Le Parlement européen a voté à la quasi-unanimité en faveur d’une résolution condamnant la décision de la Norvège de lancer l’exploitation minière des fonds marins dans l’Arctique. L’instance européenne a appelé les Etats membres à se joindre au moratoire de dix ans contre l’exploitation minière en haute mer, selon les recommandations de la communauté scientifique internationale.
Le Parlement Européen contre la Norvège
C’est un soulagement immense pour les activistes qui ont fait pression sans relâche sur les parlementaires européens. Lors d’une session plénière ce mercredi, ils ont adopté à la quasi-unanimité la résolution B9-0095/ 2024 concernant la décision de la Norvège de lancer l’exploitation minière en haute mer dans l’Arctique.
Cette résolution réaffirme le soutien du Parlement à un moratoire et appelle la Commission européenne, les États membres et tous les pays à appliquer l’approche de précaution et à promouvoir un moratoire sur l’exploitation minière en haute mer, y compris au sein de l’Autorité internationale des fonds marins.
« Nous saluons vivement cette résolution du Parlement européen réaffirmant son appel à un moratoire sur cette industrie destructrice et risquée avant qu’elle ne démarre. Alors que la dynamique mondiale en faveur d’un moratoire s’accroît, nous appelons la Norvège à revenir sur sa décision avant que des dommages irréversibles ne soient infligés à nos océans », a réagi Sandrine Polti, responsable Europe du Deep Sea Conservation Coalition.
Anne-Sophie Roux, chargée de campagne contre l’exploitation minière des fonds marins en Europe pour SOA (Sustainable Ocean Alliance) et autrice dans notre livre-journal Océans, précise : « À l’heure actuelle, nous ne disposons pas de connaissances scientifiques solides, complètes et crédibles pour permettre une évaluation fiable des impacts de l’extraction de minéraux en haute mer. Toute activité minière serait donc en contradiction avec l’engagement de la Norvège en faveur de l’approche de précaution, de la gestion durable et des obligations internationales en matière de climat et de nature. »
La résolution du Parlement fait suite à une décision prise par le Parlement norvégien le 9 janvier 2024 d’autoriser l’exploration pour lancer des activités minières sur une vaste zone de 280 000 kilomètres carrés des fonds marins de l’Arctique – une superficie équivalente à celle de l’Irlande et du Royaume-Uni. Cette décision avait suscité une vive inquiétude au sein de la communauté mondiale, notamment parmi les scientifiques, l’industrie de la pêche, les ONG/la société civile et les militants. Une pétition a ainsi recueilli plus de 550 000 signatures à ce jour.
🚨 HUGE WIN 🚨
The @Europarl_EN votes with an impressive majority to condemn Norway's decision to open the doors to #DeepSeaMining in the Arctic, and calls on 🇸🇯 and all other States to join the moratorium.
(I'm crying. 🥹💙) pic.twitter.com/faHbggKm7n
— Anne-Sophie Roux (@ansroux_) February 7, 2024
Une menace immense pour l’Océan
« En s’ouvrant à l’exploitation minière en haute mer dans l’Arctique, la Norvège ignore des centaines d’océanologues concernés et perd toute crédibilité à l’étranger en tant que nation océanique responsable. Cela devrait constituer un avertissement pour tout gouvernement envisageant de poursuivre l’exploitation minière des fonds marins », a déclaré Haldis Tjeldflaat Helle, responsable de la campagne sur l’exploitation minière des fonds marins chez Greenpeace Nordic.
De nombreux scientifiques réclament un moratoire d’au moins 10 ans contre l’exploitation minière des fonds marins pour les impacts inconnus et désastreux qu’elle risque de faire subir aux écosystèmes marins. L’Agence norvégienne pour l’environnement a pour sa part estimé que l’évaluation stratégique de l’impact environnemental fournie par le gouvernement norvégien ne fournit pas une base scientifique ou juridique suffisante pour ouvrir l’exploration ou l’exploitation minière en haute mer.
Dans sa résolution, le Parlement Européen exprime ses inquiétudes autour de l’impact des projets norvégiens d’exploitation minière des fonds marins sur la pêche européenne, la sécurité alimentaire, la biodiversité marine de l’Arctique et les pays voisins.
Simon Holmström, responsable de la politique minière en haute mer chez Seas At Risk, a précisé : « Les écosystèmes arctiques sont déjà soumis à une immense pression en raison du changement climatique. Si l’exploitation minière en haute mer est autorisée, cela pourrait perturber le plus grand puits de carbone du monde – les eaux profondes – et entraîner une perte irréversible et permanente de la biodiversité marine dans et au-delà des eaux norvégiennes. Nous ne pouvons pas laisser cela se produire. »
Martin Webeler, responsable de la campagne sur l’exploitation minière en haute mer pour l’Environmental Justice Foundation, a ajouté : « L’exploitation minière en haute mer n’est pas nécessaire pour la transition verte. La destruction d’écosystèmes presque vierges n’arrêtera pas la perte de biodiversité et ne nous aidera pas à résoudre la crise climatique – elle ne fera qu’empirer la situation. Nous devons repenser sérieusement : la pleine mise en œuvre de l’économie circulaire et la réduction globale de la demande de minéraux doivent enfin devenir notre principe directeur. »
À ce jour, 24 pays dans le monde, dont 7 pays de l’UE (Allemagne, Finlande, Espagne, France, Irlande, Portugal et Suède), appellent à un moratoire ou à une pause dans ce secteur. Des multinationales telles que Google, Samsung, Northvolt, Volvo et BMW se sont engagées à ne pas extraire aucun minerai des fonds marins.