Ce mois de mars sera rendue la décision par le FFAS (Fonds français alimentation santé) désigné par le ministre de la Santé concernant l’implémentation du système simplifié d’étiquetage alimentaire. Seulement, à la mi-février, l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail) s’est exprimée et a rendu un avis négatif. Un nouveau rebondissement dans l’affaires des signalétiques.
Mise à niveau
Pour ceux qui n’auraient pas suivi l’affaire de la signalétique nutritionnelle simplifiée, voici un petit rattrapage. En 2016, l’émission diffusée sur France 2, Cash Investigation avait mis en lumière les dérives de l’industrie alimentaire ainsi qu’une solution pour informer les consommateurs de manière simple et concise via un système de logos colorés. Le professeur Serge Hercberg, chargé de la politique de nutrition et de santé en France, à l’origine du fameux « Mangez 5 fruits et légumes par jour », s’était alors exprimé au micro d’Elise Lucet. A l’époque, il avait mis au point le prototype du logo nutritionnel en 5 couleurs. Il avait exprimé son utilité en ces mots : « L’idée est de synthétiser toutes ces données incompréhensibles dans un système extrêmement simple, coloriel, de pastilles, pour savoir réellement si un produit est mieux sur le plan nutritionnel que celui qui est à côté. »
L’origine, la lisibilité était simplifiée au maximum avec la couleur verte lorsque c’est bon pour la santé et la couleur rouge lorsque c’est mauvais pour la santé avec les lettres A, B, C, D et E. Une expérimentation nationale a été mise en place par le gouvernement dans 60 magasins en France entre septembre et décembre 2016 afin de départager 4 signalétiques différentes (plus ou moins compliquées). Le résultat devrait être annoncé en mars par le FFAS (Fonds français alimentation santé), fondation, dont l’impartialité a été mise en cause en raison de son financement par l’industrie agroalimentaire (dont Coca Cola, Danone, Fleury Michon, fromageries Bel, Kellogg’s, Lindt, Nestlé, Mondelez International, Mars France etc).

L’avis surprise de l’ANSES
La validité scientifique de l’expérimentation est pointée du doigt depuis déjà plusieurs mois, notamment par le collectif UFC – Que Choisir. S’ajoute à cela, une prise de parole de la part de l’ANSES qui a surpris tout le monde : « Rien ne prouve que les nouveaux systèmes d’étiquetage nutritionnel actuellement testés en France seront efficaces pour faire diminuer les maladies chroniques (obésité, diabète, etc.) (…) En l’état actuel des connaissances, la pertinence dans une perspective de santé publique des systèmes d’information nutritionnelle (SIN) examinés n’est pas démontrée ». UFC – Que Choisir a réagi immédiatement à ce verdict qui semble manquer de pertinence, le collectif avance que « l’intérêt informatif de l’étiquetage nutritionnel n’est plus à prouver ». L’Australie étant le seul pays ayant adopté ce système depuis 2014, il n’est pas possible de mesurer les effets de longue durée et aux origines multiples dus à cet étiquetage : pas de données, pas de progrès ? Serge Hercberg, le professeur interviewé par Cash Investigation s’agace : « On ne peut demander à un logo, avant sa mise en place, d’avoir démontré sa capacité à faire diminuer l’incidence des maladies chroniques. C’est un non-sens ! ».
La réaction de la SFSP
La Société Française de Santé Publique monte également au créneau en pointant du doigt la méthode d’évaluation de l’efficacité de l’étiquetage nutritionnel. En effet, l’ANSES souhaiterait que les logos aient un impact visible et mesurable sur les cas d’obésité, de cancers, de diabètes ou de maladies cardiovasculaires. Seulement, le choix est aux mains des consommateurs ! Le plus important et ce qui est attendu de la part de ces logos est tout simplement : l’information ! Un décryptage simple et utile pour ceux qui souhaitent manger de manière plus saine. La SFSP argumente en soulignant les effets bénéfiques attendus par cette nouvelle signalétique « Leur apparition sur les emballages ne peut être qu’un élément d’une stratégie plus globale de nutrition mobilisant à la fois l’information, l’éducation à l’école et ailleurs, l’accès des familles les plus modestes aux bons produits, ou encore la réduction de la pression marketing et publicitaire. ». De plus, la SFSP avance le fait que les maladies visées à être réduites ne se développent qu’à l’échelle de plusieurs mois, voire de plusieurs années – les observations deviennent alors impossibles à réaliser pour fournir le niveau de preuve maximal attendu par les experts de l’ANSES.
« Lorsque j’ai lu cet avis, j’ai pensé que ça avait été rédigé par un cabinet de relations publiques de l’industrie agroalimentaire ! »
Il est clair que l’ANSES a répondu de manière strictement scientifique et a peut-être choisi une méthode quantitative pour mesurer ses effets au lieu d’utiliser une méthode qualitative qui prendrait en compte les effets différés. Le professeur de nutrition britannique Philippe James, de la London School of Hygiene and Tropical Medicine s’indigne : « Lorsque j’ai lu cet avis, j’ai pensé que ça avait été rédigé par un cabinet de relations publiques de l’industrie agroalimentaire ! ». L’ANSES se défend en maintenant son approche purement scientifique et en soulignant le fait qu’ils avaient posé des jalons pour proposer d’autres alternatives à ces systèmes simplifiés.
Prochain rendez-vous fin mars pour le verdict qui devrait orienter Marisol Touraine dans sa décision.
Sources : UFC Que Choisir / Le Monde /Alimentation-Santé / The Conversation

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