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Si Mélenchon est élu, Assange et Snowden seront français !

Très tôt dans sa campagne pour la présidentielle, le candidat de « La France insoumise » a fait part de sa volonté, s’il est élu, d’accorder aux lanceurs d’alerte Edward Snowden et Julian Assange la nationalité française – si toutefois ces derniers en font la demande. Une décision qui témoigne de l’importance des « whistleblowers » dans un contexte […]

Très tôt dans sa campagne pour la présidentielle, le candidat de « La France insoumise » a fait part de sa volonté, s’il est élu, d’accorder aux lanceurs d’alerte Edward Snowden et Julian Assange la nationalité française – si toutefois ces derniers en font la demande. Une décision qui témoigne de l’importance des « whistleblowers » dans un contexte de défiance politique de la société civile envers des Etats aux penchants « Big Brother ».

Une déclaration en faveur des « lanceurs d’alerte »

Il l’a déclaré à plusieurs reprises, la dernière en date au micro de France Inter en décembre : Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidence de la République, offrira, une fois en office, la nationalité française à Edward Snowden et Julian Assange, et ira même jusqu’à les décorer pour services rendus à la France. Son argumentaire est clair : « Snowden et Assange ont rendu service à la France, ils ont permis de révéler et de faire la démonstration que les Etats-Unis nous espionnaient, notre président et notre économie ». Le candidat fait ici référence aux révélations permises, depuis la création de WikiLeaks en 2006, par ces deux « lanceurs d’alerte » – c’est-à-dire individus faisant le choix de révéler au grand public, par l’intermédiaire d’Internet ou des médias traditionnels, des secrets d’entreprise ou d’Etat qu’ils jugent injustes ou immoraux.

Qui sont Assange et Snowden ?

Aujourd’hui réfugié en Russie, car il est poursuivi par la justice américaine, Edward Snowden a communiqué en 2013 à un consortium de journalistes de nombreux documents faisant la lumière sur les nombreux programmes d’espionnage illégaux de la NSA (l’agence du renseignement américaine). Analysés en France par les journalistes du Monde, ces documents ont révélé en détail les capacités d’écoute de la NSA, en collaboration avec le GCHQ (agence de renseignement britannique) : en toute impunité, ces derniers ont pu espionner des populations entières (avec l’aide, volontaire ou non, de grandes entreprises comme Google ou AT&T), et même mettre en place « des écoutes plus ciblées, qui ont visé les élites politiques, diplomatiques et économiques de nombreux pays dans le monde, d’Angela Merkel à la Commission européenne en passant par l’entourage de Dilma Rousseff, (…) de nombreuses délégations des Nations unies, des ONG ».

Edward-Snowden

De son côté, Julian Assange bénéficie aujourd’hui de l’asile politique de l’ambassade de l’Equateur à Londres, car il craint également des poursuites de la part du gouvernement américain, auxquelles s’ajoute un mandat d’arrêt européen à son nom, suite à une accusation de viol. A son tableau de chasse, on compte d’innombrables révélations faites par l’intermédiaire de son site WikiLeaks, notamment à propos des méthodes opératoires de l’armée américaine en Irak et en Afghanistan, des dispositifs d’écoute de la NSA sur les présidents français ou des dessous de la campagne présidentielle aux Etats-Unis. A propos de l’accusation de viol, Jean-Luc Mélenchon a naturellement précisé qu’il devra en répondre une fois naturalisé français.

C’est une bonne situation, ça, lanceur d’alerte ?

Comme pour le cas du scribe, on ne peut pas dire qu’il y ait de bonne ou de mauvaise situation de lanceur d’alerte. Tout dépend de la gravité des informations révélées au grand jour, et surtout de l’intention derrière l’acte de lancer l’alerte. Si, dans le cas d’Edward Snowden, ou encore d’Irène Frachon (pneumologue au CHU de Brest ayant contribué à mettre à jour le scandale du médicament Mediator), les révélations servent l’intérêt général, il n’en est pas toujours ainsi. Il faut ainsi se méfier de ceux qui revendiquent le statut de lanceur d’alerte pour mener une vengeance personnelle ou discréditer une entreprise ou une institution sans fondement. En France, la loi Sapin II, votée en novembre dernier, cherche à protéger ceux que l’avocat William Bourdon considère comme des « Antigone modernes ». Elle commence par définir précisément le statut du lanceur d’alerte comme une « personne physique qui révèle ou signale (…) une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général ». Ensuite, la loi – qui vient compléter une série de six lois débutée en 2005 – prévoit la protection du lanceur d’alerte en interdisant toute discrimination à son égard (par exemple, un an de prison et 15 000€ d’amende attendent toute personne « empêchant le signalement d’une alerte ») et en protégeant sa confidentialité.

Malgré les efforts louables du législateur qui ont abouti à la loi Sapin, le statut de lanceur d’alerte en France est encore très fragile. Ce qui conduit les candidats à la présidentielle, à l’instar de Jean-Luc Mélenchon et sa proposition radicale de naturalisation, à proposer un prolongement de cette loi. Ainsi, Benoit Hamon, par exemple, promet d’établir une prise en charge financière (une clause effacée du texte lors de la relecture par le Sénat en novembre dernier) et la création d’un statut protégé au niveau européen.

JulianAssange

Pourquoi faut-il les protéger ?

Si l’on regarde plus loin que l’impact direct de leur révélation, les lanceurs d’alerte, par leur récente multiplication, sont le symptôme d’une double évolution : l’émergence d’abord de la responsabilité de la société civile, qui veut aujourd’hui décider par elle-même ; ensuite, ils témoignent d’une profonde crise de la représentativité.
Quand un individu seul peut faire trembler une institution ou un Etat, et en fait le choix à l’instar d’Edward Snowden, il véhicule un message à la société : vous en tant qu’individus pouvez peser aussi lourds que les puissants. Le lanceur d’alerte est le symbole d’une récente prise de responsabilité de la société civile, qui du fait d’Internet peut penser et décider d’elle-même. Ce phénomène s’accompagne d’une défiance croissante à l’égard des gouvernements et des entreprises, que les lanceurs d’alertes accentuent en révélant leurs obscurs desseins (espionnage, chantage, manipulation, méthodes immorales). S’ensuit une forte aspiration à une démocratie plus transparente et « participative, voire directive ».

« La société civile doit se responsabiliser, professionnaliser son action et être de plus en plus exemplaire dans les modalités de sa protestation pour gagner en crédibilité »

Les lanceurs d’alerte sont à protéger car ils sont l’expression de cette volonté nouvelle, et du souci de la population pour sa liberté et sa vie privée ; ainsi, un sondage réalisé en février pour le compte d’Amnesty International montre qu’en Espagne, au Brésil ou en Suède, les deux-tiers des citoyens s’opposent à l’interception des données de navigation Internet et téléphoniques. Pour l’anecdote, ils ne sont que 44% en France, reconnaissant, comme l’ancien ministre Hubert Védrine, la nécessité du secret : « il existe un temps légitime du secret dans la politique, l’entreprise, l’hôpital, la société, partout », affirme-t-il.

Quel impact réel ?

Au-delà d’être le symbole d’un changement majeur de notre société, les lanceurs d’alerte les plus connus, comme Assange ou Snowden, ont-il réussi à faire changer les choses ? Malgré la large exposition des dispositifs de surveillance de la NSA, les réformes sont timides : le Sénat américain a certes passé une loi, le Freedom Act, qui encadre la surveillance (les services secrets doivent désormais faire une demande ciblée pour obtenir des informations et ne peuvent plus les stocker), mais sur le principe la surveillance continue, et personne n’a véritablement été reconnu coupable dans cette affaire. Pire, en France, au contraire, la surveillance s’est accrue. Dans un contexte de crise sécuritaire déclenché par les attentats de 2015, le gouvernement à promulgué une « loi relative au renseignement » qui renforce le cadre juridique de la surveillance de la population, en autorisant notamment la mise en place chez les FAI (fournisseurs d’accès internet) de « boîtes noires » permettant de surveiller directement les données de connexion. Alors certes, ce n’est plus la NSA qui nous surveille, mais seulement notre propre gouvernement : d’un Big Brother à l’autre.

Pour permettre aux choses d’évoluer positivement vers le respect de la vie privée, il faut donc protéger le statut des lanceurs d’alerte qui mettent en évidence les mécanismes liberticides de surveillance dans le cadre de la loi. Il important de respecter les étapes et le contexte prévu par cette loi pour œuvrer à un désamorçage de l’actuelle situation de méfiance généralisée que l’on constate pour entrer dans ce que Védrine appelle la « génération post-terreur ». Cela passe aussi par un apaisement de la relation avec les puissants : « la société civile doit se responsabiliser, professionnaliser son action et être de plus en plus exemplaire dans les modalités de sa protestation pour gagner en crédibilité »

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Antoine Puig

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