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Nouveau record de la honte : 227 protecteurs du vivant ont été assassinés en 2020

Global Witness rappelle que le pouvoir que détiennent toujours certaines entreprises leur permet de perpétrer ces crimes en toute impunité. La plupart du temps, les tireurs sont arrêtés mais pas ceux qui commanditent les meurtres.

Dans un rapport publié ce lundi 13 septembre, Global Witness établit un nouveau record de la honte. Sur ces trois dernières années, les meurtres de défenseurs de l’environnement ont continuellement augmenté : 167 en 2018, 212 en 2019, et enfin 227 en 2020, dernier et affligeant record. En 2020, c’est environ quatre personnes qui ont été tuées chaque semaine. A l’exception d’une victime, elles vivaient toutes dans des pays en voie de développement, qui sont plus exposés et moins préparés face au réchauffement climatique.

Augmentation des assassinats avec la crise climatique

Depuis 2012, Global Witness établit le bilan du nombre de militants écologistes tués chaque année dans le monde. Et depuis 2018, le chiffre est exponentiel. L’ONG estime que cette augmentation suggère un parallèle entre l’intensification du dérèglement climatique et l’intensification de ces meurtres.

L’exploitation et la cupidité entretenant de nombreux points du réchauffement climatique, elles entraineraient également une violence directe contre les défenseurs de l’environnement.

En 2020, la moitié des assassinats ont eu lieu au Mexique, aux Philippines et tout particulièrement en Colombie. Dans ce pays, 65 meurtres se sont déroulés dans un contexte d’agressions contre les leaders de communautés indigènes ; les confinements officiels liés au COVID-19 ayant renforcé les attaques multipliées prenant place dans les logements des victimes.

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Et Chhai, 36 ans, travaille dans sa plantation de canne à sucre de 1,5 hectare dans la commune de Chi Khor Loeu, province de Koh Kong, Cambodge. Elle a perdu 10 hectares de terres à la suite des expulsions par les sociétés sucrières de Koh Kong. Crédit : Andrew Ball/Panos/Global Witness

Au Mexique, 30 attaques mortelles ont été enregistrées, soit une augmentation de 67% par rapport à l’année précédente. Un tiers d’entre elles étaient liées à des exploitations forestières, tandis que la moitié visaient des populations indigènes. Ces crimes restent dans la majeure partie des cas (à 95%) impunis et n’ont entraîné aucune poursuite.

Aux Philippines, les violations des droits humains ont été condamnées de façon répétée par les organismes internationaux tel que l ‘ONU. Depuis 2016, année de l’élection du président Rodrigo Duterte, une campagne contre la drogue a mené à de nombreux meurtres nocturnes par la police contre des trafiquants et consommateurs présumés. Le chiffre s’élevait à plus de 5300 victimes en 2019.

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De la même façon, les luttes contre les industries néfastes font souvent face à une répression policière violente. Le rapport de Global Witness démontre que la moitié des meurtres ont eu lieu en corrélation directe avec l’opposition des défenseurs de l’environnement à des projets d’exploitation minière, forestière, et de barrages de grande ampleur.

Entre 2016 et 2020, 166 protecteurs du vivant ont été assassinés dans le pays, dans lequel le gouvernement s’oppose farouchement aux questions environnementales.

Les autochtones particulièrement touchés

En tout, un tiers des personnes exécutées faisaient partie de peuples autochtones, qui aujourd’hui ne constituent plus que 5% de la population mondiale. En 2020 comme les années précédentes, 9 sur 10 victimes étaient des hommes.

De leur côté, les femmes subissent plus de discriminations basées sur le genre comme les violences sexuelles et tendent à également avoir plus de difficultés à défendre leur droit à la parole.

Global Witness rappelle que le pouvoir que détiennent toujours certaines entreprises leurs permettent de perpétrer ces crimes en toute impunité. La plupart du temps, les tireurs sont arrêtés mais pas ceux qui commanditent les meurtres.

Les défenseurs sont en danger parce qu’ils se retrouvent à vivre sur ou à proximité de quelque chose qu’une entreprise exige. Cette exigence – l’exigence du profit le plus élevé possible, du délai le plus rapide possible, de l’opération la moins chère possible – semble finalement se traduire par la compréhension, quelque part, que le fauteur de troubles doit disparaître. – Bill McKibben

De plus, les gouvernements ont mis en place des mesures de restrictions draconiennes depuis le début de la pandémie, qui ont profité à d’autant plus d’attaques contre les protecteurs du vivant.

Que ce soit aux Etats-Unis, au Brésil, en Colombie ou aux Philippines : il y a un véritable lien entre l’ouverture de l’opinion publique et ces assassinats, les sociétés les plus avancées sur les droits civiques ne démontrant que peu de ces agressions.

Juana Zúñiga se trouve à la rivière Guapinol située dans la vallée de Bajo Aguán au nord du Honduras. Juana est membre du comité municipal de Tocoa, Colón. En 2014, ces rivières et les personnes qui en dépendent ont été menacées lorsque l’État a autorisé l’exploration minière dans le parc national Carlos Escaleras où coulent les rivières. Les habitants de Guapinol se sont organisés et ont protesté contre cela, mais se sont retrouvés criminalisés – de nombreux membres de la communauté sont encore derrière les barreaux. Crédit : Global Witness/María Aguilar/Iolany Pérez

Un changement significatif est essentiel dans une crise climatique qui ne fait qu’empirer afin que les peuples autochtones n’en subissent plus les conséquences. L’ONG demande donc aux gouvernements et organisations internationales d’agir.

Elle appelle les Nations Unies à intégrer les droits et la protection humaine dans les engagements que les pays ont pris envers l’accord de Paris, et de mettre en place les recommandations des Rapporteurs spéciaux sur les droits humains, comme ceux des peuples autochtones.

Les États doivent s’assurer que leurs lois à échelle nationale protègent et ne criminalisent pas les défenseurs du vivant, exiger que les entreprises appliquent une conscience assidue aux droits humains dans leurs manœuvres et systèmes, et enquêter puis poursuivre tous les acteurs impliqués dans les violences faites contre les défenseurs de l’environnement.

La Commission européenne a publié en 2020 une initiative pour une Gouvernance d’entreprise durable. Global Witness appelle l’institution à impliquer dans celle-ci toutes les entreprises régissant des commerces au sein de l’Union Européenne, y compris les institutions financières. Cette initiative doit inclure une responsabilité et des pénalités de forte ampleur afin que les entreprises répondent de leurs actes s’ils ne l’appliquent pas.

Finalement, les entreprises et les investisseurs doivent publier et appliquer les mesures nécessaires pour identifier et empêcher les préjudices à l’encontre des droits humains et environnementaux, appliquer une politique de tolérance zéro envers les représailles contre les défenseurs de l’environnement et fournir des voies de recours lorsque ces préjudices ont lieu.

Le combat pour la sauvegarde de notre planète a commencé depuis plusieurs dizaines d’années, en parallèle avec les violences effectuées à l’encontre de ses plus fervents protecteurs. Malgré une violence grandissante, des législations qui manquent à l’appel ou ne sont pas respectées et une corruption impunie, les protecteurs du vivant continuent de se battre, même dans les pays les plus démunis. Il est inacceptable de les laisser subir cette violence sans protection, ni justice.

Photo couv : « Les gens me demandent ce que je vais faire, si je vais rester ici et maintenir en vie le combat de ma mère. J’en suis trop fière pour le laisser mourir. Je connais les dangers – nous les connaissons tous. Mais j’ai décidé de rester. Je vais rejoindre ce combat. » Malungelo Xhakaza, fille de l’activiste Sud-Africaine Fikile Ntshangase, assassinée chez elle en octobre 2020. Crédit : Tom Pierce / Global Witness

Maïté Debove

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