Malgré une conjoncture souriante aux enseignes de fast-food en Inde, la chaîne de restauration rapide originaire de l’Illinois a récemment annoncé la fermeture sine die de 169 (soit 40%) de ses restaurants franchisés dans le nord et l’est du pays. Une annonce qui témoigne de la féroce bataille que livrent les grandes chaînes de fast-food dans le pays, mais qui n’est pas pour déplaire à tout le monde.

Bisbille économique

C’est déjà la deuxième vague de fermeture pour l’enseigne aux arches jaunes : en juin dernier, celle-ci avait déjà fait abaisser le rideau de fer de 43 de ses 55 restaurants de la capitale, New Delhi. Avare de commentaires, McDonald’s avait alors invoqué une rupture de son accord avec son partenaire local (Vikram Bakshi, un homme d’affaires indien) dans l’entreprise responsable des franchises, CPRL. Derrière le discours légal sibyllin tenu par la firme, selon laquelle Bakshi et CPRL ont « matériellement enfreint les conditions de l’accord de franchise », on devine la querelle qui oppose les deux associés depuis l’éviction fomentée par McDonald’s de Bakshi du poste de directeur exécutif de CPRL, aggravée par le retour à ses fonctions de Bakshi, suite à un recours en justice.

Si les raisons exactes du conflit ne sont pas connues, elles émanent probablement des difficultés rencontrées par plusieurs enseignes à renouveler leur permis d’exploitation, là encore pour des raisons non dévoilées par l’enseigne (s’agit-il d’hygiène ? de conflit avec les autorités locales ?).

Malgré un discours rassurant, McDonald’s et ses partenaires locaux laissent plus de 1 700 personnes sans emploi jusqu’à nouvel ordre : « notre priorité sera de (…) travailler avec CRPL pour atténuer l’impact de la décision sur les parties touchées, comme les employés, les fournisseurs et les propriétaires », a déclaré la chaîne américaine dans un communiqué daté du 21 août. Vikram Bakshi, de son côté, a qualifié le comportement de son ancien partenaire de « méprisant, malhonnête et tyrannique ».

Contexte concurrentiel

Difficile de donner raison à l’une ou l’autre des deux parties sans plus d’information. La chaîne américaine, pour préserver ses emplois et sa place sur un marché de plus concurrentiel, devra rapidement se tourner vers de nouveaux partenaires pour continuer à exploiter ces quelques 200 restaurants franchisés. Opérant jusqu’alors plus de 400 restaurants dans 65 villes du pays, l’enseigne américaine cède chaque jour du terrain à ses concurrents comme Domino’s Pizza ou Pizza Hut. Le marché de la restauration rapide est pourtant en pleine expansion à l’échelle nationale : il pèse actuellement 1,5 milliards de dollars, et croît de 15% par an.

Une partie du plan de bataille de McDonald’s consiste à s’appuyer sur le modèle de la franchise. En plein développement, ce mode de fonctionnement qui consiste à charger un partenaire local de la gestion du restaurant, en ne prêtant que son image de marque en échange d’une part des recettes, est déjà largement exploité par l’entreprise. C’est notamment le cas des établissements chinois de la chaîne, dont 80% ont été vendus au conglomérat local Citic en début d’année.

Exemptant la maison mère des coûts opérationnels, la franchise est une aubaine économique pour les chaînes de restauration : « elle peut aussi permettre de développer beaucoup plus rapidement un réseau et prendre des parts de marché sans pour cela immobiliser de capitaux », analyse Guy-Noël Chatelin, associé chez OC & C Strategy Consultants et spécialiste du commerce et de la distribution.

Enjeu de santé publique

Pour redresser la barre dans les marchés émergents comme l’Inde, McDonald’s et les autres chaînes de restauration rapide devront aussi lutter pour se débarrasser d’une image « junk food » qui leur colle à la peau, malgré les nombreuses alternatives « light » proposées par les restaurants. Dans les rues d’Inde, la chaîne subit une forte concurrence de la part des vendeurs de rue, proposant une nourriture moins chère, plus fraîche et plus locale.

Pour certains, le revers subit par McDonald’s est une bonne nouvelle pour le pays. Proposant une nourriture certes accessibles mais pauvre en nutriments et trop riche en graisses saturées, la chaîne américaine est jugée néfaste pour sa clientèle, majoritairement jeune ou étudiante (avec 356 millions d’habitants entre 10 et 24 ans, l’Inde possède la population la plus jeune du monde) : « tout ce que vous retirez de ce délicieux repas chez McDonald’s, c’est du cholestérol » assène un chroniqueur d’India Today.

Cet avis est partagé par les autorités indiennes, qui cherchent à lutter contre les aliments trop gras, salés ou sucrés. Ainsi, l’Etat du Kerala a instauré l’année dernière une « taxe graisse » sur les burgers, pizzas, donuts et autres tacos, qui sont depuis taxés à 14,5%. Similaire à la taxe sur les sodas présente en France, ce nouvel impôt vise à réduire l’obésité infantile dans l’Etat (une étude du ministère de la santé du Kerala a montré qu’un enfant sur deux souffrait de troubles du poids), et apporte également un revenu supplémentaire non négligeable aux caisses de l’Etat (1,3 millions d’euros par an).

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