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« Non, les orques n’attaquent pas les voiliers, ils jouent avec »

« Aussi impressionnantes et terrifiantes que puissent être ces rencontres pour les marins, j’espère de tout cœur qu’ils ne diaboliseront pas les orques, mais apprendront à connaître ces créatures intelligentes »

Depuis 2020, des orques interagissent régulièrement avec les voiliers qu’elles croisent dans le détroit de Gibraltar et le golfe de Gascogne. Les mammifères marins provoquent parfois de gros dégâts, créant la panique chez les navigateurs. La spécialiste des cétacés Dr Ingrid Visser et Sea Shepherd France nous expliquent comment les marins peuvent s’adapter.

Des interactions impressionnantes

Lundi 21 juillet, un navire de plaisance français a été chahuté par des orques au large de Deba, en Pays basque espagnol. Si le bateau a subi des dégâts, ses deux occupants ont été ramenés sains et saufs sur terre. Cela fait quelques années que ces incidents se multiplient.

« On a dénombré à ce jour 894 interactions, et 414 observations supplémentaires sans aucun incident, explique Thomas Le Coz, responsable de la campagne Save the Iberian Orca chez Sea Shepherd France, pour La Relève et La Peste. Sept voiliers ont coulé, mais en comparaison avec les milliers de bateaux qui naviguent dans ces zones, cela reste des évènements assez rares »

Des orques s’en prenant aux navires des humains ? Il n’en fallait pas plus pour que la presse s’emballe et sorte régulièrement des gros titres sur les « attaques » intentionnelles des orques, créant la psychose chez les marins.

La dorsale d’un orque mâle, Saving Iberian Orcas © Sea Shepherd France

Une théorie accuse même l’orque matriarche White Gladis de vouloir se venger suite à une blessure causée par la pêche alors qu’elle était enceinte, entraînant d’autres orques dans sa prétendue revanche. Un mythe complètement injustifié, explique la biologiste marine Dr Ingrid Visser qui les étudie.

« Non, les orques n’attaquent pas les voiliers, ils jouent avec », précise-t-elle d’emblée pour La Relève et La Peste. « Ces animaux de plusieurs tonnes n’auraient aucun mal à couler les bateaux s’ils le voulaient réellement. »

Concrètement, les orques viennent heurter les safrans (gouvernails) des voiliers, mais avec une certaine retenue, alors qu’elles ont la force pour le briser en un seul coup. Une retenue démontrée par « l’absence de traces de morsures sur le safran ». De plus, les orques n’ont jamais interféré avec les radeaux de survie, ni les personnes à l’eau.

Une orque, Saving Iberian Orcas © Sea Shepherd France

« Les orques ont interagi plusieurs fois avec notre bateau à moteur, en touchant gentiment la coque », détaille Thomas Le Coz pour La Relève et La Peste. « Cela peut être impressionnant pour les voiliers lors d’une interaction, mais dans notre cas, chaque interaction que nous avons eue avec les orques au cours des 2 dernières années a été très douce et paisible. »

Les orques Ibériques sont une sous-population unique qui vit dans l’Atlantique Nord-Est. Elle est composée de différents « pods », soit 3 groupes familiaux représentant un total de 35 orques. « On a observé des interactions de toutes les classes d’âge, mais un nombre plus élevé d’adolescents sont directement impliqués », développe Dr Ingrid Visser.

Seuls 50% des navires subissent des dommages, généralement à la barre, où les épaulards sont concentrés la plupart du temps. Il est donc recommandé de lâcher le gouvernail en cas d’altercation.

Une population fragile qui doit être protégée

Pour éviter ces interactions malencontreuses, les experts des cétacés recommandent aux marins de rester près des côtes, dans les eaux peu profondes, lorsqu’ils traversent le Détroit de Gibraltar où les orques ont tendance à rester en haute mer. Une stratégie moins efficace le long du Portugal et de Biscaye, en Espagne, à cause des nombreux rochers et au fait que les orques aillent plus souvent près des côtes.

« Les autorités portugaises et françaises disent de stopper le bateau et d’attendre, mais notre expérience nous fait plutôt pencher en faveur des recommandations espagnoles. L’Espagne préconise de sortir le plus vite possible de la zone où les orques tentent une approche, elles finiront par perdre intérêt » témoigne Thomas Le Coz

Un constat partagé par le skipper Alessandro Tosetti durant le Global Solo Challenge cette année. Alors qu’il s’était positionné dans un couloir sud du Détroit de Gibraltar « avec peu de navires pour se reposer », plusieurs orques d’environ cinq mètres ont malmené Aspra, son bateau de course, pendant une demi-heure, en particulier son gouvernail.

« Ce n’était pas une attaque d’animaux enragés, mais plutôt un jeu d’orques », a déclaré Tosetti au Corriere Torino. « Bien sûr, j’étais un peu inquiet. J’ai suivi la procédure que j’avais lue : j’ai éteint le pilote automatique et le sonar, j’ai fermé les voiles, mais ça n’a pas marché. »

Les orques ont cassé le groupe de direction interne et la dernière lame du gouvernail. Elles sont parties d’elles-mêmes après avoir heurté le bateau à plusieurs reprises. Le skipper a pu ensuite se réfugier au port de Tarifa, escorté par le remorqueur arrivé entre-temps.

Une orque femelle et son petit, Saving Iberian Orcas © Sea Shepherd France

Pour éviter que les craintes des marins ne dégénèrent en représailles contre les orques, les associations Sea Shepherd France, Iberian Orca Guardians et WeWhale sillonnent la zone afin de surveiller au mieux possible les déplacements des orques ibériques qui se nourrissent principalement de thon rouge.

Les épaulards peuvent parcourir 100 à 150 km par jour. « Ils ont tendance à rester dans le Détroit de Gibraltar, faire des aller-retours, plonger pour manger du thon, et peuvent nager dans chaque direction au cours de la même journée. Il est donc impossible de prédire leur location », avertit Dr Ingrid Visser.

« Cette population d’orques est en danger critique d’extinction », explique Thomas Le Coz. « La surpêche de thons l’a particulièrement fragilisée au début des années 2000. Le retour des poissons a été un répit salutaire, mais les menaces restent fortes : emmêlement dans les filets de pêche, collisions avec les navires, pollution qui affecte leur fertilité et l’espérance de vie des nouveaux nés. »

Un pod d’orques, Saving Iberian Orcas © Sea Shepherd France

Les orques ibériques résident dans le Détroit de Gibraltar de mi-avril à mi-août, en quête de thons rouges en migration depuis la Méditerranée. En hiver les thons étant moins nombreux, les orques migrent alors vers le nord.

« Aussi impressionnantes et terrifiantes que puissent être ces rencontres pour les marins, j’espère de tout cœur qu’ils ne diaboliseront pas les orques, mais apprendront à connaître ces créatures intelligentes », confie Dr Ingrid Visser. « La plupart d’entre eux savent déjà que les orques sont dans leur environnement et y appartiennent. »

« Certains marins vont arguer leur droit à naviguer en toute sécurité, mais ce n’est pas comme ça que cela fonctionne en mer », renchérit Thomas. « La navigation est une activité risquée : tempête, kontainer à la dérive, problème de moteur… Avoir une interaction avec une orque est maintenant l’un de ces risques. Si un lion endommageait votre voiture lors d’un safari, vous trouveriez ça normal. »

Une chose est sûre, il n’est plus possible d’ignorer qu’il y a désormais une saison des orques ibériques, véritables maîtres des océans.

Recommandations :

  • Téléchargez l’application GTOA ou le site internet orcas.pt pour signaler et vérifier les déplacements des orques.
  • Retirez vos mains de la roue et ne la touchez plus, tenez-vous à l’écart de toutes les parties du bateau qui pourraient tomber ou tourner brusquement.
  • Si possible, éteignez le sondeur et maintenez la radio VHF et les éléments de position(GPS) allumés.
  • Si vous avez un téléphone avec appareil photo ou un autre appareil, enregistrez les animaux, en particulier leurs nageoires dorsales, que nous puissions les identifier.

Laurie Debove

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