Depuis les violences perpétrées contre des élèves à la faculté de droit de Montpellier il y a 10 jours, le mouvement étudiant contre la loi Vidal prend de l’ampleur ce mardi 03 avril. Lille, Nantes, Bordeaux, Montpellier, « blocage illimité » voté à Paris I… la liste des facultés concernées s’allonge et se proclame solidaire du mouvement des cheminots. Nouveauté, les lycées commencent à rejoindre le mouvement.
Des mouvements de contestation dans toute la France
Ce mardi 03 avril marque l’intensification de forts mouvements de grève dans toute la France : cheminots bien sûr, 4ème journée de grève des salariés d’Air France, début d’une grève illimitée dans le secteur des ramassages d’ordures, décision de la FNME-CGT, première organisation syndicale dans l’énergie, de calquer son agenda sur celui des grévistes de la SNCF, et un mouvement étudiant qui semble aller en grandissant.
Objectif de la contestation étudiante : obtenir le retrait de la loi « Orientation et Réussite des Etudiants » (ORE), qui modifie les conditions d’accès à l’enseignement supérieur. Révélée en octobre et officiellement promulguée en mars, cette loi acte l’établissement d’un système de sélection pour l’entrée à l’université, demandant des pré-requis aux lycéens souhaitant postuler dans une filière universitaire. Avec cette loi, le dispositif Parcoursup vient remplacer APB, dispositif de tirage au sort qui avait laissé des dizaines de milliers de bacheliers en attente d’affectation l’an dernier. Si de nombreux étudiants, comme la FAGE, était donc logiquement en faveur d’un nouveau dispositif, ils ont vite déchanté face au texte modifié finalement voté, comme nous vous l’expliquions dans cet article.

Autres raisons de la mobilisation des étudiants : pour Toulouse un projet de fusion, pour d’autres l’importance d’occuper les facultés pour héberger les réfugiés, les violences à l’encontre des étudiants par des forces de polices ou des milices d’extrême-droite lors de certaines manifestations, comme à Montpellier ou à Grenoble, et le lancement du chantier de la réforme de la licence universitaire qui envisage d’abolir les rattrapages de partiels.
Les lycéens rejoignent le mouvement
Non seulement la colère gronde sur les bancs des facultés, mais le mouvement pourrait bien s’étendre aux lycéens qui viennent juste de tester la nouvelle plateforme d’admission Parcoursup. Cette plateforme demande aux lycéens de rédiger une lettre de motivation et… un CV ! Les universités ont saisi des critères de tri des lycéens qui fonctionneront sur la base d’algorithmes. Quelle est l’expérience professionnelle demandée à des élèves à peine majeurs ? Ce n’est pas précisé.
Julie le Mazier, docteure en science politique spécialiste des mobilisations étudiantes, précise à Médiapart :
« On a laissé pourrir le système jusqu’à tant qu’on ait rendu la sélection acceptable. Depuis la loi LRU qui octroie l’autonomie aux universités, elles gèrent leur propre masse salariale, sans moyen. Il n’y a pas de construction de facultés à la hauteur des besoins. La pénurie a été déléguée à un logiciel qui doit la gérer, or APB n’était pas un problème en soi, un algorithme ne fait pas de politique. L’année dernière, il y avait 800 000 candidats pour 600 000 places. Le battage médiatique autour du tirage au sort, qui concerne environ 1 % des inscrits à l’Université a préparé l’acceptabilité de la réforme. »
La mobilisation d’aujourd’hui a donc été relayée par les syndicats lycéens UNL et SGL. Si le parallèle avec les événements de mai 68 se fait rapidement en raison de l’anniversaire historique, un engagement plus profond des lycées, lui, rappelle un mouvement de contestation étudiant/lycéen de grande ampleur : la lutte contre le CPE en 2006. Pendant trois mois, étudiants et lycéens, soutenus par des partis politiques et la plupart des syndicats, avaient protesté en masse jusqu’à l’abandon du projet de loi. Cet épisode avait sonné le glas de la carrière politique de Dominique de Villepin, qui portait alors le projet.


Assemblées générales, blocages, occupations d’universités, manifestations publiques avec d’autres membres de la société : des éléments traditionnels de protestation sont similaires entre les deux mobilisations. Ce matin, plusieurs lycées de Caen, Dax ou Mont-de-Marsan ont rejoint le mouvement. Pour Europe1, Julien Delohen, porte-parole de l’union nationale lycéenne explique imiter l’organisation de la SNCF pour propager le mouvement « Nous pouvons organiser un blocus sur tel ou tel lycée (mardi), et mercredi, en déclencher un autre sur tel lycée. En fait, on en mobilise le plus possible tout en essayant de sauvegarder nos forces. On voit aussi, avec la SNCF, que c’est possible de lancer ce genre d’opérations. C’est quelque chose qui va se révéler sans doute efficace. » Prochains lycées pressentis pour rejoindre la protestation : Paris, Marseille ou Auxerre.
La différence notable, c’est la multiplication des raisons qui poussent les étudiants, les lycéens, mais aussi les cheminots et les autres grévistes à descendre dans la rue. Pour présenter un front commun, les différentes organisations vont donc devoir s’organiser pour, non pas la convergence, mais la connexion de tous ces foyers de lutte. Faire circuler informations et idées, pour se faire entendre d’un gouvernement essayant jusque-là de passer ses réformes sans réelle consultation publique.
Crédit Photo à la une : Benjamin Filarski / Hans Lucas

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