Une nouvelle étude révèle un fait alarmant : l’acidité de l’Océan Pacifique est devenue telle qu’elle dissout les coquilles de larves de crabe. Ce phénomène arrive bien plus tôt que ce que les chercheurs craignaient, illustrant l’état critique de nos océans et ses conséquences potentielles sur toute la chaîne du vivant.
Une acidification à un rythme trop rapide
Parue dans la revue « Science of the Total Environment », l’étude a été menée par une équipe internationale de chercheurs et financée par la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). Cette agence étudie l’acidification des océans et l’impact des changements de pH sur les côtes.
L’acidification des océans le long de la côte ouest des États-Unis s’intensifie plus rapidement que celle observée dans le reste du globe. Cela est particulièrement criant dans les régions littorales (<200 m) qui connaissent une capacité tampon inférieure tout en fournissant en même temps des habitats importants pour les espèces importantes sur le plan écologique et économique. C’est pourquoi les chercheurs se sont concentrés sur cette zone pour leurs travaux, en étudiant une espèce emblématique de la région : le crabe dormeur.
Le crabe dormeur est essentiel pour la pêche commerciale dans le nord-ouest du Pacifique. Les chercheurs ont découvert que les niveaux de pH plus faibles dans son habitat affectent les larves en dissolvant des parties de leur carapace et endommageant leurs organes sensoriels. Si ce fait seul est bien assez préoccupant en lui-même, les chercheurs se sont alertés de la prématurité du phénomène : l’acidité ne devait pas affecter les crabes aussi rapidement.
« Nous avons découvert des effets de dissolution sur les larves de crabes qui ne devraient pas se produire avant bien plus tard dans le siècle. » a déclaré Richard Feely, co-auteur de l’étude et scientifique principal de la NOAA.
Incapacité à se défendre face aux prédateurs, problème de croissance, mauvaise flottabilité, perte de l’orientation et difficulté à se déplacer… les conséquences de la dissolution des larves de crabe est dramatique pour leur développement vers l’âge adulte.
L’acidification des océans : un danger pour tous
Mais ce n’est pas tout, les lésions des crabes ne sont qu’un des symptômes de l’état critique dans lequel se trouve nos océans. Leur acidification menace la pérennité de la chaîne du vivant dans l’océan, toutes les espèces étant interconnectées.
« Si les crabes sont déjà affectés, nous devons vraiment nous assurer que nous prêtons beaucoup plus d’attention aux différents composants de la chaîne alimentaire avant qu’il ne soit trop tard. » a ainsi déclaré l’auteur principal de l’étude, Nina Bednarsek, une scientifique senior du projet de recherche sur les eaux côtières de Californie du Sud.
En effet, l’océan s’acidifie parce qu’il absorbe plus de dioxyde de carbone de l’atmosphère, ce qui abaisse le pH de l’eau. Selon la NOAA, l’acidification des océans modifie les côtes, libérant un excès de nutriments qui peut créer des proliférations d’algues et augmenter la température et la salinité de la mer.
Comme conséquence, les crustacés et les coraux ont plus de mal à former une coquille solide, car ils dépendent des ions carbonate, moins abondants dans les eaux plus acides. Tout comme les crabes dormeurs, les huîtres, les palourdes et le plancton ont besoin des mêmes ions carbonate pour se renforcer. Et les humains et les créatures marines en dépendent aussi, certains pour se nourrir, d’autres pour leur sécurité économique.
Surtout, c’est tout le cycle des océans qui peut s’en retrouver gravement affaibli.
Grâce à la photosynthèse, les populations de phytoplancton produisent 50% de l’oxygène que l’on respire et sont un acteur majeur dans l’absorption du carbone atmosphérique.
Pour la NOAA, il est désormais vital de réduire notre empreinte carbone globale pour diminuer le dioxyde de carbone absorbé par la mer et d’enrayer la montée en puissance de l’acidification de l’océan.