Ce dimanche 17 décembre, près de 200 surfeurs se sont rassemblés dans le Pays basque français. En solidarité avec Tahiti, ils dénoncent la destruction prévue du massif corallien par la construction d’une tour d’arbitrage métallique à Teahupoo pour les JO 2024. Début décembre, les travaux préliminaires ont déjà cassé une partie du récif. Un mouvement international qui prend de l’ampleur pour sauver les coraux.
Les coraux de Teahupoo en danger
L’événement était organisé par le collectif Rame pour ta Planète (à l’origine de la lutte victorieuse contre le projet de surfpark à Saint Jean de Luz dont nous vous parlons dans notre Guide pour stopper des projets contre nature) et Surfrider Côte Basque.
Sous un grand soleil dans l’air froid et sec de décembre, une grosse centaine de manifestant·es dont 60 personnes en combinaison avec des planches de surf ont investi le lagon formé à marée basse sur la plage des Alcyons à Guéthary, pour soutenir la population de Teahupoo.
Ce petit village de 1 800 habitant·es est situé tout au bout de la presqu’île de Tahiti Iti, en Polynésie. Il est mondialement célèbre pour son spot de surf dont les vagues font partie des plus parfaites du monde. C’est pourquoi le site a été retenu pour accueillir l’épreuve de surf des prochains Jeux Olympiques à l’été 2024.
Bémol : le CIO prévoit de construire une tour en aluminium de 15m, qui permettra aux juges de noter les compétiteurs·trices, qui risque d’endommager dramatiquement le récif corallien dans le lagon. Et ce, alors qu’une tour en bois démontable existe déjà pour surveiller le World Surf League (WSL).
« C’est un beau gâchis, voire une honte, on ne respecte pas le peuple polynésien, celui qui a inventé le surf et qui sait utiliser le bois de constructions depuis toujours » dit avec colère Gibus de Soultrait, membre du collectif Rame pour ta planète, lors d’une prise de parole avant d’entrer dans l’eau.
Depuis le début, la population locale s’oppose au projet, un appel amplifié par les surfeurs du coin qui a permis de récolter plus de 220 000 signatures sur la pétition en ligne opposée au projet.
L’opposition des surfeurs
Face à la contestation, le projet de la tour a été remanié une première fois et réduite en taille et en poids. Mais cela n’empêche pas que des travaux pour les fondations restent nécessaires. Si la tour en aluminium provoque autant de colère, c’est qu’elle implique de détruire le corail en 12 endroits différents pour implanter des nouveaux piliers. De surcroît, la tour doit être connectée à la terre par une canalisation de plusieurs centaines de mètres mettant en péril les coraux.
Le pire, c’est que ce sont les revenus locaux qui vont en financer la construction. À elle seule, la tour coûte 525 millions de francs financés à parts égales par le Pays et l’Etat. En tout, le Pays Polynésien a déjà engagé 3,7 milliards de francs et 1 milliard 100 millions de francs supplémentaire sont prévus dans le budget primitif.
Début décembre, une barge technique censée transporter les outils pour créer les infrastructures a détruit « un bon mètre carré » de corail sur son passage, attisant d’autant plus la colère des habitants. Le parquet de Papeete a ouvert une enquête confiée à l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique.
Des nouveaux essais ce weekend, avec des barges vides, se sont mieux déroulés, mais les travaux continuent de détruire le lagon des tahitiens. Le beach break de Teahupoo, une plage de sable noir, de l’autre côté de la passerelle piétonne, a été détruit à coups de pelleteuse venue en retirer le sable. Or, ce spot de surf est utilisé par les enfants qui y vont leurs premiers pas avant d’espère surfer la mythique Teahupoo
« On nous vend les JO les plus verts de l’Histoire, on a un sport parmi les plus naturels de la compétition, et on va réussir à abîmer l’environnement », regrette François Verdet, militant et bénévole de Surfrider Foundation. « La communauté du surf a un devoir de solidarité avec les habitant·es et surfeur·ses tahitien·nes mobilisés contre cette tour depuis trois mois ».
Les travaux doivent durer deux mois et demi, et la communauté est très inquiète sur les nombreux aller-retours des barges qui risquent d’endommager d’autres parties du récif corallien.
Même les grandes figures du surf, plutôt discrètes sur ce genre de dossier épineux, ont élevé la voix contre la construction de la tour. Parmi elles, la légende du surf et multiple champion du monde Kelly Slater a apporté récemment son soutien aux opposants à la nouvelle tour.
Ironie de l’histoire, la dégradation du récif corallien pourrait perturber dramatiquement la formation de la vague mythique qui se forme lorsque la houle de l’océan se courbe et longe le récif. La vague est d’une telle puissance que les surfeurs doivent la prendre en évitant d’être projetés. Or, l’étude géotechnique sur le projet n’a pas étudié les impacts d’un tel chantier sur la formation de la vague.
Le collectif local engagé pour sauver le récif, a ainsi fait plusieurs propositions, toutes refusées : changer de spot de surf et aller à Papara ou installer la tour en aluminium à terre sur une pointe sablonneuse. Pour lui, une seule issue reste enviable : rénover et réutiliser la tour en bois utilisé par les jurys du World Surf League depuis des années.