Sous la bannière informelle de la DRPE, direction régionale de protection de l’eau créée de toutes pièces par des activistes, deux méga-bassines des Deux-Sèvres ont été lacérées et rendues inexploitables le 2 mars dernier. Motif de leur action : ces bassines entraîneraient, si le projet va à son terme, la suppression de 150 à 200 hectares de terres agricoles « littéralement plastifiées ».
Le 2 mars, des militants pour le moment inconnus et agissant sous la bannière de la DRPE, ont procédé à la lacération de deux méga-bassines des entreprises de L’asa des dames et Pampr’œuf.
Ces militants accusent les deux sociétés, à travers un communiqué, « d’assèchement progressif et durable » de la rivière des deux Dames ainsi que des zones de pêche, de « pression publique », et de « récit galvaudé sur la destination de ces réserves vers des petits projets agricoles d’élevages ou engagés dans une démarche respectueuse de l’environnement ».
Les militants rappellent également que Pampr’œuf s’est rendu coupable de « maltraitances extrêmes sur les poules pondeuses élevées dans des conditions déplorables et victimes de violences physiques répétées », scandale révélé par l’association L214. Stéphane Nérault, PDG de Pampr’oeuf, a porté plainte suite aux lacérations.
Considérant « le caractère écocidaire » des bassins, les militants de la DRPE avaient publié le 15 février dernier un communiqué expliquant qu’ils allaient procéder aux démantèlements progressifs des bassins. C’est donc chose faite.
La DRPE rappelle également que « l’Etat français prévoit de financer à hauteur de 70 % plusieurs centaines de réserves de substitutions sur le territoire national, et alerte sur les dommages irréparables que cette entreprise va produire sur le vivant et l’accès à l’eau considéré comme bien commun ».
Pour le moment, aucune information n’a fuité suite aux actions des activistes. L’enquête suit son cours.
Problématiques écologiques et accaparement des ressources
Ces réserves servent à stocker l’eau pompée dans les nappes phréatiques. Elles alimentent principalement les cultures agricoles en période estivale, quand les restrictions sur l’utilisation d’eau ne permettent plus une irrigation optimale. On dénombre une quarantaine de projets de bassins dans les Deux-Sèvres et la Vienne.
C’est en quelque sorte un jeu de dupe. Les entreprises détentrices des réserves d’eau peuvent puiser dans les nappes phréatiques de l’automne jusqu’à l’hiver. Cela permet aux exploitants agricoles de contourner les restrictions sur l’utilisation de l’eau en été en exploitant des ressources déjà sorties de terre en hiver et donc non contraintes par les réglementations.
Ce contournement entraîne deux problématiques. La première est celle de l’accaparement des ressources dénoncé par la DRPE. La seconde est écologique, car, comme l’explique l’hydrogéologue et chercheuse au CNRS Florence Habets pour le média Vivant, « on ignore comment vont se passer les six mois suivants » : la captation de l’eau en termes de pluviométrie.
« Le risque serait donc de prélever de l’eau qui viendrait, par la suite, à manquer pour la nappe. Elle n’aurait pas eu le temps de se recharger en pluie. Or, si la nappe est trop déchargée, on peut craindre une réduction de son apport aux débits des rivières. »
Une solution à très court terme
Compte tenu de la hausse des températures, les méga-bassines pourraient « accentuer le problème » de l’approvisionnement en eau des zones humides, notamment de la rivière des Dames, selon Florence Habets. Cette même hausse des températures engendrera une augmentation de l’évaporation de l’eau qui peut aujourd’hui déjà « atteindre facilement 10 % » de la capacité totale des bassins.
L’eau retenue dans les méga-bassines est principalement utilisée pour l’agriculture intensive, qui « a appauvri nos sols de différentes façons, notamment en réduisant sa matière organique » explique Florence Habets. Cet appauvrissement entraîne un effritement des sols qui n’arrivent plus à stocker l’eau.
« C’est donc un cycle infernal, qui nécessite que l’on irrigue de plus en plus, parce que l’eau se fait de plus en plus rare », indique la chercheuse.
Et ce n’est pas tout, puisque l’irrigation intensive « nécessite des intrants tels que des nitrates et des pesticides ». Le système de retenues d’eau dans les bassines encourage donc « le maintien d’un système productiviste, reposant en majorité sur des intrants ».
Des inquiétudes partagées par les activistes qui appellent « tous les acteurs non représentés du territoire à se mettre en action pour neutraliser cette dynamique d’un autre temps avant que les dégâts ne soient irréversibles ».
Cette action rejoint le grand mouvement de résistance, porté par le collectif Bassines Non Merci, qui a donné lieu a plusieurs actions similaires. « 5 bassines aurait donc été neutralisées en quelques mois sous diverses formes. » note les Soulèvements de la Terre. Cette nouvelle attaque intervient à quelques jours de grandes manifestations publiques contre les méga-bassines prévues du 25 au 27 mars.