Réduire de moitié le nombre d’animaux tués d’ici 2030 : c’est l’objectif choc du rapport « Le Sauvetage du siècle » dévoilé par L214. Face à l’urgence écologique et éthique, l’association trace une feuille de route ambitieuse, malgré le poids massif des lobbys.
Le 10 juin 2025, l’association L214 a dévoilé son rapport-choc au titre éloquent : Le Sauvetage du siècle. L’objectif ? Réduire de moitié, d’ici 2030, le nombre d’animaux abattus pour nourrir les Français. Cela permettrait, chaque année, d’épargner 600 millions d’animaux terrestres et des milliards d’êtres marins. Un objectif que les défenseurs du vivant jugent incontournable face à l’urgence du moment – éthique, environnementale, sociale.
Mais dans les foyers, le virage tarde. Bien que 64 % des Français affirment vouloir consommer moins de viande, la réalité reste tenace : 83,5 kg par personne en 2023, deux fois la moyenne mondiale. Et en vingt ans, la baisse est à peine perceptible : 5,8 %.
9 plats préparés sur 10 contiennent de la viande
Pas simple de faire autrement quand la quasi-totalité des plats industriels renferment de la viande – 92 %, pour être exact.
« Aujourd’hui, 20 à 40 % des gens se définissent comme flexitariens », rappelle Brigitte Gothière, cofondatrice de L214, à La Relève et La Peste. « Mais cette baisse reste en grande partie illusoire : on mange moins de viande rouge, certes, mais davantage de volailles, d’aiguillettes de poulet ou de plats préparés, qui en contiennent quasi systématiquement. »
Le phénomène s’accompagne de conséquences invisibles mais lourdes. Pour chaque cochon abattu, 58 poissons sont pêchés afin de produire les farines et huiles destinées à leur alimentation.
En supermarché, la viande est omniprésente, conditionnée, promue, subventionnée. Pour celles et ceux qui voudraient changer, les options végétales restent discrètes, presque invisibles. Elles représentent à peine 1,3 % du budget alimentaire, là où les viandes en captent près d’un tiers.
Un programme en 20 mesures
À travers les rayons de la grande distribution – où s’effectuent 7 achats sur 10 – les consommateurs sont guidés, souvent malgré eux, vers les protéines animales. Et les étiquettes rouges n’aident pas : les promotions pleuvent sur les produits carnés, 39 % de plus que sur les fruits ou les légumineuses, selon le Réseau Action Climat. Devant ce déséquilibre structurel, L214 propose une feuille de route : vingt mesures concrètes.
Parmi les propositions principales :
- Réorienter les subventions agricoles : aujourd’hui, la PAC finance quatre fois plus les filières animales que végétales. L214 demande un rééquilibrage urgent pour soutenir la production alimentaire à base de végétaux.
- Planifier la fin de l’élevage intensif et de la pêche industrielle d’ici 2035, en instaurant dès maintenant un moratoire sur les élevages sans accès au plein air.
- Fixer un objectif de 60 % de protéines végétales dans les ventes de la grande distribution à horizon 2030, avec une parité de prix sur les produits transformés (burgers, nuggets, plats préparés…).
- Généraliser les menus végétariens et végétaliens à 50 % dans la restauration collective, et exclure les produits issus de l’élevage intensif des cantines publiques.
- Former les professionnels de santé, d’éducation et de restauration à l’alimentation végétale.
La force de frappe de l’industrie
Le rapport met également en lumière le poids colossal des lobbys. En coulisses, les filières carnées bénéficient d’un réseau solide. Pas moins de 25 organisations professionnelles veillent à leurs intérêts en France. Parmi elles, Interbev mène la danse, avec un budget de communication qui peut atteindre 45 millions d’euros par an.
Sa campagne « Aimez la viande, mangez-en mieux » a inondé les écrans : plus de 16 millions de personnes touchées sur les réseaux sociaux, 10 millions via la télévision. Mais la stratégie va plus loin. En 2020, plus de 7 900 salles d’attente médicales ont vu fleurir des brochures incitant les patients à « ne pas oublier la viande ». Une offensive discrète mais bien orchestrée.
« Ils sont présents dans les écoles, ils font des campagnes à la télévision… Même le congrès de pédiatrie a été, à un moment, sponsorisé par une marque de produits laitiers. Leur influence s’étend jusqu’aux parlements national et européen », martèle Brigitte Gothière.
Un enjeu de société et de survie
Pourtant, à en croire un rapport récent, une écrasante majorité de Français — 83 % — se disent favorables à une interdiction de la publicité pour les produits alimentaires les plus nuisibles, tant pour la santé que pour la planète. En ligne de mire : la viande issue des élevages intensifs.
Pour L214, il ne s’agit plus d’un choix mais d’un cap à suivre : réduire de moitié le nombre d’animaux abattus chaque année serait une décision d’intérêt général. Un tel virage, assure l’association, ouvrirait la voie à des écosystèmes régénérés, à une agriculture mieux valorisée, à un système de santé moins sollicité et à une souveraineté alimentaire retrouvée.
« Il n’y a aucun frein technique : on sait produire une alimentation végétale de qualité, sans carences et sans innovations complexes, contrairement à d’autres secteurs comme l’énergie », affirme Brigitte Gothière auprès de La Relève et La Peste.
Et de conclure : « Les solutions existent. Ce qui manque, c’est le courage politique ».
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