Les forêts soupirent, et cela n’augure rien de bon. Une étude met en avant des rejets importants de dioxyde de carbone par les forêts tropicales, davantage qu’elles n’en stockent. Ces rejets équivalent à 862 téragrammes par an (plus que ce qu’ont rejeté toutes les voitures des Etats-Unis en 2015), sachant qu’un téragramme vaut pour 1 million de tonnes. Et les absorptions de CO2 s’élèvent seulement à 436 tégragrammes, soit plus de deux fois moins ! Comment les forêts tropicales, réputées pour être les poumons de la planète, ont-elles pu devenir de tels émetteurs de gaz à effet de serre ?

Une étude novatrice

L’étude qui fait la lumière sur cette mystérieuse reconversion, et qui alerte afin que nous agissions pour inverser le processus, a été réalisée par six chercheurs américains, dont 4 du Woods Hole Research Center. Il s’agit de l’aboutissement de 12 ans de recherche. Ce protocole a d’abord nécessité la création d’un satellite extrêmement précis, permettant de mesurer le poids de la partie émergée des forêts, donc des feuilles et des tiges. Grâce à l’observation de terrain et à une technologie développée par la NASA, le lidar, les chercheurs ont pu concevoir le satellite en question. Puis ils ont utilisé un algorithme comparant des portions de 500 m² de forêt et calculant les gains et pertes de densité en CO2 des forêts.

Les arbres ont la capacité d’absorber du CO2 et de le stocker sous forme de feuilles, de tiges et de racines. Simplement, deux phénomènes sont à l’œuvre : d’une part la déforestation (ça tout le monde est au courant) mais aussi la diminution des capacités des arbres restants à absorber le dioxyde de carbone. La déforestation, toujours selon ladite étude, est la cause de 31 % des émissions de carbone des forêts : l’arbre stocke le CO2 mais le relâche dans l’air lorsqu’il brûle, lorsqu’il pourrit. Le reste des émissions, soit 69 %, provient de la dégradation des forêts restantes.

Rapportées au total de 862 téragrammes émis par an, les forêts tropicales américaines sont finalement responsables de 60 % des émissions, celles de l’Afrique d’environ 24 % et celles de l’Asie d’environ 16 % !

Ne pas confondre déforestation et dégradation

Il est important de différencier ces deux notions : dans le premier cas on parle de quantité, dans le second, terme plus englobant et plus pernicieux, on parle aussi de qualité. La dégradation des forêts tropicales, passe par un déboisement sélectif qui y diminue la biodiversité végétale, des changements climatiques et environnementaux, des incendies et des maladies. Un papier de Jean-Paul Lanly, Ingénieur Général honoraire du Génie Rural, des Eaux et des Forêts, publié en 2003 et relayé par la FAO alertait déjà sur ce problème de dégradation des forêts. En bref, on a moins d’arbres, et ils sont moins bien.

Ce sont des processus qui ne sont pas forcément visibles d’emblée, comme l’explique bien Wayne Walker, l’un des auteurs de l’étude :

« Dans beaucoup de cas à travers les tropiques, il y a de l’abattage sélectif, ou certains petits exploitants coupent des arbres pour s’en servir de combustible. Ces pertes peuvent être relativement minimes dans un endroit localisé, mais ajoutées les unes aux autres, elles deviennent considérables ».

À partir de là, que faire ?

Clairement, on ne va pas demander à l’Amazonie de retenir sa respiration le temps que l’on trouve une solution. Par contre, Wayne Walker déclare :

« Les forêts sont une solution très commode [contre le réchauffement climatique, ndlr]. Les maintenir intactes et restaurer celles qui ont été perdues est relativement simple et peu coûteux ».

Alessandro Baccini, directeur de la publication, renchérit :

« Si nous voulons empêcher la température planétaire d’atteindre des niveaux dangereux, nous devons réduire drastiquement les émissions et augmenter la capacité des forêts à absorber et à emmagasiner le dioxyde de carbone ».

Habile conseil, espérons qu’il ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd.