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L’Etat français ne financera pas la gigantesque usine à gaz de TotalEnergies dans l’Arctique Russe

La fin de la subvention des énergies fossiles est une pierre angulaire de la lutte contre le changement climatique, qui a porté ses fruits au sein des plus hautes administrations énergétiques.

C’est une victoire significative pour les ONG qui s’opposaient à un énième investissement français dans les énergies fossiles. Ce 1er décembre, la France a annoncé qu’elle ne subventionnera finalement pas Arctic LNG 2, le gigantesque projet gazier de TotalEnergies en Arctique, tout comme les banques françaises. La major pétrolière a réussi à trouver les 10 milliards d’euros nécessaires grâce à des banques russes et internationales. Mais avec ou sans argent français, l’Arctique, déjà bien trop fragilisée par la crise climatique, risque d’être encore plus menacée par ce nouveau projet.

Arctic LNG 2

En septembre 2020, le journal Le Monde révélait comment la France s’apprêtait à participer au financement d’Arctic LNG 2, l’immense projet gazier de TotalEnergies et Novatek en Arctique russe, grâce à une garantie à l’export de 700 millions d’euros octroyée par la banque publique d’investissement française Bpifrance. Cette annonce avait provoqué une levée de boucliers des ONG françaises.

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Le 30 novembre, Total Energies a finalement annoncé que les porteurs du projet ont trouvé le prêt des dix milliards d’euros de financement nécessaires, sur les 17,6 milliards d’euros du coût total, via un « montage financier externe avec un consortium de banques internationales et russes » et des institutions financières de l’OCDE.

Après un an de flou sur la question, les ONG sont soulagées de constater le retrait de l’Etat français de ce projet gazier, qu’elles attribuent à la détermination de la mobilisation populaire ayant abouti en mai 2021 à la remise d’une pétition par SumOfUs, 350.org et les Amis de la Terre France au gouvernement français.

Cette décision est loin d’être anodine, ainsi que l’explique Anna-Lena Rebaud, chargée de campagne aux Amis de la Terre :

« Le retrait de la France d’un tel projet est un signal fort. Emmanuel Macron admet indirectement que continuer à extraire du gaz est problématique pour le climat et la biodiversité. Ce faisant, il désavoue sa propre politique adoptée en 2020 qui permet à la Banque Publique d’Investissement de soutenir des projets d’exploitation gazière jusqu’en 2035. »

Mais même sans financement français, ce projet va désormais voir le jour et aura un impact délétère au cœur d’une région qui se réchauffe trois fois plus vite que le reste de la planète.

« Ce projet produira près de vingt millions de tonnes de gaz liquéfié (GNL) par an et profitera de la fonte des glaces pour exporter sa production en Europe et en Asie par la route maritime du Nord. L’extraction d’hydrocarbures et la construction des infrastructures associées dans un écosystème aussi fragile ont également de graves conséquences sur la biodiversité. » rappellent les ONG inquiètes

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Le jeu trouble de la France dans le gaz

La fin de la subvention des énergies fossiles est une pierre angulaire de la lutte contre le changement climatique, qui a porté ses fruits au sein des plus hautes administrations énergétiques. En mai 2021, la prestigieuse Agence internationale de l’énergie créait la surprise en appelant à renoncer immédiatement à tout nouveau projet fossile, et à la vente de voitures thermiques dès 2035.

« Pour envisager le moins pire des scénarios du GIEC et ne pas dépasser une hausse globale des températures de 1,5°C, il faut impérativement laisser les hydrocarbures là où ils se trouvent, dans le sol. » exhortent les ONG

Cette décision fait également suite aux récents engagements de la France pris lors de la COP26, où le pays s’est engagé au sein de la coalition « Beyond Oil and Gas Alliance » (BOGA), avec 38 autres nations et institutions, à cesser les soutiens aux projets d’énergie fossile, avec quelques exceptions cependant.

C’est la première fois qu’une COP s’attaque frontalement aux énergies fossiles, premières responsables du changement climatique.

« L’efficacité de cette déclaration historique dépendra de la rigueur de sa mise en œuvre. Le gouvernement doit suivre l’exemple du Royaume-Uni, qui a déjà mis fin aux crédits export aux projets d’hydrocarbures, et mettre en place un plan de transition du secteur parapétrolier et de reconversion pour ses salariés. » expliquent les Amis de la Terre, SumOfUs et 350.org

Selon le PNUE, plus de 300 milliards de dollars engagés par le G20 financeraient des activités liées aux combustibles fossiles. Ainsi, reste à voir comment cet engagement va impacter, ou non, le financement international de projets gaziers ou pétroliers.

En novembre 2021, la Commission européenne a provoqué l’effroi des élus écologistes en publiant sa 5ème liste de projets d’intérêts communs (PIC), une liste de projets d’infrastructures énergétique, dont de nombreux fossiles, qui pourraient bénéficier de financements publics européens et de procédures accélérées.

« Selon la Commission Européenne elle-même, il nous faut réduire notre consommation de gaz de -36% d’ici à 2030 … cela ne peut pas se faire en construisant de nouveaux pipeline de gaz ! Si cette liste était adoptée, l’UE s’empêcherait elle même d’atteindre ses objectifs internationaux et ne respecterait pas sa propre Loi Climat. » rappelle l’eurodéputée française Marie Toussaint

Les élu.e.s français.es ont un rôle à jouer dans les négociations européennes sur le sujet. Derrière un discours public sur la scène nationale prétendant vouloir « sauver le climat », les élus LREM sont accusés par leurs homologues verts de voter à chaque fois en faveur du financement de projets gaziers.

En cause : la recherche de soutiens géopolitiques de la France auprès des pays d’Europe de l’Est et centrale qui a besoin d’alliés pour défendre l’énergie nucléaire et ses futurs projets. Le reste de la scène internationale n’étant pas en faveur de cette énergie coûteuse et dangereuse.

Cette alliance climaticide entre la France et l’Europe du gaz, pour sauver un nucléaire en faillite financière, a été dénoncée en novembre par Yannick Jadot et Marie Toussaint.

« Le pire étant la Pologne car elle veut créer une minorité de blocage au sein de l’UE. Il est de notoriété publique, au sein du dernier Conseil, qu’une partie de l’apartheid provoquée par Emmanuel Macron et le 1er ministre polonais s’est décidée en amont. La France s’engageant à moins critiquer la sortie de l’Etat de droit de la Pologne pour que celle-ci défende cette alliance nucléaire/gaz. Cette alliance se fait au prix de l’ambition européenne sur le climat et les ENR. » expliquait Yannick Jadot

Preuve que le chemin est encore long avant une sortie totale des financements publics français aux énergies fossiles.

Crédit photo couv : Maksim Blinov / Sputnik / Sputnik via AFP

Laurie Debove

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