2019 a été l’année de tous les sombres records en terme de température, de rapports scientifiques alarmants, mais aussi une année rythmée par des luttes populaires partout dans le monde. En 2019, fini de regarder ailleurs, nous sommes de plus en plus nombreux à faire le lien entre inégalités sociales, effondrement écologique et un système économique mortifère qui exploite le vivant.
Notre maison brûle
L’année 2019, avec son lot de catastrophes climatiques, est l’une des trois années les plus chaudes enregistrées depuis 1850. Cette année a conclu une décennie d’une « chaleur exceptionnelle, de recul des glaces et d’élévation record du niveau de la mer à l’échelle du globe, en raison des gaz à effet de serre produits par les activités humaines » selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM). La température moyenne mondiale est maintenant environ 1,1°C plus élevé que la période pré-industrielle. Le 12 mai 2019, nous avons atteint le niveau de 415 parties par millions de CO2 dans l’atmosphère pour la première fois en 3 millions d’années !
« Si nous n’agissons pas d’urgence pour le climat, nous nous dirigeons vers une hausse de la température de plus de 3 °C d’ici à la fin du siècle, or une telle hausse aurait des impacts dramatiques sur le bien-être des populations. Nous sommes loin d’être sur la bonne voie pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris. Au quotidien, les impacts du changement climatique se manifestent déjà par des conditions météorologiques extrêmes et anormales. » a déclaré le Secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas.
En 2019, l’Europe a subi deux canicule en moins d’un mois qui ont provoqué des records de températures dans de nombreux pays. La France a ainsi explosé son record absolu de chaleur avec 46°C mesurés le 28 juin à Vérargues, dans le Sud. Le précédent était de 44,1°C en 2003. Parmi les aléas climatiques les plus impressionnants, des méga-feux ont dévasté la Californie, l’Amazonie, la Sibérie, l’Indonésie, l’Afrique subsaharienne… L’Australie est littéralement en train de brûler vive.

La sixième extinction de masse
Autre conséquence du mode de vie occidental mortifère : la sixième extinction de masse, largement relayée et documentée par de nombreux rapports scientifiques publiés tout au long de l’année. En février 2019, un rapport compilant plus de 73 études du monde entier l’atteste : 40 % des espèces d’insectes sont désormais menacées d’extinction. Papillons, mouches, libellules ou abeilles s’éteignent à un rythme huit fois plus rapide que les mammifères, les oiseaux, et les reptiles. Or, ils représentent un pilier tellement fondamental de la chaîne alimentaire que les scientifiques affirment qu’un effondrement du nombre d’insectes risquerait de créer un « Armageddon écologique ».
Autre rapport particulièrement choquant paru en 2019, celui de l’IPBES au mois de Mai qui explique que sur 8 millions d’espèces estimées, 1 million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction, ce qui n’a jamais eu lieu auparavant dans l’histoire de l’humanité.
Sur la décennie 2010-2019, 435 espèces se sont entièrement éteintes. Le taux actuel d’extinction des espèces dans le monde est des centaines de fois plus élevé que celui des 10 derniers millions d’années, et ce taux s’accélère.

La cause principale de cet anéantissement généralisé est l’activité humaine, et plus particulièrement nos modes de vie occidentaux fondés sur la course à la croissance et au profit. Mais les animaux ne sont pas les seules victimes de la voracité du capitalisme néolibéral. Les vagues de chaleur extrême pèsent de plus en plus lourd sur la santé humaine et les systèmes de santé, particulièrement dans les régions caractérisées par des populations vieillissantes, l’urbanisation, et les inégalités.
La Food and Agriculture Organization rappelle qu’entre 2015 et 2019, l’insécurité alimentaire a continué d’augmenter dans le monde : plus de 820 millions de personnes en ont souffert en 2018.
2019 a également vu de grandes vagues de déplacements de population avec un total de 70,8 millions de réfugiés et déplacés dans le monde, dont 7 millions à cause de catastrophes naturelles telles que le cyclone Idai en Afrique du Sud-Est, le cyclone Fani en Asie du Sud, l’ouragan Dorian dans les Caraïbes, ainsi que les inondations en Iran, aux Philippines et en Éthiopie, qui ont exacerbé les besoins en matière d’aide humanitaire et de protection.
Des soulèvements populaires partout dans le monde
Face à une telle urgence écologique et sociale, ils et elles sont de plus en plus nombreux à regarder le problème en face et agir, que ce soit pour défendre leurs droits ou protéger le vivant. Avec 513,8 milliards $ de dividendes versés dans le monde, les 500 personnes les plus riches du monde ont augmenté leur fortune de 25% au court de l’année 2019, pour un total de 1 070 milliards d’euros. Ces inégalités de plus en plus profondes ont marqué le lancement de soulèvements sociaux, avec des peuples décidant de refuser le jeu de l’oligarchie et du néolibéralisme effréné qui exploite les humains et le vivant. Plus de trente pays sont maintenant le lieu de contestations populaires qui tendent à tenir bon sur la durée.

« À première vue, les racines de ces tensions sociopolitiques diffèrent, tantôt déclenchées par l’augmentation du prix de produits ou de services de première nécessité (l’essence en France, en Équateur et en Iran, le pain au Soudan, le ticket de métro au Chili ou les appels téléphoniques en ligne au Liban), par des dirigeants jugés corrompus (Albanie, Serbie, Haïti, Monténégro, République tchèque, Égypte ou Honduras) ou par des revendications démocratiques (Algérie, Venezuela, Hong Kong, Kazakhstan, Russie, Guinée, Catalogne, Bolivie ou Éthiopie). Mais beaucoup de ces mouvements contestataires ont en commun d’être nés de décisions gouvernementales apparemment anodines, qui se sont avérées être la goutte d’eau qui a fait déborder des sociétés de plus en plus inégalitaires, avec le sentiment partagé par de nombreux citoyens d’une perte de contrôle démocratique. Une sorte de paroxysme de la crise profonde que traverse le néolibéralisme. » analyse le journaliste Donatien Huet pour Médiapart

Si l’extrême pauvreté a diminué dans le monde, il y a maintenant 9,3 millions pauvres en France, soit une augmentation 0,6 point sur un an, et les inégalités se sont elles aussi accrues. En conséquence, la France vit un mouvement de lutte populaire sans précédent depuis 1995, débuté par le mouvement des gilets jaunes en 2018, puis suivi par de nombreux corps professionnels et étudiants se soulevant contre la dégradation systématique des services sociaux acquis après 1945, jusqu’au lancement d’une grève générale débutée ce 5 décembre 2019 en réaction à la réforme de trop : celle des retraites.
Egalement, 2019 a marqué la montée en puissance du mouvement féministe, ainsi qu’un rapprochement idéologique avec la mobilisation écologique initiée par les premières marches pour le climat. Les militants écolos sont montés au créneau avec l’engouement pour Extinction Rebellion, de nombreuses actions d’occupation comme celle des tours de la Défense, et la multiplication des résistances contre les projets écocidaires à un niveau local : pour préserver un parc national dans les Yvelines, une dune à Brétignolles-sur-Mer, des terres agricoles à Saint-Père-en-Retz, 110ha de zones humides sur la rive Sud de la Loire, jusqu’à la création par plusieurs ONG du mouvement SuperLocal.
Face à la répression gouvernementale, comme celle que subit le comité « La vérité pour Adama » victime d’un harcèlement judiciaire et policier, les violences policières et la mutilation de gilets jaunes, et la criminalisation de certains manifestants qu’ils soient anarchistes ou antispécistes, les luttes convergent de plus en plus, comme lors du blocage des entrepôts Amazon ou du centre commercial Italie 2.
En 2019, nous avons appris que chaque dixième de degré compte. Chaque émission de gaz à effet de serre compte. Chaque être vivant compte. En 2019, le peuple est descendu dans la rue, et il compte bien y rester.
Image à la une : Théo Giacometti / Hans Lucas via AFP