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Les lobbies autoroutiers bien plus puissants que l’État…

Le Canard Enchaîné a détaillé les dessous du dernier plan de relance autoroutier en date, signé en septembre dernier par le secrétaire d’Etat aux Transports d’alors, Alain Vidalies. Dans l’ensemble, ces révélations montrent que les concessionnaires d’autoroutes sortent gagnants de ce plan de relance, comme ils l’avaient fait lors du plan de relance de 2015 ; […]

Le Canard Enchaîné a détaillé les dessous du dernier plan de relance autoroutier en date, signé en septembre dernier par le secrétaire d’Etat aux Transports d’alors, Alain Vidalies. Dans l’ensemble, ces révélations montrent que les concessionnaires d’autoroutes sortent gagnants de ce plan de relance, comme ils l’avaient fait lors du plan de relance de 2015 ; un indice de plus qui laisse à penser que le gouvernement (celui de l’époque, en tout cas) maîtrise mal la question des autoroutes.

De belles mais chères autoroutes

Avant d’entrer dans les détails, rappelons les grandes lignes du montage économique que représentent nos autoroutes. Après que l’Etat a été entièrement responsable de la construction et de l’entretien des autoroutes, petit à petit ces derniers ont été délégués à des concessionnaires à partir de 1955. Ces sociétés, d’abord mixtes puis rapidement entièrement privées, ont alors remplacé l’Etat en échange des revenus d’exploitation des autoroutes sur des périodes fixées par contrat (les fameuses concessions), variant entre 30 et 70 ans. L’objectif affiché à l’époque était de réduire voire supprimer les coûts de péage (en théorie, une fois les concessions terminées, les autoroutes sont gratuites hors entretien), tout en gardant un niveau de service optimal.

Sur le deuxième point, le bilan est plutôt bon, et 92% des usagers se déclarent satisfaits du service rendu. Sur le premier, en revanche, il faudra repasser. En effet, les concessionnaires (les plus grands sont Vinci, Abertis et Eiffage) ne sont pas prêts à renoncer à la manne économique que sont les autoroutes ; il faut dire que la rentabilité en est exceptionnelle, à tel point que l’Autorité de la concurrence a dénoncé en 2014 la « rente autoroutière » que représente cette activité. De plus de 20% de rentabilité nette, avec un risque presque nul (situation de monopole), l’affaire est juteuse.

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Quand l’Etat fait des concessions

Malheureusement, la réaction du gouvernement à cette annonce a été maladroite. Sous l’impulsion de Ségolène Royal, alors ministre de l’Ecologie, l’augmentation des tarifs de péage a été gelée pour l’année 2015, ce qui a conduit les concessionnaires à entamer une procédure de contentieux contre l’Etat. Pour se sortir du conflit, le gouvernement a été contraint de signer un plan de relance des autoroutes de 3,3 milliards, comprenant certes des avantages (1 milliard versé directement à l’Etat, retombées économiques des travaux) mais penchant globalement en faveur des concessionnaires (allongement des concessions de 2,5 ans, hausse supplémentaire des tarifs des péages pour compenser le gel de 2015).

Environ un an plus tard, le rapport de force n’a pas changé, et un nouveau plan de relance est sur les rails, à hauteur d’un milliard d’euros pour 30 opérations routières (échangeurs, murs anti-bruit, aires de covoiturage). Cette fois pourtant, l’Etat a refusé d’allonger les concessions pour le financer – on peut y voir un regain de lucidité vis-à-vis des objectifs initiaux de la concession – optant plutôt pour une augmentation de 0,3% à 0,4% des tarifs de péage (qui s’ajoutent, précisons-le, à l’augmentation consentie par Ségolène Royal, qui court jusqu’en 2023, ainsi qu’à l’augmentation « naturelle » calquée sur 70% de l’inflation).

Las, les révélations récentes du Canard Enchaîné montrent que les concessionnaires ne se sont pas contentés de cette augmentation : à la liste des clauses du contrat, il faut en effet ajouter une déduction fiscale sur les intérêts d’emprunts pour financer les travaux (ce qui n’est pas exactement nouveau dans le système de la concession, mais à préciser) ainsi que l’autorisation de reporter sur les usagers l’augmentation de la taxe d’occupation domaniale (le principal impôt qu’elles paient – ici l’augmentation représente 100 millions d’euros).

Tout cela laisse transparaître un léger déséquilibre lors des négociations, confirmé par Pierre Cardo, ancien président de l’Arafer (Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières) à propos du plan de 2015 : « l’Etat n’avait aucune volonté de mener une vraie négociation et n’avait aucune stratégie. Les sociétés d’autoroutes, filiales des grandes boîtes de BTP, avaient au contraire une grande force de persuasion avec leur puissance financière et leur chantage à l’emploi » ; la messe est dite. Si l’on peut se réjouir d’un coup de plus porté à l’hégémonie du transport en voiture (péages plus chers, moins de trafic), difficile de voir d’un bon œil la toute-puissance des lobbies industriels dans les négociations avec le gouvernement.

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