L’auteur engagée Anna Lappe a su exprimer en une phrase, la puissance du pouvoir des consommateurs ou plutôt des consom’acteur : « A chaque fois que vous dépensez de l’argent, vous votez pour le type de monde que vous voulez ». I-boycott est un outil citoyen pacifiste pour entraîner une évolution de l’éthique des entreprises.
Combattre le sentiment d’impuissance générale
Lors d’une conférence TEDx tenue en décembre 2015 par Levent Acar, au cœur du projet I-boycott, ce dernier a expliqué ce qui l’a poussé à lancer cette association. Il a décrit ce que nous avons tous déjà ressenti une fois ou même, ce que l’on ressent chaque jour : toutes les semaines sont mis en lumière de nouveaux scandales concernant l’évasion fiscale, les mauvaises conditions de travail, l’atteinte à l’environnement ou aux animaux etc. Toutes les semaines, nous sommes indignés, nous sommes choqués et écœurés mais nous ressentons surtout une grande impuissance terriblement frustrante. Levent Acar a converti cette frustration en un projet fort et plein de potentiel : I-boycott. I-boycott est une plateforme en ligne, un véritable outil de contestation pacifiste à la portée de tous ceux qui le souhaitent permettant de buy-cotter ou de boycotter. Le seul prérequis pour participer à ce grand mouvement est de ne plus être un consommateur, mais un consom’acteur. Ce collectif rappelle à tous que le pouvoir d’achat est un pouvoir extraordinaire, c’est le cœur du changement que l’on peut décider de mener ou non ; par exemple le buycott est l’action d’acheter des biens/services produits par une entreprise qui partage certaines valeurs et le boycott est l’action de refuser ces biens/services qui ne sont pas en accord avec nos valeurs. Nous sommes ce que nous consommons.

Sauvetage des entreprises
Si les entreprises étaient les victimes de cette dérive due à un grave manque d’éthique dans le monde des affaires ? Aujourd’hui, 85 % des bénéfices d’une multinationale reviennent aux actionnaires, c’est à dire qu’une foule de fourmis (directeurs, employés, cadres…) s’affairent pour enrichir des actionnaires qui ont la main mise sur les grandes décisions de l’entreprise. Des pathologies dues à ces situations se multiplient, on parle aujourd’hui de burn out, de bore out (épuisement professionnel par l’ennui) et même de brown out (exécuter des tâches contraintes à son éthique personnelle). « Si ces entreprises étaient elles aussi devenues malades et avaient besoin de nous pour retrouver un peu de sens ? » ; une étude menée par l’INSERM a établi qu’en France, le chômage tuait 5 fois plus que les accidents de la route. Cela peut être expliqué par des différences de vocabulaire, par des parties qui ne communiquent plus et ne se comprennent plus – Levent Acar l’explique très bien en opposant des mots qui n’ont pas le même sens pour les employés (même les cadres et dirigeants) et les actionnaires : délocalisation, mal-être des employés, accaparement des terres et ressources VS augmentation de la productivité, réduction des coûts. La vision purement économique a remplacé les actions et les gens par des chiffres en noir sur blanc : comment une véritable éthique peut-elle s’instaurer dans de telles conditions ?
Le changement est possible grâce à une impulsion commune
L’association I-boycott a mauvaise pub car le « boycott » a une consonance très négative voire violente. Seulement, l’un de leurs objectifs est de faire comprendre à tous que le boycott est un outil démocratique et surtout entièrement pacifiste. Leurs modèles de référence ne sont autres que Gandhi en 1930, Martin Luther King en 1955 et Nelson Mandela en 1970 : tous ont provoqué un changement profond de manière pacifiste. Le boycott est en fait « l’outil parfait du peuple, accessible à tous, même à l’indigné du canapé ». Le seul moyen effectif de modifier les standards éthiques d’une entreprise est de s’en prendre au cœur et au cerveau, soit l’argent et l’image de marque. L’entreprise n’évoluera que si le marché l’y oblige ; I-boycott est l’outil qui appelle à créer cette obligation grâce au boycott bienveillant.


La lanceuse d’alerte Stéphanie Gibaud s’est exprimé à propos d’I-boycott : « I-boycott, c’est le refus de se soumettre aux puissants qui ne respectent pas les règles du vivre ensemble ». Le vivre ensemble s’applique aussi bien pour les cultures que les entreprises, il est fondamental pour instaurer une confiance et une atmosphère de paix. La mondialisation, qui était une chance d’échanger des compétences et des produits complémentaires, qui booste le progrès et l’évolution, s’est transformée en un grand champ de bataille. Les réseaux sociaux et l’accès à Internet qui se démocratisent un peu plus chaque jour, offrent de l’information et ouvrent la communication entre les parties prenantes de notre économie : les consommateurs, les entreprises, les gouvernements etc. Il serait intéressant que cet outil soit constructif au lieu de creuser encore un peu plus les clivages.
I-boycott, nouvel outil de communication
Si I-boycott est engagé, I-boycott n’est pas fermé. Si I-boycott ne permettait qu’un boycott arbitraire, fermé et sans droit de réponse, il ne serait qu’un facteur de plus à l’agacement mutuel qui renforcerait le conflit. Cependant, si I-boycott lance des dizaines de campagnes, elles sont systématiquement justifiées dans le but d’instaurer une démocratie directe au sein de l’économie. Le système des campagnes a été pensé dans un sens où l’entreprise pointée du doigt est informée à partir d’un certain seuil de participants à la campagne ; une fois informée, cette entreprise a un droit de réponse qui sera par la suite jugé par les participants à la campagne. Réinstaurer la communication entre les consommateurs et les entreprises semblait être une priorité. Ce n’est clairement pas une utopie car certaines entreprises jouent le jeu : Lactalis, Petit Navire et bien d’autres ont répondu aux contestations et ouvert le dialogue. Le directeur général de Petit Navire, Amaury Dutreil a déclaré que « Petit Navire prend à cœur le message adressé sur i-boycott et défend l’idée d’un dialogue ouvert ».
« I-boycott, c’est le refus de se soumettre aux puissants qui ne respectent pas les règles du vivre ensemble »
Un levier puissant et pertinent
En 2002, 24 % des Européens achetaient plus cher pour acheter plus responsable, en 2014, le chiffre français double avec 55 % des consommateurs (Enquête Havas Worldwide) et 2015, on parle de 66% de consommateurs dans le monde (Rapport Global Corporatif Sustainability de Nielson). Qu’on le voit ou non, les choses changent et les consciences s’éveillent ; les pratiques non éthiques des entreprises sont exposées à la vue de tous et les gens réagissent. Même si leur réaction n’est qu’un froncement de sourcil ou un dérangement, les consommateurs ne sont pas blasés, ils sont consciencieux et sous-estimer la puissance de l’humanité à défendre ses intérêts serait une erreur. I-boycott, ce sont des dizaines de campagnes et d’ouverture de dialogue, ce sont 57 683 consom’acteurs qui prennent les choses en main pour faire avancer les choses et c’est surtout un potentiel énorme qui a un pouvoir qui grandit à chaque clic.

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