Chapitre 1
« Entre 1979 et 1989, nous avons eu une formidable occasion de résoudre la crise climatique. Les plus grandes puissances du monde s’accordèrent durant cette décennie sur plusieurs traités devant amorcer des mesures globales et efficaces pour réduire les émissions de CO2. Les conditions n’auraient pu être plus propices au succès. Les obstacles que nous déplorons aujourd’hui pour justifier notre inaction n’avaient pas encore émergé. Presque rien ne nous empêchait d’avancer. Excepté nous-mêmes. »
Plus de 100 interviews, 18 mois de travail, 175 000 caractères. Le New York Times Magazine, avec le soutien de la Fondation Pulitzer, publie un récit à la hauteur de son enjeu, colossal. « Losing Earth : The Decade We Almost Stopped Climate Change » retrace comment les dirigeants de l’époque, en particulier ceux des États-Unis, ont fait échouer une action qui aurait pu résoudre le changement climatique.

Des données claires
À peu près tout ce que nous savons aujourd’hui du réchauffement climatique était connu en 1979. Les données collectées depuis 1957 confirmaient ce qui avait déjà été répété depuis la fin du XIXème siècle : l’humanité a impacté l’atmosphère de la Terre en brûlant en excès des combustibles fossiles. La conclusion était alors claire, évidente : plus il y a de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, plus la planète se réchauffe.
Il était admis qu’il fallait agir immédiatement. Au début des années 1980, les scientifiques du gouvernement fédéral prédirent que les preuves évidentes du réchauffement n’apparaîtraient dans les mesures de température globales qu’à la fin de la décennie, date à laquelle il serait trop tard pour éviter le désastre.
Un rendez-vous manqué
Un large consensus international avait posé une solution : un traité mondial limitant les émissions de CO2. Les énergies commencèrent à se fédérer dès février 1979, lors de la première Conférence mondiale sur le climat à Genève, quand les scientifiques de 50 pays admirent unanimement qu’il était « urgemment nécessaire » d’agir.

Quatre mois plus tard, au G7 de Tokyo, les dirigeants des 7 plus grosses puissances mondiales signèrent un engagement à réduire les émissions carbonées.
Dix ans après, le premier rassemblement diplomatique majeur visant à approuver le cadre d’un traité contraignant eut lieu aux Pays-Bas. Des délégués de plus de 60 pays y participèrent. Parmi les scientifiques et les dirigeants du monde entier, le sentiment était unanime : une action devait être menée.
Elle ne le fut pas.
Pourquoi ?