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Le Préfet Lallement interdit aux militants climat d’interpeller les députés devant l’Assemblée Nationale

« Le pipeau, c’est que la Préfecture de Police n’a pas assez de forces pour encadrer la manif. La vérité, c’est que ça dérange. Cette attitude envers les militants écolo, c’est quelque chose de récurrent. Une sorte de direction composée de petites tâches prises petit à petit, qui a commencé avec la cellule Démeter. Quand on a une vision d’ensemble, on réalise que c’est un dispositif énorme qui est en train de se mettre en place pour restreindre la liberté de manifester et d’avoir une opinion divergente de la majorité. L’initiative des jeunes a commencé à prendre de l’ampleur avec l’action des Amis de la Terre hier. Ils et elles ont rendu accessible un endroit qui est un lieu inaccessible dans l’imaginaire commun, ce qui est fondamentalement démocratique. » explique Chloé Gerbier, juriste de Notre Affaire À Tous, pour La Relève et La Peste

Depuis le lundi 29 mars, une poignée de militants écologistes se rend chaque jour devant le Palais Bourbon afin d’interpeller les députés au sujet de la loi climat et résilience, actuellement débattue à l’Assemblée Nationale. Alors que les premiers échanges étaient fructueux, le 6 avril, stupeur : la préfecture de police de Paris leur interdit de manifester et des consignes sont données aux policiers pour les verbaliser. Des députés qui échangeaient avec les militants ont eux aussi été verbalisés. Loin d’être découragés face à ce déni démocratique, les jeunes activistes, soutenus par l’association Notre Affaire à Tous, ont décidé d’attaquer l’arrêté en justice, et de continuer la mobilisation en baskets.

Remettre la démocratie au cœur des débats parlementaires

Face à une multitude d’amendements rejetés, avec un taux record d’irrecevabilité à près de 35%, et une « demi-loi » climat insuffisante face aux enjeux écologiques et sociaux actuels, des jeunes activistes écolo ont décidé de lancer une mobilisation inédite : interpeller les députés, chaque jour, durant les trois semaines de débat, en étant présents physiquement devant l’Assemblée Nationale.

« Les lobbys de l’Industrie ont travaillé comme des dingues pour amoindrir son ambition, concrètement pousser les députés à faire de cette loi climat qui pourrait être historique, un truc tout mou. Du coup, on s’est dit que nous on n’a peut-être pas autant d’argent et de pouvoir, mais on a une énergie folle. Un parfum de fin du monde dont on ne veut pas s’asperger. Les experts sont unanimes et nous sommes de leurs côtés. Alors on va rester là, devant l’Assemblé Nationale pendant 3 semaines. Et on invite les députés à venir nous voir à la pause café. Nous : les gens. Pour entendre ce qu’on a leur dire. On va être des lobbys citoyens. Et on a invité tout le monde à nous rejoindre. » explique l’activiste Camille Etienne

Lire aussi : « Les lobbies ont détruit les mesures de la Convention Citoyenne pour le Climat »

A l’origine de cette idée originale : Camille Etienne, Hugo Viel, Julie Pasquet, Stacy Algrain, Mathis Fidaire, Agathe Daniel et Lou Garcia. En une semaine, les échanges ont tout de suite dépassé les espérances des jeunes activistes déterminés. Des citoyens et citoyennes de tout âge sont passé les soutenir et les voir, et les parlementaires ont suivi le pas.

Parmi ces derniers, quelques figures bien connues du milieu écologiste comme Matthieu Orphelin, député écologiste du Maine-et-Loire, Delphine Batho, député des Deux-Sèvres, et François Ruffin, député LFI de la 1ère circonscription de la Somme, ainsi que des élus écolo de la Ville de Paris mais également des parlementaires de la majorité jusqu’à Aurore Bergé, députée des Yvelines et Présidente du groupe LaREM.

« Au niveau du texte de loi et du débat, chaque article, chaque amendement compte, de la même façon que chaque dixième de degré compte selon le rapport du GIEC. Donc on va continuer à se mobiliser et gagner tout ce qu’on peut, même si on sait très bien qu’on n’aura pas un texte de loi à la hauteur de l’urgence. On ne peut pas laisser faire de demi-mesures dans ce projet de loi d’où l’importance de montrer qu’on est là, qu’on surveille, et qu’on ne veut pas d’un monde à +2°C ! » explique Hugo Viel, activiste climat, pour La Relève et La Peste

Au-delà des personnalités politiques, les activistes ont aussi invité des expert.e.s, scientifiques, glaciologues, biologistes, économistes…pour leur « expliquer les enjeux de cette loi sur la publicité, l’aviation, l’artificialisation des sols, le lien emploi – écologie, l’agriculture, l’économie. »

« On s’est saisi, nous, les gens, de cette loi climat. On l’a fait sortir de l’hémicycle pour qu’elle prenne l’air. On a aussi retrouvé tout ce qui nous manque cruellement depuis cette pandémie : un lien humain. On a débattu, on s’est retrouvé, on a échangé et c’était beau. » écrit Camille Etienne

Lire aussi : « Dernier avertissement du GIEC avant une crise climatique irréversible »

François Ruffin avec les jeunes activistes climat

« Une décision incompréhensible »

Mais ce bel exercice politique citoyen a attiré l’attention de la Préfecture de Paris qui a pris une mesure radicale : leur interdire toute manifestation sur la voix publique mercredi, jeudi et vendredi, selon la demande qu’ils avaient déposée.

Un véritable déni démocratique pour les jeunes militants qui, loin de se décourager, ont alors décidé de jouer avec les règles : retrouver les députés en tenue de sport, par groupe de six maximum, pour continuer à débattre de leur avenir.

Au moment de leur arrivée, ils étaient attendu par un escadron d’une quinzaine de policiers et ont subi les foudres de la Préfecture.

« Depuis le 29 mars, on déclarait toutes nos manifestations. La Préfecture nous a appelé en nous interdisant de manifester. Mais en voyant que d’autres manifestations avaient toujours lieu, avec souvent beaucoup plus de personnes, on a décidé d’y aller quand même en tenue de sport. Dès notre arrivée, nous avons rencontré des députés devant le Sénat, et en 45 secondes, 15 policiers nous ont encerclés en nous disant que c’était illégal d’être plus de 6 et qu’on allait être verbalisés, y compris les députés ! Lorsqu’on leur a demandé d’être indulgents car on s’apprêtait à se séparer, ils nous ont répondu que l’Etat major leur avait donné ces consignes. » explique Hugo Viel, pour La Relève et La Peste

Le député LFI Loïc Prud’homme, de la 3ème circonscription de Gironde, a été choqué de se retrouver retenu par les policiers avec les activistes, alors qu’il souhaitait quitter la réunion pour se rendre en séance à l’Assemblée Nationale.

Lors d’une brève altercation, Loïc Prud’homme a rappelé aux forces de l’ordre que l’article 26 de la Constitution interdit aux policiers d’empêcher les députés de faire leur travail. Face à la polémique, la Préfecture de Police a rétro-pédalé sur Twitter en prétendant que les députés n’avaient pas fait état de leur qualité.

Pourtant, les députés Agir Dimitri Houbron et Annie Chapelier ont révélé avoir eux aussi été victimes de verbalisations de 135€ chacun, en raison de leurs échanges sur le projet de Loi Climat avec les activistes.

Pour les parlementaires comme pour les activistes, se voir refuser un simple dialogue est tout simplement incompréhensible.

« Honnêtement, je ne comprends pas comment on peut déranger. Même Aurore Bergé est venue nous voir ! Il y a toujours de la discussion, du dialogue et du débat, bien sûr que les députés ne sont pas tous d’accord avec nous, mais c’était pour nous le seul moyen de transmettre l’urgence qu’on ressent et le besoin de le retranscrire dans le texte de loi. On a tous respecté les gestes barrières et les mesures sanitaires donc il n’y a pas de raisons. » réagit Hugo Viel, pour La Relève et La Peste

En juin dernier, le Conseil d’Etat avait déjà censuré le fait d’interdire les manifestations du fait de la crise sanitaire, jugeant le dispositif attentatoire aux libertés fondamentales. La plus haute juridiction de France avait alors précisé que pour prendre une telle décision, la Préfecture de Police devait traiter au cas par cas.

Cette répression policière est donc légale à partir du moment où la Préfecture considère qu’il y a un intérêt plus fort en jeu, mais loin d’être légitime pour l’instant.

En effet, la Préfecture de Police a justifié sa décision en expliquant que trop de ses membres étaient mobilisés pour faire respecter les mesures sanitaires et ne pourraient donc pas « encadrer » la manifestation.

Une explication légère au vu de la quinzaine d’agents présents pour verbaliser une dizaine de personnes, selon l’association Notre Affaire à Tous, qui a accompagné les activistes pour déposer un référé-liberté afin de contester cette décision devant le Tribunal Administratif de Paris.

« Le pipeau, c’est qu’ils n’ont pas assez de forces. La vérité, c’est que ça dérange. Cette attitude envers les militants écolo, c’est quelque chose de récurrent. Une sorte de direction composée de petites tâches prises petit à petit, qui a commencé avec la cellule Démeter. Quand on a une vision d’ensemble, on réalise que c’est un dispositif énorme qui est en train de se mettre en place pour restreindre la liberté de manifester et d’avoir une opinion divergente de la majorité. L’initiative des jeunes a commencé à prendre de l’ampleur avec l’action des Amis de la Terre hier. Ils et elles ont rendu accessible un endroit qui est un lieu inaccessible dans l’imaginaire commun, ce qui est fondamentalement démocratique. » explique Chloé Gerbier, juriste de Notre Affaire À Tous, pour La Relève et La Peste

Lire aussi : Le gouvernement criminalise les antispécistes à travers une cellule dédiée

Aujourd’hui, c’était donc un véritable jeu du chat et de la souris qui a eu lieu entre les activistes, courant en baskets pour interpeller les sénateurs et députés, et les policiers suspects de cette démonstration politique sportive.

Rejoints par plusieurs soutiens dont le garant de la Convention Citoyenne pour le Climat Cyril Dion, les jeunes militants sont bien décidés à ne rien lâcher et invitent le plus de monde à les rejoindre ou participer à l’interpellation de leurs élus à travers des tweets et des lettres.

« Cela fait un an que les jeunes sont enfermés dans leur appart. On n’a pas le droit de voir qui que ce soit, et là on n’a jamais eu l’occasion de parler autant avec des députés et des sénateurs. Pour une fois qu’on arrive à s’approcher des parlementaires, on est déterminés à continuer pour se faire entendre. » confirme Hugo Viel

L’interdiction concernait la demande de manifester qui courait jusqu’à demain inclus. Les militants vont donc déposer une nouvelle autorisation pour la semaine prochaine, et ce durant tout le long des débats parlementaires. Le Tribunal Administratif, lui, doit se prononcer d’ici 48h.

Laurie Debove

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