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Le procès historique du « peuple contre Shell » s’est ouvert cette semaine aux Pays-Bas

La multinationale est aujourd’hui accusée de violer les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, à savoir le droit à la vie et le droit au respect de la vie privée et familiale, qui seraient compromis par les futurs bouleversements climatiques.

C’est un procès historique qui s’est ouvert mardi 1er décembre aux Pays-Bas. Soutenues par des milliers de citoyens, plusieurs organisations environnementales demandent à la justice néerlandaise de contraindre le géant pétrolier Shell à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES), au nom des droits humains et de l’accord de Paris sur le climat.

L’affaire a commencé il y a plus d’un an. En avril 2019, l’association Milieudefensie, branche néerlandaise du mouvement international Les Amis de la Terre, décide d’attaquer en justice l’une des multinationales les plus puissantes et polluantes du monde : Shell.

Elle est rejointe par six autres organisations environnementales — dont Greenpeace et ActionAid — et soutenue par 17 379 citoyens des Pays-Bas, qui se sont constitués partie civile. La plainte est déposée, le tribunal de La Haye s’en saisit, le procès devient celui du « peuple contre Shell ».

Le procès est unique en son genre, sans précédent : les requérants accusent la firme pétrolière de porter atteinte aux droits fondamentaux des êtres humains. Leur dossier fournit plusieurs pièces à conviction.

Le rapport 2018 du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en constitue le socle : dans le cas d’un réchauffement planétaire s’élevant au-dessus d’un degré et demi par rapport à la moyenne préindustrielle des températures, les scientifiques y pronostiquent des conséquences dévastatrices et potentiellement irréversibles pour les écosystèmes et la vie humaine.

À la signature de l’accord de Paris (que Shell a déclaré soutenir avec force), en 2015-2016, les États du monde entier se sont engagés à contenir le réchauffement climatique à un niveau inférieur ou égal à deux degrés. Or, si elles continuent ainsi, les activités de la firme pétrolière, en particulier l’extraction d’énergies fossiles, empêcheront les Pays-Bas de respecter leurs engagements.

Selon l’étude de l’ONG Carbon Disclosure Project (2017), Shell fait partie de la centaine d’entreprises responsables de 71 % des émissions de GES depuis 1988.

L’association Milieudefensie a soumis au tribunal un ensemble de documents prouvant que Shell connaissait depuis des décennies les conséquences de ses activités sur le climat (elle prévoyait même d’être un jour attaquée en justice), mais qu’elle n’a rien fait pour les empêcher, ne dédiant qu’un pourcentage infime de son budget aux énergies renouvelables.

C’est pourquoi la multinationale est aujourd’hui accusée de violer les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, à savoir le droit à la vie et le droit au respect de la vie privée et familiale, qui seraient compromis par les futurs bouleversements climatiques.

En 2019, au terme d’une longue procédure engagée par la Fondation Urgenda, la Cour suprême des Pays-Bas a confirmé que l’État néerlandais avait l’obligation légale de limiter le réchauffement planétaire, en statuant que le fait de ne pas respecter les objectifs de l’accord de Paris constituait une violation des droits des citoyens.

Pour la première fois, un lien juridique entre les émissions de GES d’un pays et les droits humains était établi. La Cour suprême a alors contraint l’État néerlandais à réduire ses émissions d’au moins 25 % d’ici la fin de l’année 2020.

Grâce à cette jurisprudence unique au monde, il serait donc possible que le tribunal de La Haye exige que la multinationale Shell réduise ses émissions de CO2 de 45 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019.

Selon l’avocat Roger Cox, qui mène l’action judiciaire pour Milieudefensie, « ce qui rend unique ce cas, si nous gagnons, c’est que Shell, en tant qu’une des plus grandes multinationales du monde, serait légalement contrainte de changer son modèle économique. Nous nous attendons également à ce que cela ait un effet sur les autres entreprises du secteur des énergies fossiles, augmentant la pression pour qu’elles changent ».

Les audiences ont lieu les 1er, 3, 15 et 17 décembre.

Augustin Langlade

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