Le président du groupe Intermarché, Thierry Cotillard, avait annoncé lors d’un entretien avec le journal Libération qu’il s’était engagé à fixer un prix plancher d’achat de 1,50€ le kilo aux producteurs de viande. Avec cet engagement fort, le groupe Intermarché voulait faire en sorte d’endiguer la crise agricole que subit la France en sortant de la « course effrénée à la compétitivité ». Mais la Commission européenne, estimant qu’il s’agirait d’une entrave à la concurrence étrangère, a décidé d’ouvrir une enquête qui pourrait déboucher sur une amende à hauteur de 5% du chiffre d’affaires du groupe.
Nos agriculteurs en veulent déjà à l’UE
Pendant le Salon International de l’Agriculture qui s’est tenu à Paris du 27 février au 6 mars, les agriculteurs avaient déjà fait savoir leur mécontentement quant à la crise structurelle que connaît le secteur agricole depuis quelques années maintenant. Les manifestants, dénonçant la faiblesse du ministère français de l’Agriculture face à l’Union européenne, avaient hué le président François Hollande et saccagé le stand du ministère. Et de fait, ils ne pouvaient pas voir plus juste : l’Union européenne a mis un frein à l’engagement pris par le groupe Intermarché (conjointement avec Leclerc) pour garantir une rémunération fixe aux agriculteurs qui ne varierait pas avec les aléas de la conjoncture économique ou les stratégies concurrentielles.
« On ne sortira de cette crise que si on n’est pas dans une course effrénée à la compétitivité »
Le groupe français Intermarché avait en effet annoncé à la fin du mois de février qu’il s’engagerait, conjointement avec le groupe Leclerc, à fixer un prix plancher d’achat aux producteurs de viande porcine. Défini sur une base de 1,50 € le kilo, cet engagement avait pour but de dresser un cahier des charges permettant à la fois aux producteurs d’être moins soumis aux fluctuations des prix dus à la concurrence et au groupe d’assurer un lien avec ces mêmes producteurs français pour garantir des produits de qualité (ou du moins d’origine française) aux consommateurs. Thierry Cotillard, le président du groupe Intermarché, l’explique en ces termes :
« On ne sortira de cette crise que si on n’est pas dans une course effrénée à la compétitivité, parce que 1 000 vaches sur du béton alimentées par un technicien dans un cockpit, ce n’est pas le modèle français. Il faut aller vers quelque chose de plus vertueux, avec un cahier des charges, une qualité, et l’assumer à terme avec la pédagogie auprès du consommateur pour dire qu’il y a un juste prix. On peut faire le choix d’acheter le porc à 1 euro le kilo demain, mais alors on choisit de ne plus avoir d’agriculture en France. »
S’il y a un prix plancher, il n’y a en revanche pas de prix plafond, ce qui veut dire que, grâce à cette contractualisation, si le prix monte à 1,80€ le kilo, Intermarché paiera 1,80€ le kilo.
Peu de répercussions sur le prix d’achat
L’engagement éthique pris par Intermarché a évidemment un certain coût qui devrait avoir des répercussions sur le coût d’achat. Mais pour ne pas être pénalisé, c’est presque exclusivement sur les marges des transformateurs (abattoirs et distributeurs) que se répercutera cette hausse des prix. Un choix que le groupe peut se permettre puisqu’il possède 62 usines et sites de production, 7 abattoirs, des usines de charcuterie… soit, dispose de tout le circuit entre le producteur et le magasin et peut rogner les marges de ses transformateurs. Ainsi, le groupe pourra afficher des prix concurrentiels tout en répondant aux demandes des consommateurs d’avoir l’information précise de la provenance des produits et de faire le choix d’une enseigne qui répond aux engagements sociaux et sociétaux de façon responsable.
La Commission européenne ouvre l’enquête
Toutefois, la Commission européenne ne l’a pas entendu de cette oreille et a décidé d’ouvrir une enquête sur cet accord passé entre les groupes Intermarché et Leclerc, dénonçant une entrave à la concurrence étrangère. Le groupe français risque une amende pouvant atteindre jusqu’à 5% de son chiffre d’affaires annuel. Quoi qu’il en soit, Thierry Cotillard a réaffirmé qu’il se préparait à signer un contrat de cinq ans « avec une vingtaine de producteurs partenaires », leur garantissant un prix d’achat de 1,50€/kilo. On peut alors craindre que la situation ne s’améliore pas avec la signature récente du CETA, en tout cas l’UE n’a pas l’air d’aller dans le sens de cet engagement qui paraissait pourtant être un moyen efficace de répondre à l’urgence de la crise structurelle du secteur agricole en France…
Qu’en est-t-il des conditions d’élevage ?
Si tout cela est prometteur pour le groupe Intermarché, il convient tout de même de nuancer un peu le propos en rappelant les conditions d’élevage et d’abattage au sein des fournisseurs de l’enseigne qui avaient pu être pointées du doigt par diverses associations (rappelons l’appel d’I-Boycott contre la ferme des 1 000 Veaux). Il revient donc désormais au groupe Intermarché de nous prouver que ses engagements pris envers les producteurs ne sont pas faits au détriment du bien-être animal.

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