C’est une victoire d’étape cruciale pour le climat et les droits humains contre TotalEnergies au Parlement européen. Ce 15 septembre, le Parlement européen a condamné l’action du pétrolier en adoptant une résolution d’urgence historique. Les Eurodéputés demandent l’arrêt pur et simple des activités extractives d’EACOP dans les écosystèmes sensibles en Ouganda.
Après la société civile et les Nations Unies, c’est au tour des parlementaires européens de s’opposer aux projets Tilenga et EACOP, portés par Total en partenariat avec la China National Offshore Oil Corporation, en Ouganda et en Tanzanie, pour leurs violations des droits humains et des menaces graves qu’ils représentent pour l’environnement et le climat.
« C’est l’une des première fois qu’un géant pétrolier est directement visé par une résolution du Parlement » se réjouit l’activiste climat Camille Etienne qui s’est de nombreuses fois opposée aux projets
Dans le viseur des eurodéputés : les 132 puits de pétrole que TotalEnergies prévoit de forer dans l’aire naturelle protégée des Murchison Falls, et les nombreux écosystèmes protégés que traversera l’oléoduc EACOP, le plus grand pipeline chauffé au monde (1443km de long) destiné à transporter du pétrole (jusqu’à 240 000 barils par jour) à travers l’Ouganda et la Tanzanie vers l’océan Indien.
Cette résolution a été votée alors que sa construction vient de démarrer. Or, le projet est une menace directe pour plus de 2000km2 de réserves et aires naturelles protégées et pourrait polluer deux des plus grandes réserves d’eau d’Afrique.
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« Le Parlement demande à l’UE et à la communauté internationale d’exercer une pression maximale sur les autorités ougandaises et tanzaniennes, ainsi que sur les promoteurs (…) afin de protéger l’environnement et de mettre fin aux activités extractives dans les écosystèmes protégés et sensibles, y compris les rives de Lac Albert, et s’engager à utiliser les meilleurs moyens disponibles pour préserver la culture, la santé et l’avenir des communautés concernées » explique ainsi la résolution
En effet, plus de 118.000 locaux sont expropriés ou ont perdu au moins en partie l’usage de leurs terres à cause de ce mégaprojet pétrolier et la majorité d’entre eux n’ont à ce jour reçu aucune compensation, alors que cela fait entre 3 et 4 ans qu’elles ne peuvent plus utiliser librement leurs terres.
Pire, avec la militarisation de la zone, de nombreuses ONG et leaders communautaires subissent des intimidations, des détentions arbitraires et même des menaces de mort depuis le démarrage du projet. Un constat partagé par une délégation d’eurodéputés ayant fait le déplacement en Ouganda, dont l’eurodéputé Pierre Larrouturou. À travers différents témoignages, ils ont pu observer de nombreuses violations des droits humains pour faire avancer le projet EACOP, d’où l’initiative de cette résolution.
« La condamnation des menaces et persécutions à l’encontre des opposants à ce méga-projet pétrolier est sans équivoque, il faut maintenant agir concrètement pour les protéger. Total ne peut pas continuer à développer ce projet coûte que coûte, en rappelant simplement dans son greenwashing son attachement à la liberté d’expression ou à la biodiversité. Il faut que le projet soit abandonné au plus vite et que des réparations soient apportées aux communautés affectées » a commenté Juliette Renaud, Responsable de campagne sur la Régulation des multinationales aux Amis de la Terre France, ONG lançant l’alerte depuis le début sur le sujet
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Se basant sur le dernier rapport de l’Agence Internationale de l’Energie, les parlementaires européens rappellent également que plus aucun nouveau projet d’extraction pétrolière ne doit être développé pour espérer limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Ils demandent donc à TotalEnergies d’explorer des projets alternatifs basés sur les énergies renouvelables pour un meilleur développement économique.
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Face à son impact écocidaire, de nombreuses institutions financières publiques et privées avaient déjà annoncé qu’elles ne participeraient pas au financement de l’oléoduc EACOP comme les banques ANZ, Barclays, BNP Paribas, Crédit Agricole, Crédit Suisse, HSBC, Mizuho, Royal Bank of Canada, Société Générale, Unicredit et United Overseas Bank (UOB), l’assureur Axa, ou encore la Banque africaine de développement. Cette résolution va sans doute accélérer la tendance, se réjouissent les opposants au projet.
« Ce n’est que le début, rien n’est encore contraignant mais c’est un signal très très fort pour les banques et les assurances qui hésitent encore à soutenir le projet. Il y aura un gros problème d’image pour elles de s’associer à un tel projet quand ce n’est plus seulement des activistes pour le climat qui alertent mais tout un parlement européen qui sonne l’alarme. Et sans elles, pas d’EACOP. On commence à y croire. »
Prochaine étape : le jugement devant le tribunal judiciaire de Paris de TotalEnergies. Attaquée par l’ONG Survie, quatre associations ougandaises, et les Amis de la Terre France, la major pétrolière sera jugée sur le fond ce 12 octobre prochain.