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Les tortues les plus optimistes sont les moins anxieuses et les plus audacieuses

« Quand on côtoie ces animaux depuis un certain temps, on est convaincu qu’ils sont sentients, qu’ils ont des humeurs. Ce sont des individus à part entière, avec leur caractère, leurs envies, leurs émotions ».  

Pour la première fois, une étude prouve que des tortues peuvent ressentir des humeurs durables. Une découverte qui bouleverse notre regard sur les reptiles et relance le débat sur leur bien-être.

Les émotions des reptiles

On les croyait figés, froids, imperméables à tout ressenti. Mais une étude publiée en juin 2025 vient balayer cette image poussiéreuse des reptiles : tortues, lézards et autres serpents ne seraient pas si insensibles que ça. Ils pourraient même ressentir des humeurs durables.

À l’université de Lincoln, dans le nord-est de l’Angleterre, des chercheurs ont observé ce que peu soupçonnaient : des tortues se montrer optimistes… ou prudentes, selon leur humeur. En clair, elles présentent un biais cognitif, tout comme les mammifères et les oiseaux.

Cette découverte, publiée dans la revue Animal Cognition, remet en cause un vieux dogme : les reptiles ne sont pas de simples mécanismes de survie. Ils ressentent, réagissent, évoluent intérieurement. Et cela oblige à revoir notre éthique envers eux.

Les chercheurs ont travaillé avec 15 tortues, installées dans deux types d’arènes selon leur taille. L’objectif ? Observer comment elles réagissent face à l’incertitude. Car, tout comme les humains, les animaux peuvent interpréter une situation inconnue de manière optimiste ou pessimiste : certains vont s’en approcher avec curiosité, d’autres préfèrent s’en méfier.

Pour tester cela, les scientifiques ont placé des gamelles dans l’arène. Certaines contenaient systématiquement une récompense (un morceau de roquette, leur péché mignon !) d’autres étaient toujours vides. Puis, ils ont introduit des gamelles à des positions « entre-deux », ni clairement positives, ni clairement négatives. C’est dans ces zones grises, ambiguës, que les tortues ont révélé leur état d’esprit.

L’étude est formelle : les tortues les plus confiantes s’avançaient plus rapidement vers les zones ambiguës, pariant sur la présence d’une récompense. Un comportement qui reflète un état émotionnel positif, similaire à celui observé chez les mammifères en confiance. Et ce n’est pas tout : celles qui prenaient ces risques étaient aussi moins anxieuses face à la nouveauté, que ce soit face à un objet inconnu ou dans un environnement jamais exploré.

Un indice particulièrement révélateur : la façon dont elles sortaient la tête de leur carapace. Plus elles l’étiraient, plus elles semblaient détendues. Et encore une fois, ce sont les tortues “optimistes” qui se montraient les plus audacieuses. Pour les scientifiques, cette corrélation est nette et mesurée : plus une tortue espère, plus elle affiche de confiance.

Tortue géante d’Aldabra. La Digue Island, Seychelles – Crédit : iStock

 

Une révolution éthique en marche ?

Rien de surprenant pour Charlotte Hubler, chargée de mission formation à la Société Herpétologique de France : « Je ne suis pas du tout étonnée. Quand on côtoie ces animaux depuis un certain temps, on est convaincu qu’ils sont sentients, qu’ils ont des humeurs. Ce sont des individus à part entière, avec leur caractère, leurs envies, leurs émotions ».

Forte de plus de vingt ans d’expérience avec les reptiles, elle a même développé une approche basée sur l’écoute et le respect du rythme de l’animal : « Pour certains, on applique la notion de consentement : tant qu’on n’a pas un signal clair, on ne force pas l’interaction ». Comment détecter ce consentement ?

« Cela reste une interprétation personnelle, non validée scientifiquement, mais il y a des signes : un repli sur soi, par exemple, peut indiquer la peur ».

Elle précise que, contrairement aux chiens ou aux mammifères dont les expressions sont plus évidentes (sourcils, babines, posture), les reptiles communiquent de façon beaucoup plus subtile.

« Chez eux, cela passe par des petits mouvements, une respiration qui change… Ce sont des signaux concrets, qu’on peut apprendre à lire ».

Cette avancée scientifique pourrait avoir des répercussions politiques concrètes. Dès 2022, le Royaume-Uni avait déjà pris les devants avec l’Animal Welfare (Sentience) Act, reconnaissant officiellement la sensibilité des vertébrés – reptiles compris – mais aussi celle des céphalopodes et de certains crustacés.

Si les reptiles peuvent ressentir de l’optimisme ou de l’anxiété, cela signifie aussi qu’ils peuvent souffrir – ou s’épanouir – en fonction des conditions dans lesquelles ils sont élevés. Terrariums vides, isolement, manipulations brusques : ces pratiques, encore courantes, ne peuvent plus être banalisées.

Charlotte Hubler le confirme : « Des travaux ont montré que le manque d’enrichissement, notamment chez les jeunes serpents, a des effets profonds. Il ne s’agit pas seulement de comportements appauvris : cela touche aussi la plasticité cérébrale ».

Encore trop souvent, les reptiles sont les grands oubliés du bien-être animal, mal compris et mal pris en charge. « Ils sont largement maltraités parce qu’on sous-estime leur capacité émotionnelle. Et ça a de vraies conséquences ».

Certaines structures d’accueil sont, selon elle, tout simplement inacceptables : « Il y a encore des lieux où on peut voir des reptiles confinés derrière une vitre, avec pour seul décor une gamelle et un caillou. C’est d’un autre âge », conclut la spécialiste. 

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Joanna Blain

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