Depuis hier, on assiste au déploiement des forces de l’ordre contre des civils. 2 500 gendarmes et des blindés ont été déployés sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes pour expulser une centaine de personnes. Sur fond de gaz lacrymogène, une voix enregistrée leur répète en boucle : « Obéissance à la loi, dernière sommation, on va faire usage de la force. » Mais de quelle loi parle le gouvernement ?
Un retour à l’état de droit non respecté par le gouvernement
Deux heures après le début officiel de l’opération, Gérard Collomb, Ministre de l’Intérieur, expliquait sur Europe 1 « que la loi doit être respectée » et « qu’une centaine de personnes, avec une quarantaine d’édifices » étaient concernés. Edouard Philippe, Emmanuel Macron et Gérard Collomb se sont relayés ces derniers mois pour proférer l’impératif retour à un état de droit. Pourtant, le gouvernement lui-même semble prendre de dangereuses libertés au regard de la loi, selon l’avis d’une vingtaine d’avocats contestant la légalité des expulsions dans un courrier, resté sans réponse, qui avait été adressé à Edouard Philippe le 21 mars.
Ce courrier rappelle deux articles de lois. L’article L.411-1 du code des procédures civiles d’exécution stipule que, pour expulser quelqu’un en France, il faut qu’il y ait eu une décision de justice rendue dans le respect des règles de l’équité et du contradictoire. Cependant, non seulement les habitants n’ont pas reçu d’ordre d’expulsion en bonne et due forme, mais en plus les huissiers qui se sont présentés ce lundi n’ont pas pu leur montrer les ordonnances, prétextant « qu’elles étaient à la préfecture » comme en témoigne un habitant à Reporterre. L’article L 412-1 du Code de procédures civiles d’expulsion stipule, lui, que :
Si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. »

Pour la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, dont aucun habitant n’a fait l’objet d’une signification nominative de quitter les lieux, cela signifie qu’une expulsion ne pouvait pas avoir lieu moins de deux mois après la fin de la trêve hivernale du 1er avril. Donc aucune expulsion légale avant fin mai. Bien que des personnes se soient installées sur la zone illégalement, le principe de l’état de droit est de permettre à ces personnes d’être jugées en bonne et due forme.
L’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est donc, techniquement, hors la loi.

La ferme aux Cent Noms Avant/après : « Toutes les démarches légales avaient pourtant été engagées depuis 5 ans pour pouvoir rester. »
Une normalisation de la violence étatique ?
Plus inquiétant, le courrier des avocats avait été adressé au gouvernement suite à l’expulsion violente des habitants de la forêt du Bois Lejuc, opposants au projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure. Là aussi, pour ces avocats, « des ordonnances auraient été rendues au mépris des droits de la défense, au premier desquels celui d’être informé, convoqué devant une juridiction, et entendu par celle-ci ».
Des affrontements similaires se sont multipliés ces derniers temps. Qu’il s’agisse d’une poignée de militants anti-Frontex, de personnes se voyant l’interdiction de marcher en cortège pacifique en signe de soutien, de faire face aux blocages des universités, de « surveiller les frontières », le recours aux forces de l’ordre et à la violence semblent devenir la réponse systématique du gouvernement face à un mécontentement populaire, plutôt que le dialogue et la négociation.
Crédit : Médiapart – Le mix de la Parisienne libérée
Dans un communiqué, un collectif de parents vivants sur la ZAD le dénonce :
« quand la délinquance se niche parfois au sommet de l’État, on peine ici à comprendre la nécessité de « rétablir l’état de droit ». Le gouvernement choisit donc de dépenser des centaines de milliers d’euros publics dans une opération publicitaire sur le retour de l’état de droit, au beau milieu d’une négociation jusqu’à présent crédible et plutôt productive. »
Dans son interview sur Europe 1, Gérard Collomb avait précisé « Nous voulons que les choses se passent bien. » On tremble un peu en voyant cette démonstration de force sur des citoyens, qui serait donc la définition du gouvernement « que tout se passe bien ».
Image à la une et image texte : LOIC VENANCE / AFP

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