La sécurité alimentaire de la France est-elle en danger ? Dans un rapport parlementaire sur le foncier agricole, deux députés tirent la sonnette d’alarme. L’artificialisation des terres agricoles et leur vente à des investisseurs étrangers, souvent chinois, constituent des menaces bien réelles pour notre population et la résilience du territoire français.
Après une mission d’information de plusieurs mois, Anne-Laurence Petel (groupe La République en marche) et Dominique Potier (groupe Socialistes et apparentés) ont présenté les conclusions de leur rapport mardi 5 décembre. Leur constat est pour le moins préoccupant : notre souveraineté alimentaire est menacée par l’artificialisation des terres et leur accaparement par des sociétés privées.
« Le temps est venu d’inscrire dans la loi le principe selon lequel le sol fait partie du patrimoine commun de la Nation. Si on laisse la main aux marchés financiers, on va ruiner notre bien commun, notre sol. Il y a des failles législatives qui permettent à des sociétés de capitaux de prendre la main sur l’agriculture française. Il y a un triple enjeu, à la fois de souveraineté alimentaire, de renouvellement des agriculteurs et de réchauffement climatique. » Dominique Potier
En France, 164 hectares de terre agricoles sont perdus chaque jour sous le béton, pour un total de 60 000 hectares détruits chaque année soit six fois la surface de Paris !
Ces terres cultivables sont sacrifiées pour construire des centres commerciaux, des zones d’activité ou des logements.Par exemple,au Nord de Paris, le groupe Auchan et son allié chinois Wanda souhaitent construire « EuropaCity », un gigantesque complexe commercial comprenant un parc aquatique et une piste de ski artificiel, bétonnant ainsi 280 hectares de terres agricoles. Des citoyens se battent depuis 2011 pour protéger ce lieu nommé Triangle de Gonesse.

A la place d’EuropaCity, le Collectif Pour le Triangle de Gonesse soutient le scénario CARMA (Coopération pour une ambition agricole, rurale et métropolitaine d’avenir), qui propose de redonner leur usage d’origine à ces terres en les transformant en zone maraichère et céréalière, pour cultiver des produits à destinations des cantines scolaires et établissements de santé aux alentours.
« En 50 ans, les surfaces urbanisées ont été multipliées par deux et représentent plus de 9% du territoire. Ce mouvement est irréversible, car en pratique, une zone bétonnée ne redevient jamais cultivable. » prévenait le journaliste David Boéri en octobre 2017.
Autre inquiétude de taille pour les deux rapporteurs : l’accaparement des terres agricoles par des investisseurs étrangers. Au mois d’août 2018, des centaines d’agriculteurs avaient ainsi manifesté contre l’achat de 1600 hectares de terres agricoles par une entreprise chinoise. Pour les obtenir, cette dernière les aurait acheté au moins 12 000 euros l’hectare, soit le double des prix du marché, une concurrence déloyale pour les agriculteurs souvent déjà très endettés.

Le groupe China Hongyang, spécialisé dans la fabrication et la commercialisation d’équipements pour les stations service et l’industrie pétrolière, avait déjà frappé début 2016, en achetant 1.700 hectares de terres agricoles dans l’Indre.
« Ce type d’accaparement est loin de se faire uniquement via des étrangers, la majorité se fait via des investisseurs français. Si rien n’est fait, la typologie de l’agriculture française va se transformer sur le modèle anglo-saxon avec des sociétés d’exploitation agricole propriétaires dont les agriculteurs seront les salariés. », a prévenu Emmanuel Hyest, président de la FNSafer, la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural.
Dans le rapport, les deux députés nous mettent ainsi en garde :
« Les outils de régulation pensés dans les années 1960 sont aujourd’hui fragilisés par la progression des formes sociétaires d’exploitations qui échappent au contrôle de la puissance publique au risque d’un accaparement des terres et par de nouvelles formes d’exploitation qui conduisent – directement ou indirectement – à l’éviction des agriculteurs exploitants euxmêmes et l’appauvrissement collectif. »
Suite à la sortie du rapport, de nombreux acteurs du monde agricole français, dont le Syndicat professionnel Jeunes Agriculteurs, demandent ainsi à l’Etat de légiférer au plus vite pour protéger le bien commun que sont nos terres agricoles. « Le foncier est un bien rare qui a un rôle à jouer tant en terme de préservation de la biodiversité (plan biodiversité zéro artificialisation), qu’en assurant la dynamique économique et sociale de nos territoires et en garantissant une alimentation saine, sûre et durable à nos concitoyens. »