Ce samedi 22 avril, des milliers de personnes, aux Etats-Unis mais aussi dans le reste du monde, ont défilé pour protester contre le rapport de l’administration Trump à la science, dénonçant la suppression des subventions d’Etat à la recherche, et plus largement l’attitude sceptique du nouveau président face à la vérité scientifique. Ce mouvement de protestation, repris en France, nous rappelle le rôle essentiel des scientifiques dans la société et dans la lutte contre l’obscurantisme.
Une manifestation planétaire
« Sans la science, tout n’est que fiction » : voici l’un des messages que l’on pouvait lire sur les banderoles de la Marche pour la science, organisée depuis les Etats-Unis et reprise partout dans le monde, le 22 avril dernier. Cette démonstration, qui rappelle la Marche pour la femme du 21 janvier, est partie d’un groupe Facebook créé au lendemain de l’élection de Donald Trump, qui s’inquiétait du rapport de l’administration à la science. Quelques mois et plusieurs déclarations fracassantes du président républicain plus tard (dans le genre de son « le réchauffement climatique est un canular »), le groupe compte plus de 800 000 membres et aboutit à l’organisation de la manifestation. Autour du cortège principal, défilant à Washington, 500 autres manifestations sont organisées dans le monde entier – dont certaines entièrement virtuelles. La mission affichée en est de « défendre une science robustement financée et communiquée publiquement comme pilier de la liberté humaine et de la prospérité ».
Inquiétudes vis-à-vis de Trump
Ce mouvement se veut une réaction aux décisions prises par le président Trump dans les premiers mois de son mandat : entre autres, celui-ci veut réduire de 30 % le budget de l’agence de protection de l’environnement (EPA) et vient de nommer un climatosceptique notoire, Scott Pruitt, à sa tête ; il veut réduire les subventions fédérales à la recherche sur le climat et la Terre effectuées par la NSA ; il a également interdit par décret le financement par l’agence de développement internationale (USAID) des ONG soutenant l’avortement.
Plus largement, la communauté scientifique américaine a voulu prendre position contre la posture face à la science de l’administration Trump. En effet, cette dernière, à l’image des tweets parfois absurdes du président, préfère invoquer de pseudo-faits (« alternatives facts ») ou même les inventer purement et simplement pour appuyer sa politique, plutôt que de s’en remettre à la méthode scientifique, fondée sur la collecte et l’analyse rationnelle de données. Une telle position, de l’ordre de l’aveuglement idéologique, fait le jeu des grands lobbies industriels ou religieux sur des sujets comme le changement climatique, la vaccination, l’économie, le port d’armes, l’interruption de grossesse, les mouvements migratoires ou les relations internationales… autant de domaines rendus brûlants par l’actualité politique aux Etats-Unis.
Qu’en est-il en France ?
De notre côté de l’Atlantique, la situation n’est pas aussi désespérée. Pourtant, samedi dernier, près de 5 000 personnes ont défilé à Paris ; d’abord par solidarité avec la communauté scientifique américaine, mais aussi pour dénoncer le rapport à la science de la classe politique française. Sur les banderoles de la Société française de physique, de l’Ecole normale supérieure ou de l’université, à côté des messages généraux en faveur de la science, le message est clair : on dénonce un triple fléau, « précarisation, paupérisation, vassalisation ». Pour ces scientifiques, la recherche fondamentale est aujourd’hui trop considérée comme le bras armé de la politique, financée sporadiquement en cas de besoin, à coups de CDD sans statut protecteur, et pour ainsi dire absente des programmes de campagne. En France, le message se veut aussi plus idéologique : on dénonce le mépris de la science sur des sujets divers, comme la question du diesel (au cœur de la « mobilité environnementale » alors que c’est un polluant avéré), ou les sorties climatosceptiques de Nicolas Sarkozy.
« Ce n’est d’ailleurs pas au hasard que la Marche pour la science s’est déroulée le même jour que la Journée de la planète : c’est par la science inconsidérée que nous avons mis en danger notre planète, c’est avec la science raisonnée que nous la sauverons. »
La science nécessaire
« La science est au-dessus de la politique », rappelle Shaughnessy Naughton, une chimiste de l’université de Princeton, lors de la marche de Washinghton. Comme beaucoup de ses confrères, elle se défend d’un message politique de la marche. Selon ceux-ci, la science doit avoir voix au chapitre de la politique (Mme Naughton, d’ailleurs, a fait campagne pour le Congrès à deux reprises), mais elle doit avant tout être considérée comme un bien commun pour l’humanité. La science joue un rôle fondamental dans la condition humaine : elle est l’origine de tout ce qui fait le confort moderne de l’homme aujourd’hui, et elle représente la meilleure information dont nous disposons aujourd’hui sur notre environnement (santé, énergie, climat) – en faisant le garant de notre existence et de la continuation de notre espèce. Ce n’est d’ailleurs pas au hasard que la Marche pour la science s’est déroulée le même jour que la Journée de la planète : c’est par la science inconsidérée que nous avons mis en danger notre planète, c’est avec la science raisonnée que nous la sauverons.
Enfin, la Marche pour la science veut nous rappeler que la posture scientifique est indispensable car elle place avant toute chose les faits. C’est ce refus absolu de voir autre chose que la réalité qui a conduit l’humanité de la révolution intellectuelle des Lumières au XVIIème siècle à aujourd’hui, en faisant barrage à tous les obscurantismes, qu’ils soient religieux, idéologiques, ou simplement motivés par l’argent. Gardons en tête la maxime de Marie Curie, reprise et continuée sur une banderole par les scientifiques de la station Neumayer en Antarctique : « dans la vie rien n’est à craindre, tout est à comprendre ; il est temps de mieux comprendre, afin de moins craindre ».
Crédit Photo : andyparker72 / Shutterstock

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