Quand on parle de cultures qui détruisent l’environnement, on s’attarde souvent sur l’huile de palme, sur la tomate ou les fruits cultivés hors saison. On tente de trouver des alternatives. Mais il est un produit que tous ou presque, soucieux ou pas de l’environnement, consomment en quantité démesurée. Pour ce produit, même en achetant biologique ou commerce équitable, nous prenons part active à la destruction de l’environnement. En France, 8ème plus gros consommateur au monde, c’est 5,8 kg par an que chaque personne consomme. Ce produit, c’est le café.
La consommation de café est si importante dans le monde qu’il est considéré comme le deuxième or noir. C’est la boisson la plus consommée après l’eau et avant le thé. Comme le pétrole, c’est une relation de réelle dépendance qui se pose, ces deux produits étant les plus échangés dans le monde. 255 kg de café sont consommés chaque seconde et la consommation est en hausse. 1 kg de café produit au Costa Rica et consommé en Europe en café filtre relâche 4,98 kg d’équivalent CO2.
Pour satisfaire la demande, l’Organisation Internationale du Café a prévu une augmentation de 30 % de la production au cours des 15 prochaines années. Avec le réchauffement climatique, les sécheresses prolongées, et tout simplement l’augmentation de la demande, les producteurs anticipent l’inévitable hausse des prix du café, qui deviendra progressivement un produit de luxe.
De leur côté, les organisations humanitaires comme Vision Mondiale regardent de près les conditions dans lesquelles les travailleurs sont employés dans certains pays, notamment le Guatemala ou la Côte d’Ivoire, où les enfants aussi travaillent dans les plantations.
Un autre critère pour analyser l’impact environnemental du café est le type de café que l’on consomme. Aujourd’hui il existe deux sortes de café commercialisés : le Robusta. coffea canephora et l’Arabica, coffea canephora. Il existe bien d’autres variétés comme le Libéria, le Bengalensis ou le Congensis, l’Excelsa, mais leur qualité ou leur rendement ne permettent pas sa commercialisation à grande échelle. Pour revenir à nos deux espèces, l’Arabica représente près de 80 % de la production mondiale de café, le Robusta 20 %.

Si le Robusta est considéré de moins bonne qualité que l’Arabica, l’une des différences majeure tient au fait que l’Arabica pousse naturellement à l’ombre, alors que le Robusta pousse au soleil. Les grains de café poussant à l’ombre d’autres arbres en canopée reconstituée, sont naturellement protégés des agressions, tandis que celui qui pousse en plein soleil est attaqué par des insectes et des maladies, et doit donc être pulvérisé de pesticides régulièrement. D’autre part, la canopée reconstituée des cultures ombragées offre un refuge pour les oiseaux et un écosystème qui s’y installe, et les arbres utilisés peuvent eux-mêmes être cultivés pour leurs fruits leur sève ou leur bois.
Mais même au sein des cultures ombragées, il existe des modèles plus ou moins respectueux de l’environnement. Certaines cultures arrachent seulement le sous-bois de la forêt primaire et conservent les hauts arbres à l’ombre desquels le café est cultivé avec d’autres cultures. Le rendement n’est cependant pas suffisant pour faire face à la demande, et on utilise plus souvent un mode hybride partiellement ombragé. Les cultures commerciales ombragent en partie ou pas du tout. Elles sont naturellement largement majoritaires.
Mais la production de café n’est que la plus petite partie de la pollution engendrée par cet or noir. Les modes de consommation de café – filtre, dosettes, touillettes – génèrent des quantités astronomiques de gaspillage et de pollution. Chaque année, 8 milliards de dosettes à café (40 000 tonnes, l’équivalent de quatre fois la Tour Eiffel) sont vendues dans le monde. Les jolies petites capsules colorées en plastique Nespresso et autres sont l’une des inventions les plus polluantes de ces dernières années.

Les dégâts que cause la production de café sur l’environnement interroge de façon cruelle les modes de « consommation » alternative : il ne s’agit plus de consommer mieux en remplaçant un produit par un autre, de manger des tomates bio cultivées en serre en hiver ou de s’enfiler des pots entiers de pâte à tartiner sans huile de palme. Il s’agit de renoncer à cette coutume fortement ancrée dans nos cultures, et de considérer – oui, même pour ceux qui disent ne pas pouvoir s’en passer – qu’il n’est pas envisageable, si nous nous soucions réellement de notre planète, de continuer à boire du café tous les jours. Hérésie ? Horreur et damnation ? Comme il y a gros à parier que la conscientisation ne suffira pas, ce sera l’augmentation des prix du café qui s’en chargera.
Revoir notre manière de consommer et le calendrier de notre consommation est une révolution culturelle qui, si elle a lieu, prendra plusieurs générations. Car aussi absurde que cela puisse paraître, l’homme du XXIème siècle, celui qui explore l’espace et invente des prothèses intelligentes, celui qui peut voir l’infiniment petit et écouter les plantes communiquer, devra dire à son enfant qui l’accusera : « Tu comprends, j’ai besoin de mon café ! »