L’équivalent de plusieurs mois de précipitations sont tombées sur Marseille entre le lundi 4 et le mardi 5 octobre, soit à peu près 180 mm d’eau. Environ deux mois de pluie sont tombés en deux heures. Les pluies diluviennes ont malheureusement suivi de près une période de grève d’une majorité des éboueurs de la ville. Provoquant la crue du fleuve Huveaune, un fort mistral s’est levé mercredi, et a ensuite entrainé les déchets vers la Méditerranée. Cet évènement démontre le manque d’adaptation des infrastructures de notre pays face à l’accélération de la crise climatique.
La Préfecture mise en cause
Selon la métropole, près de 5000 tonnes de déchets auraient été accumulées pendant la grève.La métropole Aix-Marseille-Provence, responsable de la collecte des ordures, a publié en milieu de journée lundi un communiqué de presse pour annoncer un effectif de 650 agents déployés, mais la pluie gênait le déplacement dans six des treize arrondissements de la ville.
Lundi soir, il restait toujours 3000 tonnes de déchets dans les rues, et nombreux d’entre eux ont été entrainés vers la mer.
Les élus municipaux estiment que la métropole n’a pas réagi suffisamment rapidement. Après 8 jours de grève, la métropole a annoncé qu’un accord avait enfin été trouvé avec les syndicats, mais qu’il fallait de nouveau attendre une semaine pour que les activités reprennent pleinement.
L’adjointe au maire, Christine Juste, s’interroge du manque de réactivité en vue des intempéries qui étaient pourtant prévues. D’après elle, malgré l’annonce de la fin de la grève, aucune collecte n’avait été réalisée dans certains quartiers, comme le 6ème arrondissement. La préfecture s’est défendue de ne pas avoir pu anticiper un évènement qu’elle qualifie d’exceptionnel.

Des catastrophes qui seront récurrentes
Bien qu’exceptionnel à l’échelle de l’histoire de la région, il est loin de l’être sur un plan mondial, comme ont pu le montrer les différentes catastrophes climatiques de 2021. Les scientifiques alertent sur l’intensification des évènements météo extrêmes depuis 1990, notamment des pluies torrentielles.
Pour rappel, selon le premier rapport du GIEC : « L’effet de serre accentuera les deux extrêmes du cycle hydrologique, c’est-à-dire qu’il y aura plus d’épisodes de pluies extrêmement abondantes et plus de sècheresses prononcées. »
De même, ces phénomènes vont s’accentuer, en parallèle avec la hausse des températures. Nos infrastructures actuelles ne sont tout simplement pas préparées à faire face ni aux inondations, ni aux canicules.
Entre 2017 et 2019, la Chine, les Philippines, la Malaisie et d’autres pays du monde prennent la décision historique d’arrêter pour de bon la gestion des déchets venant de pays à revenus élevés.
Lire aussi : Chine, Philippines et Malaisie renvoient les déchets aux pays riches qui les produisent
Malgré cela, la France continue d’exporter un grand nombre de ses déchets, exposant ainsi de nombreuses personnes aux substances nocives qui s’en dégagent. Les trafics de déchets sont également à la hausse, il est bien souvent relativement difficile d’établir les trajets des types de plastiques et où ils terminent.
Selon les estimations, 91 % des déchets mondiaux ne sont pas recyclés, dont 230 000 tonnes qui sont jetées chaque année dans la Méditerranée.
Les limites du recyclage
Aujourd’hui, le développement d’un système de recyclage local est absolument essentiel en France. Il n’y a pour le moment pas d’usine capable de composter les emballages en bioplastique en France, qui pourtant serait potentiellement le seul plastique compostable, mais qui malgré tout nécessite un compostage particulier et professionnel, qui ne peut pas être fait chez soi.
Rappelons cependant que le tri de tous les déchets est une solution qui ne peut être que temporaire.
Étant donné les nombreux types de plastiques utilisés dans les emballages, des potentiels perturbateurs endocriniens que certains contiennent et le fait que le plastique ne soit jamais véritablement biodégradable, il est absolument nécessaire de réduire drastiquement notre consommation.

Selon Nelly Pons Combier, autrice d’Océan Plastique, 7% des microplastiques de tous les océans s’y retrouvent. Elle ajoute : « C’est une mer semi-fermée, dans laquelle les eaux mettent près de 100 ans à se renouveler. Tout ce qui y rentre se retrouve ainsi piégé. »
Défendre les droits de la nature en les attribuant juridiquement à des espaces définis a prouvé depuis 15 ans dans le monde être une stratégie efficace qui permet à la biodiversité de se régénérer à un rythme naturel, comme il a pu être établi pour un fleuve néo-zélandais et le souhaite un mouvement en France de plus en plus fort.
Mince espoir : selon l’ADEME, depuis 2007, 4,6% de déchets sont produits en moins par habitant grâce « à la prévention, à la réutilisation, au réemploi, à la réparation et à la réduction du gaspillage alimentaire ». Selon les termes, l’objectif essentiel, « diminuer les quantités de déchets envoyés en centre d’enfouissement » est donc à la hausse.
Les efforts préalables et les infrastructures déployés n’ont malgré cela, comme cet évènement le démontre, pas suffi pour freiner significativement l’écocide de Marseille. L’écosystème entier de la Méditerranée sera impacté.
Cependant, mardi, des marseillais s’étaient déjà rendus spontanément sur place pour aider à la collecte des milliers de canettes déversés sur la plage. Deux jours de suite, des appels lancés par les associations Sea Shepherd Marseille, Clean My Calanques et Wings of The Ocean ont pu mobiliser plus de 500 personnes qui ont participé activement au nettoyage de la plage de l’Huveaune.
Crédit photo couv : Nicolas TUCAT / AFP