Le gouvernement tanzanien expulse et tire sur des hommes et des femmes Massaï pour transformer les terres ancestrales désormais contrôlées de Loliondo en réserve de chasse de 1500 km², où les établissements humains et pâturages seront dès lors interdits. L’ONG Survival International et le groupe de réflexion Oakland Institute lancent l’alerte.
Selon le communiqué de presse d’Oakland Institute, le Ministère des Richesses naturelles et du Tourisme de Tanzanie a annoncé début juin un changement de statut pour plusieurs zones qui passent d’un statut de réserves naturelles contrôlées à celui de réserves de chasses. Ce dernier est mis en place pour dédier des espaces à la fois au tourisme et à la chasse.
Le gouvernement avance également l’argument d’une nécessité de conservation et de préservation de la nature. Les habitants et leurs bétails en seront bannis. En plus de la zone de Loliondo, le lac Natron, la zone de Longido, de Lokisale et de Mto wa mbu and Kilombero changent également de statut.
L’opération est effectuée par l’entreprise Ortello Business Company, localisée aux Emirats Arabes Unis. Elle s’occupe de la gestion d’excursions de chasse pour la famille royale du pays et leurs invités, et contrôlera le commerce lié à la chasse dans la zone de Loliondo, et cela malgré son implication précédente dans l’expulsion violente de Massaï, de maisons incendiées et la mise à mort de milliers d’animaux sur place.
Anuradha Mittal, la directrice d’Oakland Institute, s’est exprimée sur le sujet : « (…) le gouvernement tanzanien progresse aveuglément dans son intention de chasser les communautés pastorales Massaï de leurs terres afin de faire place à une zone de chasse. Une mobilisation internationale est impérative afin d’empêcher cette manœuvre illégale. »
D’après Survival International, le 8 juin, des dizaines de voitures de police et 700 agents sont arrivées au village de Wasso, dans la zone de Loliondo, afin de délimiter la zone de chasse de 1500 km² sur le territoire des Massaï.
Les vidéos montrent des centaines de Massaï, vêtus de leurs traditionnels vêtements rouges, qui s’enfuient à travers les plaines de Serengeti. Une autre centaine d’entre eux portent des lances, des arcs et des flèches, prêts à résister et à contester à l’expulsion.
Le 10 juin, la police a tiré sur des Massaï qui tentaient de résister : au moins 18 hommes et 13 femmes ont été la cible de coups de feu, tandis que 13 personnes ont été blessées à coups de machette. Le décès d’une personne a été confirmé.
En 2018, la Cour de Justice de l’Afrique de l’Est avait rendu une injonction interdisant le gouvernement tanzanien à expulser des villageois, s’emparer de leur bétail, détruire des biens ou de faire preuve de harcèlement à l’égard des communautés Massaï vivant spécifiquement aux abords du Parc national de Serengeti, dans une zone de 1500 km². Ces expulsions sont donc illégales.
Anuradha Mittal a estimé : « Bien qu’une décision finale (…) ait lieu en juin, le gouvernement est prêt à enfreindre l’injonction, s’emparer des terres ancestrales des Massaï et les remettre à la famille royale des Emirats Arabes Unis pour leurs plaisirs de chasse, faisant preuve d’une implacable indifférence à l’égard de ses citoyens, la loi internationale et le respect de celle-ci. »
Fiore Longo, la directrice de Survival International France, rappelle : « Cette violence que nous voyons en Tanzanie est la réalité de la conservation de la nature en Afrique et en Asie : des violations quotidiennes des droits humains des peuples autochtones et des communautés locales pour que les “riches” puissent chasser et faire des safaris. Ces abus sont systémiques et s’inscrivent dans le modèle dominant de conservation fondé sur le racisme et le colonialisme. Selon ce modèle, les humains – en particulier non blancs – vivant dans des zones protégées constituent une menace pour l’environnement. Pourtant les peuples autochtones y vivent depuis des générations : si ces territoires sont aujourd’hui d’importantes zones de conservation de la nature, c’est précisément parce que les premiers habitants prenaient si bien soin de leur terre et de sa faune. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les violations des droits humains commises au nom de la “conservation”. Ce modèle de conservation est profondément inhumain et inefficace, et doit être changé maintenant. »
Sans leurs terres, les Massai sont voués à un déclin certain. Pour l’heure, de nombreux blessés par balles, ainsi que des enfants, ont été laissés à errer dans la brousse, selon les témoignages. Beaucoup de gens sont sans nourriture et le gouvernement refuse de soigner les blessés.
Pour aider les Massai : Pour sauvegarder leur peuple, les Massai ont besoin d’un plaidoyer international, une mobilisation du monde entier. Des efforts sont encore nécessaires pour attirer l’attention des médias et des bailleurs de fonds occidentaux en Tanzanie qui restent silencieux sur cette question. Les personnes peuvent donc faire savoir à leur gouvernement et à l’ambassade de leur pays qu’ils soutiennent les Maasai en les marquant sur des publications Twitter, Instagram, Facebook et en demandant qu’ils prennent position. Ils peuvent partager les Tweets de Survival International, publications en français, ceux de Maasai s’ils le souhaitent ou écrire les leur.