Désireux de profiter de l’été pour établir les fondations de son quinquennat, Emmanuel Macron a annoncé qu’il procéderait par ordonnances notamment pour prolonger la loi travail de l’année dernière. Tour d’horizon des mesures phares – et pour certains, inquiétantes – de son projet.
Reprise d’un chantier du gouvernement Hollande
Dans beaucoup d’élections, les premières semaines suivant le scrutin sont considérées comme décisives. C’est notamment le cas aux Etats-Unis, avec la tradition d’évaluer les « 100 jours » d’un président fraîchement élu. En France, on parle souvent des réformes « de l’été », c’est-à-dire les décisions menées dans l’été qui succède à la campagne ; cette période peut aussi être jugée plus favorable au passage de décisions controversées, puisque l’opinion publique est divertie par les vacances d’été.
Emmanuel Macron, récemment investi à la fonction suprême, ne compte pas déroger à cette habitude. Il a d’ores et déjà annoncé les chantiers qui occuperont son été, et par conséquent l’été du Parlement. Aux côtés d’un projet de moralisation de la vie politique et d’une réorientation de l’Europe, en concertation rapide avec l’Allemagne – qui a débuté ce lundi avec une visite à Berlin – on trouve notamment un prolongement de la loi travail, surnommée loi El Khomri, dont un premier volet avait été adopté après trois recours à l’article 49.3 de la Constitution l’été dernier.
Malgré sa volonté de rupture affichée avec le gouvernement précédent, Emmanuel Macron souhaite en effet poursuivre les réformes controversées de la loi travail. C’est un des nombreux points sur lesquels il s’inscrit dans la continuité et non la rupture avec le quinquennat de François Hollande : les autres points sont notamment le recrutement de nouveaux enseignants, l’autorisation de la PMA aux femmes seules ou en couple homosexuel (dans la lignée du mariage pour tous), ou enfin l’extension du service civique.
Trois mesures phares
Revenons à la loi travail : dans sa mouture actuelle, son principal effet est de rendre les accords négociés au niveau de l’entreprise à propos du temps de travail prioritaires sur les accords généraux (applicables à toutes les entreprises) ou les accords de branche (négociés au niveau du secteur d’activité). Autre point d’achoppement de la loi de l’année dernière : le plafonnement des indemnités de licenciement en cas de licenciement « sans cause réelle, ni sérieuse ». Après d’âpres débats, ce point avait été retiré de la loi, ne laissant que des plafonds indicatifs que les prud’hommes ne sont pas tenus de respecter.
C’est justement ce point sur lequel Emmanuel Macron souhaite revenir durant l’été, pour justement rendre ces plafonds obligatoires. Derrière cette décision, que ses détracteurs dénoncent comme un cadeau aux patrons, il y a une volonté d’uniformiser les recours au tribunal en cas de licenciement. En effet, les indemnités finales sont très variables en fonction des cas (de 500 à 300 000€). La nouvelle mouture de la loi fixerait le plafond à 10 mois de salaire, modulé par l’ancienneté dans l’entreprise. Pour Emmanuel Dockès, professeur de droit à l’Université Paris-Ouest Nanterre, le risque est de banaliser le licenciement sans raison, en alignant son coût avec celui d’un départ volontaire : « comme on mesure une obligation à sa sanction, on peut en conclure que, dans la pratique, l’obligation de justifier un licenciement risque de disparaître ».
D’autres points du projet d’Emmanuel Macron risquent de faire à nouveau gronder les syndicats : celui-ci projette en effet d’étendre le principe de primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche à d’autres domaines, comme les salaires ou les conditions de travail. Pour les détracteurs de la loi, cette manière de procéder serait contraire à la « hiérarchie des normes sociales » existantes, qui voudrait que la plus grande majorité prime ; ceux-ci s’inquiètent de l’avènement d’un code du travail « par entreprise », ce qui diminuerait la puissance collégiale des syndicats et attaquerait le statut presque sacré des acquis sociaux du XXème siècle.
Enfin, au sujet du chômage, Emmanuel Macron prévoit un volet de la loi pour retirer le versement des allocations à un chômeur ayant refusé deux emplois décents et ne pouvant justifier d’une « intensité » de recherche d’emploi suffisante. Sans juger de la légitimité d’une telle mesure, qui dépendra largement des conditions d’applications et de la définition d’emploi « décent », on peut s’interroger sur son efficacité à long terme. Selon ses détracteurs, une telle mesure punitive ne servirait qu’à précariser les chômeurs, forcés d’accepter des emplois ne les aidant pas à sortir durablement de leur situation.
Les ordonnances, ce n’est pas automatique
La partie, néanmoins, est loin d’être jouée. Pour pouvoir accomplir ces réformes durant l’été, c’est-à-dire en un temps record selon les normes du Parlement, le nouveau président avait annoncé vouloir procéder par ordonnances. Ces textes, conçus par le gouvernement puis signés par le président, sont en effet directement adoptés, puis soumis a posteriori à un vote de ratification à l’Assemblée et au Sénat – une méthode qui permet de contourner les habituels débats et amendements dans les deux chambres. Il subsiste pourtant pour Emmanuel Macron deux obstacles majeurs : celui-ci doit d’abord disposer de l’autorisation du Parlement pour éditer des ordonnances (il aura donc besoin d’une majorité favorable), et ensuite il doit avoir à ses côtés un gouvernement pleinement rallié à sa cause, ce qui dépendra également des résultats des législatives.

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