Arles, la Provence, les Arènes, les toiles de Van Gogh… ça c’est pour la carte postale. Pour ses habitants, c’est la table de la terrasse noire au lever, le linge blanc qui devient gris sur les cordes à linge. La ville noircit surtout les poumons de ses habitants qui se prennent la pollution des véhicules circulant sur la nationale 113, la seule non autoroute le long de la Méditerranée. À la circulation locale s’ajoutent les camions venant d’Espagne ou d’Italie cherchant à rejoindre Marseille. 80.000 véhicules par jour, pour une ville de 50.000 habitants, c’est plus de pots d’échappements que de paires de poumons.
Bonne nouvelle pour les habitants, un projet de contournement autoroutier est prévu en 2023. Sauf que cette autoroute passera par la steppe de Crau, dernière zone sèche d’Europe, qui jouxte la Camargue. Réduite de trois quarts par les friches, la steppe de Crau est composée de bosquets, prairies où paissent moutons taureaux et vaches de Camargue, et plaines où on cultive le foin de Crau destiné aux chevaux arabes.

La bonne nouvelle, c’est que défenseurs de l’environnement et agriculteurs se retrouvent unis dans ce même combat pour préserver la plus grande zone humide d’Europe et la plus grande zone sèche européenne. Mais que pourront-ils peser face aux habitants, c’est à dire aux électeurs que LREM voudrait sans doute ménager ?
Des associations comme l’ACEN (Arles Camargue Nature Environnement) proposent d’interdire le trafic international sur la N113 et d’obliger les poids lourds à passer par les autoroutes A7 et A9. Pour la députée de la circonscription LREM, élue sur cet engagement, “C’est d’abord une question de santé publique”. Comme l’était l’augmentation de la taxe sur le diésel. Sauf qu’encore une fois, les élus, en cherchant des solutions rapides, nous donnent à choisir entre environnement et santé publique. Fausse équation.
Cette histoire locale est à l’image des enjeux planétaires : aujourd’hui on ouvre enfin les yeux, les constats sont bien là. Mais nous préférons contourner les problèmes plutôt qu’y faire face. Sans doute parce que élus autant que chefs d’entreprises et citoyens n’ont pas encore mesuré la nécessité de changer profondément nos habitudes. En attendant, qu’ils aillent rouler plus loin, du moment que ça ne pollue pas chez moi !