La lutte contre l’usage des pesticides vient de gagner une bataille sur le territoire français. L’Office National des Forêts vient d’annoncer l’abandon total de l’usage d’herbicides insecticides et fongicides dans les forêts publiques. L’usage déjà très limité en France, de l’ordre de 0,02% selon l’ONF, était fait lors de repeuplements forestiers, pour maîtriser la pousse de fougères ronces et autres plantes entravant la croissance des arbres. Car la forêt est autant un lieu de compétition que de collaboration.
L’usage des produits phytosanitaires est interdit aux collectivités depuis 2017 et aux particuliers depuis janvier 2019. Mais ce sont encore 40 pesticides qui sont autorisés dans les zones non agricoles regroupant jardins terrains de sport et forêts. Bien que cet usage demeure légal, l’ONF y renonce donc, prenant acte de la nécessité de trouver d’autres méthodes de protection des végétaux et autres organismes qui peuplent nos forêts. L’usage de substances naturelles et de procédés mécaniques sera privilégié.

Les forêts publiques représentent 11 millions d’hectares en France. Cependant cette décision ne concerne pas les deux tiers des forêts de France qui sont privées. L’utilisation de pesticides est souvent mal maîtrisée dans la mesure où il n’affecte pas uniquement la population visée. Ainsi une étude menée cette année par la revue Oecologia avait démontré que l’usage d’un insecticide utilisé pour combattre des moustiques porteurs de maladies avait tué les prédateurs de ces moustiques, causant donc a contrario de l’effet souhaité, la prolifération de ceux-ci.
En 2018, France Bleu Gironde révélait que des sylviculteurs de la forêt des Landes de Gascogne utilisaient du glyphosate pour accélérer la pousse de leurs pins.
Ces usages ne devraient pas nous étonner, car il faut bien comprendre qu’une zone d’arbres n’est pas nécessairement une forêt. Les forêts plantées représentent 13 % de la superficie des forêts de production. Ces espaces ne fonctionnent pas comme des forêts mais comme des champs de culture, sauf qu’il s’agit de cultures d’arbres.
« Une plantation se caractérise par un boisement ou reboisement d’arbres monospécifiques ou plurispécifiques ».
Dans l’inventaire forestier publié en 2017 par l’Institut National de l’Information Géographique et Forestière, on apprend que si l’Ancien Régime protégeait les forêts (réforme de Colbert de 1669), la Révolution française mit fin à cet édit royal, laissant chaque citoyen libre d’exploiter la forêt sans contrainte.

Depuis, le couvert forestier se réduisit, l’ère préindustrielle augmentant les besoins, et le chauffage se faisant principalement au bois. Ce n’est qu’à partir de 1827 que l’État reprit le contrôle pour protéger les forêts. L’arrivée du charbon contribua à baisser la pression sur les forêts. Et les mines sauvèrent les forêts… Voilà qui remet en question le regard parfois simpliste que nous portons sur certaines formes de ressources énergétiques. Une source d’énergie polluante peut ainsi faire cesser une autre forme d’exploitation de l’environnement. Dans la période d’après-guerre, la priorité est de reconstruire le pays : la production de papier flambe et le FFN (Fonds forestier national) est constitué pour financer les reboisements des terrains.
Encore aujourd’hui, les zones boisées sont un enjeu de résistance au changement climatique, de préservation de la biodiversité et de production de bois dont la demande est toujours croissante. Une bataille est gagnée, mais le combat est encore long et nécessite de saisir tous les enjeux, complexes et parfois contradictoires.