Le budget des armées, la baisse de l’APL ou tout simplement la période estivale permettent au gouvernement de dissimuler le brusque rabot des crédits alloués aux collectivités locales. Les élus sont perplexes et agacés.
Un enfer pavé de (fausses ?) bonnes intentions
Pas plus tôt qu’il y a deux semaines, le gouvernement Macron avait promis que les crédits alloués aux collectivités territoriales ne varieraient pas outre-mesure « Nous ne procéderons pas par baisse brutale de dotation », avait expliqué Emmanuel Macron. Seulement, ce sont finalement 300 millions d’euros de dotations qui ont été annulés dans le cadre du plan d’économie de 4,5 milliards d’euros : les associations de maires estiment cette prise de décision nuisible à l’investissement, aux associations et surtout à leur relation « de confiance » avec le gouvernement.
Pourtant, pour conclure la Conférence nationale des territoires le 17 juillet au Sénat, événement annuel charnier pour faire l’état des collectivités locales, Emmanuel Macron avait joliment cité le philosophe Emmanuel Levinas pour réitérer son appel à la « confiance » au sein des collectivités locales. Etrange marque de confiance que de raboter 300 millions d’euros destinés aux collectivités locales par un discret décret.
A contre-courant des promesses de campagne
Olivier Dusspot, député PS de l’Ardèche et Président de l’APVF (Association des Petites Villes de France) est perplexe. « A priori, le Président et son Premier Ministre ne nous ont pas tout dit le 17 (…) », au même titre qu’André Laignel, Président du Comité des Finances Locales et Maire d’Issoudun, interviewé par Libération :
« Ils nous avaient promis le dialogue, la transparence… A aucun moment on ne nous a avertis de ce mauvais coup financier. C’est d’autant plus choquant que ces crédits sont pour la plupart destinés à des dépenses d’investissement. ».
Les investissements et la confiance envers les collectivités locales : des thèmes porteurs et fédérateurs de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron ! En février, ce dernier livrait son projet économique en exclusivité aux Echos « La sphère publique est marquée par un déficit d’efficacité, avec trop de dépenses de fonctionnement et une insuffisance d’investissements publics ciblés et utiles », où il avait notamment expliqué sa trajectoire budgétaire en trois grandes idées.
« Je veux rendre nos dépenses publiques plus efficaces tout en finançant la transformation de notre modèle de croissance. Cela passe par trois grandes idées. D’abord le respect de nos engagements européens en restant dans l’épure des 3% de déficit avec des prévisions de croissance prudente : 1,4% cette année, 1,8% en 2022. Pour 2017, la prévision est à 2,9% de déficit. Sur cette base, je ne prendrai pas de mesures additionnelles à l’été : ni cadeau, ni rigueur supplémentaire. »
Au temps pour nous !
Cette baisse est-elle nette ou est-elle l’une des prémisses d’une diminution radicale des subventions aux territoires ruraux ou du fonds de soutien à l’investissement local ? Ces décisions amenuisent les possibilités des élus locaux dans leur propre territoire : se dirigerait-on vers un renforcement de la centralisation du pouvoir ?
Balbutiements justificatifs
Le gouvernement tente de se justifier : « Les annulations porteront sur des projets non engagés. Les préfets procéderont opération par opération pour éviter de pénaliser les dossiers les plus porteurs d’enjeux. » En plus du fait que la seule annulation des projets non engagés ne soit pas du tout rassurante, André Laignel dément :
« Faux. Pour demander ces subventions, les travaux doivent être prêts à démarrer. Si le montant de cette subvention représente 20, 30 ou 40 % du total des travaux, ils ne seront pas engagés. C’est un non-sens économique puisque cela va d’abord pénaliser les entreprises locales. Donc, in fine, la croissance du pays. »
L’inquiétude quant à la suite des événements a largement gagné l’esprit des élus locaux. Si le déficit est énorme et demande un effort général, ces coupes ne renfloueront que temporairement les caisses si elles concernent les investissements ! De plus, Olivier Dusspot souligne le fait que « ce sont des crédits qui, cette année, étaient fléchés à 80 % vers des associations ou des intervenants, dans le cadre de contrats de ville déjà signés. Donc soit les communes ont un peu d’argent en réserve pour tenir leurs engagements, soit elles ne pourront pas verser l’argent aux associations et vont geler leurs participations futures. »
Ce mouvement du gouvernement inflige donc une quadruple punition, dont une qu’il s’inflige à lui-même : une baisse du pouvoir des collectivités territoriales et des élus locaux, une future baisse de la croissance due à une coupe des investissements, une vie associative et donc une situation sociale étouffées et une chute de la confiance des élus locaux envers le gouvernement. Etrange mouvement à quelques mois seulement du vote des élus au Sénat pour le maintien ou non de la majorité présidentielle.

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