Les Massaï sont une population d’éleveurs et de guerriers semi-nomades d’Afrique de l’Est. Localisés essentiellement au Kenya et en Tanzanie, ces chasseurs réputés sont aujourd’hui menacés par de nouveaux prédateurs : les chasseurs de trophées venus majoritairement des Emirats arabes unis.
Depuis 1992, Otterlo Business Corporation, une société entretenant des liens étroits avec la famille royale de Dubaï, dispose par décret présidentiel des droits exclusifs sur la Loliondo Game Controlled Aread, un territoire de 4 000 km2 où sont basés huit villages massaï. Alors que la licence accordée à OBC devait expirer en 2009, le gouvernement tanzanien annonçait le 13 février 2013 que 1 500 km2 (le « Wildlife Corridor ») seraient destinés à l’usage exclusif de la compagnie de chasse. 30 à 40 000 Massaï résidant sur ces terres devraient alors être expulsés, alors même qu’ils avaient été évincés des négociations…
« Nous avons été dépossédés de notre terre en faveur des investisseurs de safaris de luxe. »
Ces expulsions, orchestrées par le gouvernement tanzanien qui promet aux Massaï des compensations financières ridicules (l’équivalent de dix euros par personne, qui ne leur seraient pas directement versés mais investis dans des programmes de développement) sont à ajouter aux évictions forcées menées en dehors de tout cadre légal. En effet, comme le rapporte l’association Survival International, en août 2009, « huit villages massaï de la région Loliondo en Tanzanie ont été totalement incendiés, laissant 3 000 personnes sans abri, sans nourriture et sans eau. »

Les incendies auraient été provoqués par les forces de police anti-émeutes tanzaniennes, délogeant ces milliers de personnes de leur terre ancestrale, en plein cœur de la saison sèche. Pire encore, Survival International évoque des rapports témoignant d’agressions et de viols sur les femmes massaï. L’une d’entre elles décrit l’horreur qu’elle a dû subir : « Deux hommes armés m’ont pourchassée et forcée à m’allonger, six autres hommes les ont rejoints et tous m’ont violée. »
A la suite de ces événements tragiques, les femmes massaï se sont organisées politiquement pour lutter contre ces expulsions injustes et brutales. Malgré le peu d’écho dans la presse française, de nombreux médias internationaux sont venus relayer cette impressionnante démonstration de force qui a su réunir plus de 3 000 femmes. Mais loin d’être ouvert à la discussion, le gouvernement tanzanien a arrêté des dizaines de femmes, et a coupé court à toute discussion, faisant valoir que les éleveurs massaï représentaient un danger pour la biodiversité (un comble non ?)

Or voilà qu’en août dernier, le Groupe international de travail pour les peuples autochtones (Gitpa) a annoncé que 185 maisons appartenant à des pasteurs massaï avaient été incendiées dans le district de Ngorongoro, délogeant près de 6 800 personnes. Un communiqué de presse publié par le Ministère des ressources naturelles et du tourisme a revendiqué cette opération, qui a été menée par les gardes du Parc national de la Serengeti et de l’Aire de conservation du Ngorongoro. La raison déclarée était alors d’éloigner les maisons et le bétail des environs du parc naturel protégé.
De qui se moque-t-on ? En juillet 2010, le gouvernement tanzanien annonçait publiquement le projet de construction d’une route nationale traversant le nord du parc et barrant ainsi la voie des migrations, et il se positionne désormais comme le défenseur de la biodiversité ? Il expulse un peuple autochtone d’éleveurs mais accueille à bras ouverts une compagnie de safaris ?
Même si aucune preuve n’a encore été apportée, on imagine sans peine qui tire les ficelles du gouvernement. La riche compagnie OBC, liée à la famille royale de Dubaï, doit parvenir sans peine à imposer sa volonté d’étendre la zone destinée à leur si noble activité. Et même si la décision du gouvernement (évoquée au début de l’article) de dédier entièrement une zone de 1 500km2 à la compagnie a finalement été rejetée – sans doute grâce à l’action des femmes massaï – on peut craindre que les populations autochtones doivent faire face à de nouvelles violences.
Image à la une : Fayed El-Geziry / Sputnik / AFP