En 2017, l’utilisation des pesticides a de nouveau augmenté par rapport à 2016. Cela montre l’échec du plan national Ecophyto adopté en 2008 qui s’engageait à réduire de 50 % les pesticides en 10 ans. Le gouvernement a renouvelé cet objectif dans le plan Ecophyto 2+ pour cette fois-ci 2025, une manière de toujours plus retarder l’échéance ?
Une hausse légère qui illustre une tendance lourde
Un journaliste des Echos a trouvé l’information en épluchant les données contenues dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2019 dont le volet Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales est examiné depuis vendredi à l’Assemblée nationale. Dans un paragraphe consacré au plan Ecophyto, le rapport donne plus de détails sur le nombre de doses unités (Nodu) de pesticides utilisés : il est passé de 93,9 millions en 2016 à 94,2 millions en 2017.
A première vue, la différence entre les deux chiffres ne semble pas si importante. Pourtant, elle illustre l’échec du plan national Ecophyto dont l’objectif était de diminuer de 50 % des pesticides en dix ans, qui avait été lancé en… 2008. Ainsi, le gouvernement a admis cet été que l’utilisation des pesticides, basé sur le Nodu, a augmenté de 12,4% sur la période 2014-2016 par rapport à 2009-2011 !

Dans le PLF 2019, le gouvernement réaffirme sa volonté d’atteindre cet objectif de réduction du recours aux produits phytopharmaceutiques de 50 % à l’horizon 2025, avec un premier pallier de réduction de 25 % en 2020. La cible pour 2020 est ainsi fixée à 66,5 millions de doses.
Une nécessaire réforme en profondeur du modèle agricole français
Pour Laurence Guichard, agronome à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) « Les pouvoirs publics ont sous-estimé le verrouillage d’un système agricole fortement dépendant des pesticides. Personne n’a vraiment intérêt à remettre en cause les tendances lourdes auxquelles il est adapté».
En effet, l’agriculture conventionnelle a été créée autour de l’utilisation d’intrants chimiques et de semences adaptées. Le Nodu ne tient d’ailleurs pas compte des pesticides présents dans les semences enrobées. Pour atteindre cet objectif de 50 % de pesticides en moins, c’est donc tout le modèle agricole français qui doit être revu, sans en faire porter la seule responsabilité aux agriculteurs, mais en intégrant le rôle des industries agroalimentaires et de la grande distribution.

Alors que la FNAB vient de lancer l’alerte sur un retard de trois ans du paiement des aides à l’agriculture bio, on observe un manque de moyens mis en place pour aider les agriculteurs à sortir du système conventionnel et se passer de pesticides, par exemple en développant l’agroécologie.
Côté citoyen-ne-s, la protestation contre les pesticides lancée par « L’appel aux coquelicots » continue de mobiliser. L’association derrière le projet donne rendez-vous tous les premiers vendredis de chaque mois pour une mobilisation citoyenne partout en France. Un manifeste de 125 pages a aussi été écrit par Fabrice Nicolino et François Veillerette avec
« L’espoir fou que dans ce livre-manifeste réside la possibilité offerte à nos enfants de pouvoir encore s’émerveiller, demain, d’un monde où grouillent les abeilles, les coccinelles et autres coquelicots. »
Dans le cadre de cet Appel, 15 personnes de l’équipe de Charlie Hebdo ont accepté de se faire prélever une petite mèche de cheveux de 3 cm environ pour les faire analyser par un laboratoire spécialisé du Luxembourg : en moyenne, plus de 40 pesticides ont été retrouvés par échantillon !
Lueur d’espoir ? L’Anses a interdit ce 5 novembre les pesticides contenant du métam-sodium, espérons que cette mesure soit suivie de nombreuses autres.
Crédit photo à la une : Philippe HUGUEN / AFP