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Les grandes entreprises s’infiltrent dans les programmes scolaires

Pour certains, opération de communication. Pour d’autres, un sujet pédagogique pertinent.

Des programmes de SES aux grandes écoles, les grandes entreprises profitent des recherches de financement du monde académique pour proposer leur vision du monde et attirer de nouveaux talents.

Au début de l’année, l’école polytechnique de Saclay avait été le théâtre de manifestations suite au projet de Total d’y implanter un centre de recherche. Des ONG n’ont pas hésité à pénétrer à l’intérieur des bâtiments pour dénoncer la « main basse sur Polytechnique », comme l’affichait leur banderole.

Cette semaine le projet se discute à nouveau en conseil d’administration exceptionnel. Greenpeace France et Amis de la Terre France ont adressé une lettre au président de Polytechnique pour faire valoir que :

« Total vise à promouvoir son image auprès des étudiants ainsi qu’à faire valoir un modèle énergétique issu du passé, non résilient et nocif car principalement basé sur le développement des hydrocarbures. » 

Ecole Polytechnique à Saclay – Crédit : Artur Alves

Récemment encore, c’est la question des programmes pédagogiques qui a réveillé l’indignation des associations et d’un collectif d’enseignants : des cours en ligne sur le site Melchior sur les stratégies de Carrefour, Total et Vinci en matière environnementale. Pour certains, opération de communication. Pour d’autres, un sujet pédagogique pertinent.

Interrogés par Reporterre, des climatologues se sont penchés sur les cours et ont souligné que les chiffres datent de plus de dix ans, concluant que « « Le parti pris de Total se confond avec l’exercice pédagogique. »

Une association de professeurs de SES a dénoncé ce qu’elle considère comme une « opération de communication ».

Le lien entre les grandes entreprises et Polytechnique n’est pas nouveau. Le 9 avril dernier, Carrefour et l’École Polytechnique ont créé une chaire internationale d’enseignement et de recherche : « Next Gen RetAIL » dont le but est de former des polytechniciens à mieux intégrer le digital dans sa gestion.

Pour les grands groupes, les écoles d’ingénieurs représentent le bassin de leurs futurs employés. Les séduire est donc essentiel. Contrairement à bien d’autres pays, en France, les écoles d’ingénieur sont financées à plus de 80% par l’État. Mais ces dernières années, les dotations ayant baissé, les établissements sont obligés de se tourner vers les mécénats privés.

Alors partenaires, chaires de recherches et collaborations se multiplient, notamment avec les grands groupes qui restent les plus à même de financer dans la durée et qui y trouvent un intérêt pour promouvoir leur entreprise auprès des futurs salariés, mais aussi consommateurs.

Les grandes écoles sont un territoire propice pour que les grandes entreprises comme Total ou Carrefour étendent leur sphère d’influence, notamment sur le greenwashing. Les enjeux écologiques deviennent, pour les grands groupes, à la fois une réalité et un argument marketing.

Ils ont parfaitement compris qu’ils ne pourraient plus fabriquer à grande échelle avec les mêmes outils. Tout d’abord parce que les ressources se raréfient, parce que les catastrophes climatiques seront de plus en plus fréquentes, et parce que la demande du client a changé. D’où leur besoin d’enrôler de jeunes talents pour leur permettre de poursuivre leur objectif de croissance dans le contexte de la crise écologique.

Étant donné que beaucoup d’élèves de ces écoles sont voués à travailler pour ces grands groupes, étudier leurs stratégies environnementales pourrait être essentiel, si ces études se faisaient dans un esprit critique et soucieux de la préservation de la biodiversité. Mais cela ne semble pas être le cas, comme le souligne l’association d’enseignants qui souligne que :

« Aucun des supports pédagogiques fournis (synthèse, documents) ne comporte d’éléments de critique ou de remise en perspective de cette stratégie d’entreprise », poursuivent-ils.

Former de futurs ingénieurs sans esprit critique, voilà qui peut nous inquiéter.

Sarah Roubato

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