froid du Nord pendant des millénaires, ils subissent maintenant les conséquences de la chaleur.

Et d’un autre fléau : les hannetons forestiers. Depuis quelques années, ces coléoptères sans aucun prédateur, ni animal ni chimique, infestent les forêts de l’Oise, de Compiègne à Chantilly. À l’état larvaire, ils passent quatre années dans les sols à se nourrir de racines, puis grimpent aux arbres, une fois adultes, pour en dévorer les feuilles.

C’est ainsi que les administrateurs du domaine se préparent à couper environ 50 000 chênes d’ici cinq ans, soit un cinquième du massif. Ils sont actuellement « en voie de dépérissement avancé », selon les mots du général Jérôme Millet, délégué du chancelier en charge de Chantilly.

Ayant « pris la mesure de la catastrophe annoncée », l’Office national des forêts s’est lancé dans une campagne de repeuplement de grande envergure, exigeant que le domaine investisse 250 000 euros rien qu’en 2020.

Lire aussi : « Protéger les forêts pour protéger l’eau, donc la vie : tribune d’un forestier »

Répondant à l’appel du mouvement « Ensemble, sauvons la forêt de Chantilly », de nombreux bénévoles se sont donné rendez-vous pendant deux jours pour mener une première expérience de repeuplement. Au début du mois de janvier, un millier d’arbres d’une vingtaine d’essences plus adaptées au futur climat de Chantilly ont été plantés dans 96 lieux du domaine, sur une surface totale de trois hectares. Ce sont des pins maritimes, sylvestres ou d’Alep, des chênes verts méditerranéens, des cyprès de Provence, rien à voir avec les espèces présentes sur le site.

Créé l’année dernière, le mouvement « Ensemble, sauvons la forêt de Chantilly » rassemble des acteurs institutionnels, des scientifiques, des professionnels du bois et des associations de défense de l’environnement, dans le but de faire du domaine un véritable « laboratoire à ciel ouvert » où seront peut-être trouvées des solutions à ce fléau qui n’épargnera aucune forêt française.

Il leur reste une trentaine d’années pour empêcher Chantilly de mourir, une échéance plutôt courte, car un repeuplement complet nécessitera de planter des centaines de milliers d’arbres.

Lire aussi : « Les gardes forestiers se mobilisent pour sauver nos forêts »

Une situation alarmante sur le territoire français

Sur les 16 à 17 millions d’hectares de forêts en France métropolitaine, soit environ 30 % du territoire, 220 000 subissent ces dernières années un taux de mortalité inédit.

Les arbres pâtissent des effets délétères de la sécheresse latente, des vagues de canicule, de l’augmentation des gaz à effet de serre, parfois du froid, un amalgame de facteurs qui les rend plus sensibles encore aux maladies et aux parasites. Affaiblis, ils se laissent ravager.

La forêt de Tronçais, dans l’Allier, qui s’étend sur plus de 10 000 hectares, constitue un cas d’école. Les sécheresses à répétition de ces dernières années ont empêché certaines espèces de renouveler leurs réserves d’eau, dont le manque plonge les arbres dans une lente agonie.

Dépouillés de leurs feuilles, 70 % des hêtres ont dû être abattus par les agents de l’ONF, qui surveillent également les chênes, dont une fraction atteindrait un état critique. Quant aux épicéas, des résineux normalement plus résistants, ils sont victimes des attaques de scolytes, dont les larves bloquent la circulation de la sève. L’ONF envisage maintenant d’introduire des cèdres dans la forêt de Tronçais, par anticipation.

La crise du scolyte sévit actuellement dans les régions du Grand-Est et de la Bourgogne-Franche-Comté, là où les buxaies d’Auvergne-Rhône-Alpes ont été ravagées par la progression foudroyante de la pyrale du buis. Ce bio-agresseur profite de l’intensification des échanges pour se déplacer, et de la hausse des températures pour se reproduire.

Pendant ce temps, les gouvernements successifs réduisent peu à peu les effectifs de l’ONF, qui a perdu entre 1 500 et 2 000 postes au cours de la dernière décennie. Des projets de privatisation des tâches forestières sont aussi étudiés.

Forêts domaniales de Vierzon (Cher), de Châteauroux (Indre), de Dreuille, Jaligny, Marcenat (Allier), forêt vosgienne de Masevaux (Haut-Rhin) : il serait impossible de recenser ici tous les massifs dont la santé est préoccupante ou compromise.

En 2012, une étude internationale montrait déjà que 70 % des espèces d’arbres du monde frôlent chaque année l’embolie, ce moment où après une trop forte demande en eau, des bulles d’air s’insèrent dans les vaisseaux du tronc et coupent irréversiblement sa circulation. Le dépérissement des forêts est et restera l’une des afflictions majeures du XXIe siècle.

Augustin Langlade

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