Sous couvert de lutter contre l’extrémisme islamique, la région du Xinjiang en Chine est le théâtre d’une répression massive effectuée par le gouvernement chinois contre la communauté Ouïghoure. Plus d’un million d’Ouïghours seraient ainsi détenus de force dans des « centres de rééducation » chinois, sinistrement semblables à des camps de concentration.
Un conflit historique
Tout comme la Mongolie Intérieure ou le Tibet, le Xinjiang est l’une des cinq régions autonomes de la République populaire de Chine. Sa capitale est Ürümqi. Aussi connu sous le nom de Turkestan Oriental, le Xinjiang est le berceau d’origine des Ouïghours, peuple turcophone et majoritairement de confession musulmane.
Située sur l’ancienne Route de la soie, la région est stratégique pour le gouvernement chinois en raison de ses frontières limitrophes avec huit pays, et recèle de nombreux produits agricoles et richesses comme du pétrole et du gaz naturel, mais aussi plomb, zinc, cuivre, fer, charbon, uranium, sel, or, ainsi que des gisements éoliens.
On estime que 10 millions d’Ouïghours vivent au Xinjiang. Historiquement ethnie principale de la région, la Chine mène depuis 1949 une politique de peuplement pour avorter toute velléité d’indépendance. Ainsi, alors que la Région ne comptait que 200 000 Hans (ethnie majoritaire en Chine) en 1949, les Hans sont aujourd’hui au même nombre que les Ouïghours. Une partie de la population Ouïghour est devenue indépendantiste à la fin des années 1980. Dès 1990, les autorités chinoises arrêtèrent plus de 7 900 personnes soupçonnées d’être séparatistes.
C’est le début d’une répression ethnique qui va s’accroître au fil des ans. Pendant les années 1990-2000, les mouvements de contestation au Xinjiang et les attentats dans le pays se sont multipliés en rébellion avec la répression gouvernementale grandissante. Les attentats du 11 septembre 2001 donnent un « nouveau motif officiel » au gouvernement chinois : la lutte contre les Ouïghours est désormais une lutte contre l’extrémisme islamique.
Une répression accrue depuis un an
Aujourd’hui coupés du reste du monde, les Ouïghours se retrouvent isolés dans une région strictement contrôlée et surveillée par le gouvernement chinois. Ils subissent de nombreuses répressions et arrestations arbitraires, comme en témoignage ce reportage de la BBC.
Fin 2016, l’arrivée du nouveau chef du Parti communiste de la région, Chen Quanguo, a accéléré les répressions subies par les Ouïghours. Cet homme politique est devenu réputé au sein du gouvernement suite à sa gestion tyrannique du Tibet entre 2011 et 2016. Toutes les communications des Ouïghours sont étroitement contrôlées, les autorités chinoises vont jusqu’à collecter leur ADN et les épier chaque instant par des systèmes de vidéosurveillance high-tech dignes des plus grands fantasmes orwelliens.
Tous les signes religieux, comme le port du voile ou le respect du ramadan, sont interdits. Le gouvernement chinois force le mélange des Hans et des Ouïghours par des méthodes barbares dénoncées par l’ONG Human Rights Watch comme la campagne « Devenir une famille » qui impose régulièrement des « séjours à domicile » effectués par des Hans aux familles Ouïgours musulmanes de la région du Xinjiang.
« Au cours de ces visites, les familles sont obligées de fournir aux fonctionnaires des informations personnelles sur leurs vies et leurs opinions politiques, et de participer à des activités d’endoctrinement politique. Le gouvernement chinois devrait immédiatement mettre fin à ce programme qui viole les droits à la vie privée et à la vie familiale, ainsi que les droits culturels des minorités ethniques, afin de se conformer aux normes internationales relatives aux droits humains », a déclaré Human Rights Watch.
Le gouvernement chinois organise également des mariages forcés entre femmes Ouïghoures et hommes Hans. « Talk to East Turkestan », un groupe de défense des droits de l’homme du Xinjiang, accuse cette pratique d’être « la dernière preuve du nettoyage racial systématique et du génocide de Pékin. » Les familles Ouïghoures qui refusent de se soumettre à ces abus sont enfermées dans des camps de « rééducation », dénominatif utilisé par le gouvernement chinois pour désigner des camps de concentration renfermant plus d’un million de personnes.
La répression chinoise frappe aussi à l’international, comme en Egypte ou en France où le gouvernement chinois veut obliger les expatriés à leur envoyer des photos d’eux tenant leurs documents d’identité devant les lieux dans lesquels ils travaillent ou vivent, pour mieux les contrôler. Nicolas (le prénom a été modifié) est parti du Xinjiang à ses 23 ans pour faire des études à l’étranger.
Fiché à cause de son travail, il ne peut plus retourner dans le pays sous peine de se faire arrêter. Tous ses amis l’ont supprimé des réseaux sociaux chinois sous la contrainte et sa famille peine à l’appeler en cachette une fois par mois. Il ne peut pas les contacter directement sans les exposer à des représailles.
« La situation s’aggrave de plus en plus au Xinjiang. Toutes les technologies qui nous permettent soi-disant de mieux communiquer sont devenues les meilleurs outils de surveillance des autorités chinoises. Les Ouïghours n’ont plus le droit de s’exprimer. Parmi mes cousins et cousines, il y a des gamins de 15 ans enfermés dans les camps de concentration. Pour les enfermer, les autorités utilisent de faux prétextes. Ils ont notamment créé un document pour noter les gens : si ton score est en-dessous de 70, soit tu es quelqu’un à surveiller, soit tu es envoyé dans un camp de concentration. »
A cause du verrouillage de la région par le gouvernement chinois, aucune ONG ne peut s’implanter là-bas. Pour Nicolas, « Les chinois sont capables de boycotter une marque pour une simple altercation dans un magasin, mais pas de se mobiliser pour la vie de million de personnes… En ce moment, c’est l’argent qui parle, pas l’humanité. » Faudra-t-il un nouveau « Tibet » ou « village Rohingya » pour que la communauté internationale se soucie enfin du sort des Ouïghours ?
Pour aller plus loin : https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/l-article-a-lire-sur-la-repression-des-ouighours-en-chine_4030991.html