Après l’interpellation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority, EFSA), le collectif Secrets Toxiques, réunissant 25 associations, s’en prend au Parlement Européen. Ce dernier a accepté d’examiner une pétition demandant l’étude de la toxicité cumulée des différentes substances présentes dans ces pesticides, un phénomène aussi appelé « effet cocktail », reconnu par le monde scientifique.
Le 7 février 2022, la Commission des Pétitions du Parlement Européen (PETI) a validé la demande de pétition déposée par 15 associations européennes situées en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne et en Belgique.
« Cette pétition européenne exige la réalisation d’études expérimentales de toxicité à long terme des pesticides dans leur formulation complète avant leur homologation sur le marché européen. Elles demandent également un audit des pesticides actuellement homologués, et une révision du secret industriel couvrant la composition des pesticides. » expliquent les associations
Ces demandes font suite à l’interpellation de l’EFSA par 119 parlementaires en février 2021, qui dénonçaient de nombreuses failles dans l’évaluation des pesticides omettant totalement de calculer la toxicité cumulée des différentes substances présentes dans ces pesticides, l’effet cocktail, mais aussi leurs effets à long terme.

« Cette pétition est pour nous une manière de placer le sujet au Parlement européen. On constate qu’il n’y a pas d’étude de toxicité à long terme. Par ailleurs, on se rend compte que les évaluations de la toxicité des produits en formulation complète sont réalisées sur la base de modélisations théoriques dont les résultats ne sont pas publiés, et jamais par des études expérimentales complètes. » explique Andy Battentier, Directeur de campagne de Secrets Toxiques
Pourtant, depuis 2019, un arrêt de la cour de justice européenne exige que les homologations de pesticides prennent en compte les substances actives et leurs effets cumulés. Or, aujourd’hui, les seules études expérimentales réalisées dans le cadre du processus d’homologation portent sur la substance déclarée comme active.
« Par exemple, dans le cas du RoundUp, uniquement l’effet à long terme du glyphosate seul est évalué expérimentalement. L’effet des co-formulants du produit et des interactions entre eux n’est donc pas évalué expérimentalement. » explique le collectif Secrets Toxiques
Résultat : il y a une grave sous-estimation de la toxicité des pesticides autorisés sur le marché.
« Cette évaluation est une idiotie considérable car le glyphosate n’est jamais utilisé seul, mais toujours avec d’autres substances qui le rendent extrêmement dangereux, les pesticides ne sont pas évalués de manière rationnelle par rapport à leur impact sur les êtres vivants. Il est temps de diviser par 1000 la dose journalière admissible. Presque tous les pesticides sont des SDHI (une classe de pesticides « tuant par asphixie » des champignons et des moisissures et pouvant se développer sur des plantes, ndlr) qui empêchent la respiration des cellules, avec des effets inattendus 100 à 1000 fois plus importants pour les néonicotinoïdes. » explique le professeur de biologie moléculaire Gilles-Éric Séralini, à l’origine des études prouvant la dangerosité du glyphosate, lors de la conférence de presse
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Face à ces incohérences, les députés du parti populaire européen (PPE) ont expliqué que ces études expérimentales nuiraient au bien-être des animaux de laboratoire. Un comble quand on connaît l’impact écocidaire des pesticides pour la faune et la flore des champs, des plus petits insectes aux oiseaux.
Au final, « les expérimentations se font directement sur les citoyens européens et la faune sauvage » rapporte le collectif Secrets Toxiques.

« Il existe une façon simple de régler le problème : tout industriel voulant mettre un produit sur le marché doit être en mesure de payer les études nécessaires et complètes, par des laboratoires indépendants, vérifiant la toxicité dudit produit. » explique le député Loïc Prud’homme lors de la conférence de presse
« L’effet cocktail n’est toujours pas pris en compte, alors qu’on doit renouveler l’autorisation du glyphosate sur le marché européen d’ici fin 2022. Ils autorisent tout et n’importe quoi en fonction de ce que déclarent les fabricants sans connaître vraiment l’ensemble des ingrédients composant ces produits, et cela alors qu’il y a une épidémie de cancers en Europe ! » s’emporte l’eurodéputée, Verts/ALE, Michèle Rivasi
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« Il y a d’autres biais gravissimes comme le fait ahurissant qu’on élimine systématiquement les études des universitaires au profit des études des firmes, il faut prendre en compte l’ensemble des études ce qui n’est pas le cas actuellement. » renchérit François Veillerette, porte-parole de Générations Futures
Suite à l’ouverture de la pétition par la commission PETI, cette dernière va demander aux commissions européennes chargées de l’agriculture et la santé d’apporter des réponses à cette pétition. La Commission Européenne doit répondre au collectif Secrets Toxiques sous 3 mois.
La pétition sera ouverte aux signatures des citoyens européens, elle sera mise en ligne sur le site de la commission PETI.