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Les éleveurs laitiers perdent 40 % de leurs revenus. Les grandes familles du lait ont augmenté leur fortune de 48 %

Trois groupes détiennent la quasi-totalité du chiffre d’affaires de l’industrie laitière.

Certains éleveurs du secteur laitier, frappé par une profonde crise, ont vu leurs revenus baisser de 40 %. Dans le même temps, les grandes familles de l’industrie du lait, elles, ont augmenté leur fortune de 48 % en moyenne. Un exemple très concret de l’inégale distribution des richesses en France.

Trois groupes détiennent la quasi-totalité du chiffre d’affaires de l’industrie laitière

Une infographie publiée par le magazine Basta le montre, les richesses du secteur laitier, loin de ruisseler, remontent le courant directement sur le compte en banque des trois plus grandes familles laitières françaises. Ces familles sont majoritaires dans les grands groupes (Lactalis, Dufort et Sauvin, Savencia) qui détiennent la majorité du chiffre d’affaires de l’industrie laitière en France, soit 24,8 milliards de chiffres d’affaires en 2016 sur les 29,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires de l’intégralité de l’industrie laitière (chiffre enregistré en 2015).

La famille Besnier détient 51 % du groupe Lactalis qui a enregistré un chiffre d’affaires de 17,5 milliards d’euros en 2016. La famille Bongrain est actionnaire à 66,6 % de Savencia qui a remporté un chiffre d’affaires de 4,4 milliards d’euros en 2016. Et la famille Fiévet, c’est un peu plus technique, détient grâce à Unibel 71 % des actions du groupe Fromageries Bel qui a eu, lui, un chiffre d’affaires de 2,9 milliards d’euros. Ils partagent la vache à lait avec Lactalis qui détient 24 % des actions du groupe.

Jackpot donc pour ces trois familles qui ont vu leur patrimoine augmenter de façon conséquente ces dernières années. La famille Besnier fait partie des quinze familles les plus fortunées de France avec plus de 10 milliards d’euros en 2017. Non plus dans les 15 mais dans les 40 plus grandes fortunes françaises, la famille Fiévet (Bel, Dufort et Sauvin) aurait plus de 2,7 milliards d’euros en 2017 (selon Capital et Challenges). La famille Bongrain n’atteint pas le milliard avec une fortune oscillant « seulement » entre 720 et 950 millions d’euros, précise le journaliste Mathieu Paris.

Crédit Photo : Agence Producteurs Locaux Damien Kühn

Une inégalité criante avec les éleveurs dont les revenus ont dramatiquement chuté

Devant ces sommes impressionnantes, on peut se demander, alors, pourquoi le revenu moyen d’un éleveur laitier s’est effondré de 52 % entre 2014 et 2016 ?

De 30 000 euros annuels en 2014, il a chuté à 14 515 euros annuels en 2016. Malgré une légère amélioration attendue dans les chiffres de 2017, de grandes disparités d’une région à l’autre créent des moyennes qui dissimulent des situations dramatiques. Ainsi, le revenu courant moyen des éleveurs de la Région Ouest est devenu négatif en 2016 en atteignant -300 euros, selon Benoît Rubin, délégué régional Bretagne-Pays de la Loire à l’institut de l’élevage (Idele).

Les écarts se creusent en fonction de la taille des exploitations. Alors que les moyennes et grandes exploitations sont parfois assez larges pour, tant bien que mal, absorber la perte de revenus dans l’attente d’une meilleure distribution des richesses, les petites exploitations sont les plus touchées.

19 % des exploitations laitières ont ainsi disparu entre 2010 et 2015, selon le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière. Sur la même période de temps, le nombre moyen de vaches par exploitation a cru de 20%. Cette période financièrement exigüe pour les éleveurs encourage donc l’augmentation des gros élevages.

En cause de ce phénomène, la libéralisation du marché favorise le modèle agro-industriel : les grosses exploitations ont les coûts de production les plus faibles, et deviennent ainsi les plus compétitives sur les marchés. L’abandon des quotas laitiers en 2015 a également donné des marges de manœuvre pour les industriels souhaitant négocier le prix du lait au plus bas aux éleveurs.

Pire, de nombreux paysans se sont endettés pour investir dans des machines de traite plus performantes, afin de produire plus de lait en vue des opportunités de vente supplémentaires que devait permettre la fin des quotas. Comble de malchance, les étés 2015 et 2016 ont été frappés par de fortes sécheresses qui ont accru les coûts de production, et les dettes, de nombreux éleveurs. Ces situations inextricables ont poussé au suicide de trop nombreuses personnes.

Sous pression française, les ministres de l’Agriculture des 28 états membres de l’UE s’étaient mis d’accord en mars 2016 pour limiter temporairement la production afin de remonter les prix en chute constante. Aucun mécanisme d’aide financière ne l’accompagnait, limite qui avait même été dénoncée par la controversée Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).

Alors que mercredi 28 février avait eu lieu la clôture de la négociation entre centrales d’achat des grandes enseignes de la distribution et leurs fournisseurs, les dirigeants de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) doutent encore de la remontée des prix du lait. Car enfin, il faudrait d’abord que les industriels consentent à diminuer leurs marges pour laisser la juste part de la valeur ajoutée censée revenir aux producteurs.

Laurie Debove

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