Dans un communiqué commun, des associations paysannes et écologistes dénoncent les manœuvres de l’agro-industrie en cette période de crise. Diminution de la rémunération des agriculteurs tout en affichant publiquement leur soutien à la production nationale, lobbying pour détricoter la réglementation sanitaire et environnementale, les associations accusent l’agro-industrie de conduire le système alimentaire vers une impasse en aggravant la précarité économique des paysans.
Haro sur les normes sociales et environnementales
Tout comme de nombreux domaines, l’alimentation n’est pas épargnée par un intense lobbying anti-social et anti-écologique, au nom de la relance économique. Face à la menace, la Confédération Paysanne, CCFD-Terre Solidaire, la Fnab mais aussi Les Amis de la Terre ou Générations futures joignent leurs voix pour dénoncer les manœuvres des acteurs de l’agriculture industrielle durant la crise sanitaire.
Au niveau international, si l’une des plus grandes préoccupations des Nations Unies et du Forum Economique mondial est le blocage des échanges internationaux, leur plaidoyer occulte les mesures structurelles nécessaires à mettre en œuvre pour soutenir la transformation de notre système alimentaire.
« Le 7 avril dernier, la Copa*-cogeca a par exemple demandé à la Commission européenne de reporter la stratégie “de la Fourche à la fourchette”. En France, le 22 avril, les fédérations agricoles bretonnes ont demandé au Président de la République de “libérer la compétitivité française” des “contraintes de la surrèglementation [qui] asphyxient la production”. Une communication tellement scandaleuse que même l’interprofession bovine, Interbev, s’en est finalement désolidarisée. » expliquent ainsi les associations
En France, de nombreux syndicats agricoles ont également profité du confinement pour réduire de moitié les distances nationales de sécurité entre les zones d’épandage de pesticides et les habitations, alors même que la pollution de l’air entraînée par ces pesticides est un facteur aggravant dans la propagation du coronavirus.
L’hypocrisie de la grande distribution
Sous couvert de solidarité nationale, la grande distribution n’est pas en reste dans les accusations portées par les associations. La connivence entre l’Etat français et le secteur industriel de distribution durant la crise sanitaire a causé de nombreux torts aux petits producteurs qui ont dû voir leur prix à la baisse ou dont les produits ne sont pas forcément adaptés aux standards de la grande distribution.
Ainsi, la consommation de viande a malheureusement augmenté depuis le début de la crise du covid-19, de nombreux parents achetant des steaks hachés pour nourrir les enfants à la maison. Si les prix ont également augmenté dans les supermarchés, les éleveurs ont vu leur rémunération continuer à baisser ! Au point d’envisager une grève de l’abattoir pour protester contre cette prédation économique.
« Cette conjonction de faits inacceptables montre à l’envi que les tenants de l’agriculture industrielle ne reculent devant rien, même devant l’instrumentalisation d’une crise sanitaire majeure pour défendre un système périmé. Pourtant cette épreuve collective devrait nous apprendre au contraire que le temps est venu pour une paysannerie fondée sur l’agroécologie. Les organisations signataires de ce communiqué soutiennent tous les agricultrices et agriculteurs : personne ne doit être laissé de côté. Mais elles ne soutiennent pas tous les modèles agricoles. Plus que jamais, alors que le constat de la fragilité du secteur est à son comble, la relance à penser dès aujourd’hui doit être synonyme d’une transformation du système agricole et alimentaire pour créer des emplois dignement rémunérés, protéger l’environnement et la santé de tous. » détaillent-elles
Parmi les propositions des collectifs : une réorientation à 180° des aides agricoles vers l’agroécologie sans pesticide, des productions diversifiées au niveau des territoires, l’abandon de l’élevage industriel, des intrants chimiques, la protection des sols agricoles, la révision des règles commerciales et la fin de politiques prédatrices pour la souveraineté alimentaire des pays du Sud.
Les associations appellent aussi à la vigilance sur la numérisation de l’agriculture, dont la mise en place systématique ne fera que renforcer la dépendance des agriculteurs à des outils complexes, dont la consommation énergétique et matérielle n’est pas en adéquation avec la sobriété dont nous avons besoin pour une société résiliente.
Pour les associations paysannes et écologistes, ces mesures structurelles sont indispensables pour accompagner une transition agroécologique et paysanne dont nous avons plus que besoin aujourd’hui.
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