Alors que l’Aide Publique au Développement (APD) européenne est destinée à lutter contre la pauvreté et développer l’économie des pays du Sud, elle est de plus en plus détournée pour durcir les contrôles migratoires et empêcher les personnes migrantes d’arriver en Europe. Ce cercle vicieux aggrave la précarité dans laquelle se trouvent les habitants de pays en difficulté.
L’alerte a été donné par Jérôme Duval, membre du CADTM et relayée sur le média indépendant Bastamag. L’Aide Publique au Développement est définie par l’Insee comme l’ensemble des dons et des prêts à conditions très favorables accordés par des organismes publics aux pays dans le besoin figurant sur la liste des bénéficiaires du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le montant de cette aide était de 146,6 milliards de dollars en 2017. Les cinq premiers pays donateurs sont les les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et le Japon. L’APD a pour but essentiel de «favoriser le développement économique et l’amélioration du niveau de vie des pays en développement » selon l’OCDE.
Dans un article écrit en 2017, Jérôme Duval détaillait déjà à quel point l’APD se situait aux « antipodes de la solidarité » : alors que l’APD avait augmenté d’une façon générale, certains postes pourtant essentiels dans le développement des pays avait lui baissé, comme celui de l’éducation de base !
Plus préoccupant, les aides servent de plus en plus au financement des politiques de contrôles des frontières, comme en témoigne ce rapport de l’ONG Action Santé mondiale (ASM). L’ONG a mené une enquête de terrain pour examiner l’application du Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique (FFU), créé par l’UE en 2015. La conclusion du rapport est sans appel, le FFU a pour fonction principale de détourner l’APD pour faire face à la « crise migratoire » en accord avec les intérêts des pays européens.
« L’ONG ASM considère que l’aide est inefficace d’un point de vue politique et de développement. Il existe un risque sérieux que l’aide publique au développement cesse d’être considérée en premier lieu comme un instrument de lutte contre la pauvreté et qu’elle continue d’être utilisée pour faire pression sur les pays partenaires en matière migratoire. Elle serait alors réduite à un incitant : de fonds supplémentaires seraient octroyés en échange d’une coopération accrue, comme c’est le cas en Libye. »
Les fonds servent ainsi à financer la coopération et l’assistance militaire (fourniture d’équipements et d’armes, partage d’informations et de renseignements), créant ainsi un terreau fertile aux manquements les plus fondamentaux aux droits humains. Les pays africains bénéficiaires de l’aide n’ont même pas voix au chapitre concernant l’utilisation desdites aides. Sous couvert de solidarité internationale, on assiste au relent de « l’histoire coloniale honteuse de l’Europe » en Afrique.
Le rapport souligne que cette instrumentalisation « génère des effets pervers importants ». En effet, les régimes autoritaires de certains pays assurent leur maintien au pouvoir en acceptant de renforcer les frontières, ce qui aggrave les conditions de vie précaires dans lesquelles se trouvent déjà les habitants, générant encore plus la nécessité pour eux de quitter le pays…