Après avoir presque disparu de France du fait de la chasse et de la perte de son habitat, le chat forestier recolonise ses anciens territoires. Mais cette sous-espèce de chat, doit aujourd’hui faire face à une nouvelle menace : l’hybridation avec les chats domestiques.
Le chat forestier ou chat sauvage d’Europe (Felis silvestris silvestris) est une sous-espèce de chat bien distincte du chat domestique (Felis silvestris catus), dont des individus peuvent néanmoins retourner à l’état sauvage : on les appelle alors chat haret. Le chat forestier est reconnaissable à sa queue touffue, annelée et terminée par un manchon noir, à sa bande dorsale noire et à ses yeux verts.
Avec le lynx boréal, ils sont des deux seuls félins sauvages de France. Pesant entre 3,5 kg pour les femelles et 5 kg pour les mâles, le chat forestier est nettement plus petit, et se nourrit de petits mammifères, d’oiseaux ou d’amphibiens.
« C’est un félin solitaire et territorial, que l’on trouve en forêt, mais pas exclusivement, explique Patrice Raydelet, naturaliste jurassien, auteur d’ouvrages sur les lynx et les chats forestiers. Mais il dépend aussi beaucoup de milieux ouverts pour aller chasser, avec des grandes clairières, avec des zones de haies. »
Très farouche, le chat forestier est difficile à observer : il sort principalement la nuit, au crépuscule ou à l’aube.
Retour du chat forestier
Beaucoup chassé entre le XVIIIe et le XXe siècle pour sa fourrure, victime de la perte d’habitats et du manque de proies provoqué par l’intensification de l’agriculture et l’urbanisation, le chat forestier avait disparu de la plupart des régions françaises. Ils ne subsistaient que dans les Pyrénées et dans le quart nord-est de la France.
Mais le chat forestier recolonise lentement ses anciens territoires : notamment du fait de l’augmentation des surfaces forestières et de sa protection en 1979.
« On voit une expansion depuis quelques décennies vers le centre de la France, explique Patrice Raydelet pour La Relève et La Peste. À l’avenir, il y aura peut-être une fusion des deux gros noyaux de population si les conditions écologiques sont favorables ».
Le naturaliste pointe néanmoins le manque de données concernant cette espèce.
« Dans le Grand Est, les territoires sont bien remplis, dans les contreforts des Pyrénées aussi, et puis entre les deux, vous avez des zones qui commencent à se remplir, mais aussi des zones qui semblent vides : est-ce que c’est parce que le chat forestier n’est pas là, ou est-ce que c’est parce qu’il n’y a pas de données, car il n’y a personne sur le terrain ? Il y a un suivi fait par l’OFB [l’Office Français de la Biodiversité] mais qui manque de moyens humains, financiers et techniques ».
Un avenir toujours incertain
Si le chat forestier a pour l’instant bénéficié des mesures de protection et de la déprise agricole, son avenir reste incertain : notamment du fait de l’hybridation avec les chats domestiques, bien plus nombreux.
Dans une étude parue en 2020, des chercheurs des universités d’Oxford, de Genève et de Zurich ont modélisé les interactions futures entre chats forestiers et chats domestiques. Tous leurs scénarios prévoient « une perte de distinction génétique entre les chats sauvages et domestiques […] si l’hybridation n’est pas sévèrement restreinte » estiment les chercheurs, préconisant la stérilisation des chats domestiques.
Le chat forestier est aussi sensible à la disparition des prairies naturelles et aux méthodes d’agricultures intensives.
« C’est un prédateur, rappelle Patrice Raydelet. Il faut qu’il ait le gîte qui lui convienne, mais aussi des proies potentielles. Comme l’homme fait un peu n’importe quoi dans sa gestion des milieux naturels, et fait disparaître des proies, fatalement le prédateur qui est en bout de chaîne en pâtit. »
Le chat forestier est également sensible à la fragmentation de son habitat, qui l’expose notamment au trafic routier. Aujourd’hui, les différents noyaux de population restent séparés par des obstacles difficilement franchissables : zones fortement urbanisées, autoroutes, etc.
« Normalement, les conditions naturelles permettraient de faire ces jonctions à l’avenir, estime Patrice Raydelet. Mais il faut regarder plus finement entre les populations, le nombre d’autoroutes, le nombre de voies ferrées : les endroits qui sont inaccessibles pour l’espèce. Il faut recréer des corridors forestiers, des passages à faune sur les routes. »
Apprendre à coexister nécessite de repenser l’aménagement de nos territoires en intégrant les habitudes des autres espèces. Ce n’est pas les animaux qui traversent la route, mais bien la route qui traverse leur territoire.