A quelques jours du vote aux Européennes, Emmanuel Macron a convoqué neuf groupes de la Presse Quotidienne Régionale pour une interview encadrée par l’Elysée. La Voix du Nord et Le Télégramme ont refusé de se prêter à l’exercice et dénoncé une opération de communication.
Emmanuel Macron avait négocié avec le Syndicat de la presse quotidienne régionale, qui comprend une cinquantaine de titres, comme Le Dauphiné libéré, Ouest-France, Le Parisien, Sud Ouest, Le Télégramme, et une dizaine de groupes de presse un entretien consacré à l’Europe à cinq jours pile des élections européennes.

Cette interview d’une heure trente proposait une méthode pour le moins surprenante puisque les journalistes y participant devait s’engager à co-écrire sur place une unique version des réponses du Président de la République, en plus de les soumettre à la relecture de l’Elysée pour validation. Les deux journaux La voix du Nord et Le Télégramme ont refusé de jouer le jeu gouvernemental et dénoncé sur Twitter une opération de communication.
« En s’invitant dans la presse régionale à cinq jours du scrutin, alors que son engagement pour la liste Renaissance ne fait aucun doute, il nous a semblé qu’Emmanuel Macron rompait cet équilibre essentiel au débat démocratique. En tout cas dans nos colonnes, si nous avions décidé de publier ce texte. », a ainsi expliqué Le rédacteur en chef de La Voix du Nord, Patrick Jankielewicz,
« Le Télégramme n’a pas souhaité se plier à l’interview collective du Président Emmanuel Macron dont le principe est une négation de l’identité des titres de la presse régionale et des territoires qu’ils représentent. » a de son côté précisé Hubert Coudurier, rédacteur en chef de Le Télégramme
Et pour cause, la Presse Quotidienne Régionale a 18 millions de lecteurs, et donc autant d’électeurs potentiels, une soixantaine de journaux, avec normalement autant de lignes éditoriales et de pratiques différentes. Avec seulement deux titres de presse ayant refusé de jouer le jeu présidentiel, les couvertures de la Presse Quotidienne Régionale étaient tristement similaires au lendemain de l’interview, comme en atteste ce recensement d’Acrimed, l’observatoire des Médias.
Nous prenons nos distances avec les politiques : ils ne pourront plus relire et corriger leurs interviews avant publication, pratique qu’ils imposent à toute la presse écrite depuis des décennies. Ça va faire de la place dans nos colonnes 🙂. #lavoixdunord #Médias pic.twitter.com/Ote8RfCkVr
— Patrick Jankielewicz (@PJankielewicz) January 15, 2018
Cette pratique n’est pas nouvelle, cela fait longtemps que les hommes et femmes politiques français-es demandent à relire les interviews qu’ils donnent avant parution. En revanche, que cela vienne du Président de la République à quelques jours d’un scrutin européen et le tout dans une improvisation totale est synonyme de la vision utilitaire qu’a le gouvernement actuel de la presse. Pour Médiapart, il s’agit d’un « système très malsain de relations de connivence entre un pouvoir autoritaire, très peu soucieux de la liberté de la presse, et des journaux régionaux (ou nationaux !) qui acceptent d’être placés sous tutelle ».
Face à l’ingérence de plus en plus grande des hommes et femmes d’Etat dans leurs lignes, la Voix du Nord a fait depuis le 15 janvier 2018 le choix de ne plus accepter la correction des interviews avant parution. Espérons que cette pratique pleine de bon sens se répande dans l’ensemble de la presse.
Crédits montage photo à la une : Mr Propagande