Le sort funeste d’un courlis cendré en a fait le symbole de la politique agressive pro-chasse de la France. Relâché en Pologne par un programme de conservation, l’oiseau a été abattu en France lors de son passage. La LPO et l’association polonaise Ochrono Kulika dénoncent l’influence du lobby de la chasse en France qui met en danger d’extinction des espèces menacées.
En étant le pays européen qui chasse le plus d’oiseaux, même lorsqu’il s’agit d’espèces menacées, la France sape les efforts des autres Etats membres pour la préservation et la régénération du vivant. A cause de la destruction de son habitat et l’urbanisation, la population européenne de Courlis Cendré a quasiment diminué de moitié en 30 ans, à tel point que cet oiseau est classé sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN.
La Pologne est particulièrement sensible à la protection du Courlis Cendré, dont la population a été divisée par deux en seulement dix ans sur le territoire !
Pour augmenter les effectifs, aujourd’hui estimés à moins de 300 couples, et permettre la sauvegarde de l’espèce, l’association Ochrona Kulika est chargée de la réintroduction de l’échassier et du suivi de son évolution. Relâché en Pologne, un Courlis Cendré a été probablement abattu lors de son passage dans une zone de chasse située en Normandie, en France. Le cas du Courlis Cendré est emblématique de la politique pro-chasse aberrante et mortifère de la France.
« Ce n’est pas la première fois qu’un Courlis cendré relâché en Pologne est abattu dans l’hexagone. Au cours des trois dernières années, au moins 5 cas ont été documentés et ne représentent sans doute qu’une fraction de la réalité. Si rien n’est fait pour retirer durablement le Courlis cendré des espèces légalement chassables en France, il y aura chaque année de nouvelles victimes, réduisant à néant les efforts entrepris par d’autres pays européens pour sauver l’espèce. » a réagi la LPO

En cause : l’arrêté signé le 31 juillet 2019 par la Ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne, tout juste arrivée à ce poste, qui autorisait la chasse de 6 000 courlis cendrés, en l’étendant en plus à tout le territoire, alors que cette chasse était habituellement cantonnée aux littoraux. Cette décision avait été prise par le gouvernement français sans tenir en compte de l’avis de la population, défavorable à 62 % contre l’arrêté, ni des alertes de BirdLife International et d’autres ONG, et en violant l’engagement du pays dans le traité intergouvernemental AEWA (Accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie).

De fait, la LPO a alors saisi les tribunaux ce qui a permis la suspension de cet arrêté illégal et amoral par le Conseil d’Etat. Hélas pas assez rapidement pour ce Courlis Cendré qui a été tué pendant les quelques semaines où l’arrêté était actif. Avec seulement quelques oiseaux relâchés équipés d’un GPS, l’association polonaise Ochrona Kulika craint qu’il y ait bien plus d’oiseaux tués au total. Les chasseurs français ne déclarent pas toujours les oiseaux bagués qu’ils ont fauché, déplore-t-elle. La France est le seul pays européen ayant autorisé la chasse au courlis cendré.
Sur les 64 espèces d’oiseaux aujourd’hui chassés en France (un record en Europe), 20 sont inscrites sur la liste rouge européenne des espèces menacées établie par l’UICN. La Commission européenne a d’ailleurs mis en justice l’Etat français pour non-respect de la Directive européenne « Oiseaux ». En cause : sous prétexte de tradition, la France continue d’autoriser la chasse aux oiseaux migrateurs et d’autres espèces protégées, malgré l’effondrement de la biodiversité.
« Malheureusement, l’exemple du Courlis Cendré illustre parfaitement comment la protection de la nature en Union Européenne est toujours en train de perdre face à de puissants groupes de lobbies. La protection du vivant va-t-elle rester un simple slogan ou va-t-on enfin assister à un avancement culturel pour qu’elle devienne la priorité de la communauté européenne ? » s’interroge Ochrona Kulika.
Image à la une : Ochrona Kulika