Si le covid-19 s’attaque à toute personne sans regarder sa fiche de paie, en revanche, la manière de vivre le confinement et les conséquences indirectes sont largement déterminées par les conditions sociales. Comment se vit le confinement et ses conséquences parmi les plus précaires ?
Un lien entre contagion et précarité ?
En Seine Saint Denis, la maladie progresse plus vite que dans le reste de l’île de France. Tout d’abord parce que ce département est le plus peuplé. Les occasions d’être en contact direct avec d’autres personnes sont donc bien plus importantes. Ensuite, parce que la plupart des gens qui travaillent sont dans des secteurs essentiels – entretien, agroalimentaire et médico-social. Enfin parce que le taux d’obésité, de diabètes et de maladies cardio-vasculaires y est très élevé. Ainsi l’organisme ne possède pas assez de défenses immunitaires et les personnes peuvent l’attraper plus facilement.
De plus, les 4 millions de mal-logés en France, se voyant obligés de rester plus longtemps chez eux, risquent davantage de maladies liées à l’humidité ou au manque d’isolation : rhinites, angines, maladies respiratoires, qui évidemment dans le cas d’une contamination au covid-19, peuvent être des facteurs aggravants.
La baisse soudaine des revenus entraîne une plus grande précarité
Pour les saisonniers, intérimaires ou encore les contrats courts, il devient difficile de se nourrir et de payer son loyer. Le Secours Populaire constate une hausse de personnes inscrites au fichier depuis le début du confinement. Les réactions en chaîne multiplient les difficultés : dans le cas de parents séparés, le paiement de la pension alimentaire devient très difficile, et les deux en pâtissent.
Les bénévoles des épiceries solidaires étant eux-mêmes confinés, ont du mal à répondre à la demande croissante. L’État a déjà pris des mesures pour aider les plus fragiles : le chômage partiel, le report de date pour les intermittents, le report de la trêve hivernale. Pour ce qui est des loyers, des charges et des échéances bancaires et des aides pour les familles les plus modestes, il reste à préciser les choses.

La précarité énergétique
Car ces charges pèseront de plus en plus et les réactions en chaîne peuvent se multiplier. Ainsi la question de la précarité énergétique se pose : l’annonce faite le 16 mars par le Président de la République de la possibilité de suspendre le paiement des factures de gaz eau électricité et loyer pour les microentreprises, semble ne pas avoir aboutie. Et la question se pose pour les ménages. En effet, comme durant le confinement les gens sont plus chez eux, ils consomment bien plus d’électricité. Reports, augmentation des chèques énergies, non-augmentation des tarifs dans les prochains mois, tout peut être envisagé…
Une précarité aggravée pour des professions illégales
On n’en parle peu, mais les prostituées se retrouvent dans une situation doublement critique. Pour ces femmes dont l’activité est illégale, pas d’aide sociale en vue, pas de droit à l’aide promise aux autoentrepreneurs. Beaucoup ont des enfants et l’arrêt de leur activité signifie une menace sérieuse de se retrouver à la rue, notamment pour celles qui vivent dans les hôtels. Pour celles qui n’ont pas le choix que de continuer leur activité, les risques de contagion sont évidemment énormes.
Cette crise sanitaire n’est évidemment pas que sanitaire. Elle révèle toutes les failles de notre organisation sociale, et met en danger les plus précaires. Comme la place de nos aînés, celle des plus fragiles mérite d’être repensée avec autant d’enthousiasme que nous en mettons à applaudir les soignants chaque soir.
Crédit photo couverture : jötâkå