Dans Le Journal du Dimanche (JDD) du 4 mars, le ministre de l’économie Bruno Le Maire a annoncé une prochaine directive européenne, directive qui imposerait aux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) une taxe sur leur chiffre d’affaire. Une bonne nouvelle a priori. Sauf que le taux d’imposition se situera dans une « fourchette de 2% à 6% (du chiffre d’affaire réalisé dans le pays), plus près de 2 que de 6 » selon les mots mêmes du ministre de l’économie. Un taux « dérisoire » pour Raphaël Pradeau, l’un des portes paroles de l’association Attac, association qui lutte pour la mise en place d’une justice fiscale, notamment avec la campagne Paye tes impôts contre Apple.
Aux premiers abords, la nouvelle fait plaisir à entendre. Les géants du net ne seront plus immunisés de toute fiscalité en Europe et devront payer des impôts sur leur chiffre d’affaire réalisé sur le territoire en question. C’est avec un air triomphal que Bruno Le Maire a annoncé cette mesure. Il met en avant le fait que « la France est à la pointe de cette bataille pour que les Gafa paient leurs impôts au niveau approprié », tout en rappelant qu’il lutte pour une « fiscalité équitable ». C’est d’ailleurs ce que note Raphaël Pradeau :
« Le fait même qu’ils en parlent, qu’ils disent « on va taxer les Gafa » c’est positif. Ça montre aussi qu’on [l’association Attac] a marqué des points ».
Et il n’a pas tort. Les différentes actions d’ATTAC contre Apple ont contribué à mettre à l’ordre du jour l’imposition des géants du numérique. Une nouvelle preuve que l’engagement et l’activisme ont un réel impact politique.
Cependant, le très faible taux de taxation annoncé met en exergue l’incapacité de l’Union européenne à prendre une mesure forte. « C’est de l’affichage politique, de la com’ » avance le porte-parole d’Attac. Pour lui, les politiques ont pris conscience du rapport de force en faveur de l’imposition des Gafa. Cette prise de conscience a fait naître une ébauche de mesure, une ébauche synonyme de progrès, certes, mais une ébauche insuffisante pour taxer à taux juste les géants du net.
« Le niveau de ce taux contentera le Luxembourg ou l’Irlande » appuie R.Pradeau.
Rappelons que ces deux pays sont des paradis fiscaux dont les Gafa profitent. Ainsi lorsqu’un produit Apple est acheté à Paris, son bénéfice est enregistré en Irlande où, grâce à (ou plutôt à cause d’ailleurs) des magouilles financières (sièges fantômes par exemple) le géant américain profite d’un taux d’imposition ridicule sur les bénéfices (on parle de 0,005%). Cette optimisation (voire évasion) fiscale avait amené la Commission européenne à réclamer 13 milliards d’euros à Apple, montant que la multinationale aurait gagné du fait du taux d’imposition irlandais. L’Irlande, au grand dam de la Commission, avait fait appel de cette décision…
La taxe annoncée par Bruno Le Maire s’appliquera sur le chiffre d’affaire réalisé dans chaque pays. Or comme nous venons de le dire, la plus grande partie du chiffre d’affaire effectivement réalisé en Europe est déclaré dans des paradis fiscaux. C’est ce que regrette Attac :
« La taxe sur le chiffre d’affaire pose problème. Le chiffre d’affaire déclaré sur le territoire français est ridicule et ne correspond pas du tout au chiffre d’affaire effectivement réalisé en France. Avec ce chiffre d’affaire déclaré, on s’approchera plutôt d’un taux réel d’imposition au niveau de celui de l’Irlande, à 0,005%… ».
Si taxer les Gafa est une mesure nécessaire, cette directive européenne semble plus être un affichage politique qu’une réelle volonté de mettre en place cette fameuse « fiscalité équitable » prônée par Bruno Le Maire. « Une mascarade » résume Raphaël Pradeau.

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