Pour la première fois, le Maire d’une ville française attaque l’Etat pour son inaction dans la lutte contre le réchauffement climatique. Damien Carême est le Maire de Grande-Synthe, une ville très engagée dans la transition écologique et sociale. Construite sur des zones inondables, la ville est aujourd’hui menacée par la montée des eaux.
Les villes françaises vont-elles devoir engager un bras de fer juridique pour que l’Etat tienne enfin ses engagements climatiques ? Alors que la France s’était positionnée en championne de la Terre lors de la COP21 en 2015, ses émissions de gaz à effet de serre sont en constante augmentation depuis, et pourraient le rester jusqu’en 2023 avec sa politique en cours, ironiquement nommée « Stratégie Nationale Bas Carbone ».
La Ville de Grande-Synthe s’engage depuis des années pour la transition écologique et sociale. Bien qu’elle connaisse de grosses difficultés sociales et économiques, et qu’elle gère le passage de milliers de réfugiés, elle a réussi à obtenir le titre de première capitale française de la biodiversité en 2010. Pourtant entourée par quinze sites industriels, la Ville de Grande-Synthe comprend aujourd’hui 127 m2 d’espace vert par habitant, une ceinture boisée de 4km, des toitures végétalisées, 62 espèces d’oiseaux nicheurs et 250 espèces végétales protégées qui en font la plus grande réserve naturelle de la région.
Inquiet de voir les efforts de la Ville sapés par l’inconséquence de l’Etat, le Maire Damien Carême a décidé ce mardi de déposer un recours contre l’Etat pour exiger que la France réduise drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre. L’avocate Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Ecologie, est chargée du dossier. Elle a transmis un argumentaire de 19 pages au ministre de l’Ecologie François de Rugy. S’il ne répond pas à ce « recours gracieux » dans les deux mois, l’avocate saisira le juge administratif.
La gestion durable des villes pourrait-elle devenir la meilleure façon de gouverner l’anthropocène face aux incohérences politiques nationales en matière d’écologie ? A Grande-Synthe, les efforts de la Mairie ont déjà porté leurs fruits.
« La commune a d’ores et déjà réduit de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre au niveau du parc automobile et de 34 % au niveau de l’éclairage public municipal et elle s’est engagée à atteindre 20 % d’économie d’énergie et 20 % d’énergies renouvelables d’ici 2020 », liste Corinne Lepage.

Seulement, les efforts de la Ville se heurtent aujourd’hui aux politiques nationales à la traîne en matière d’action climatique. En effet, la commune fait déjà tourner des pompes en permanence chaque jour pour vidanger l’eau vers la mer. Bâtie en partie sur des zones inondables, Grande-Synthe est dangereusement exposée aux risques de crue et d’inondations.
« A notre niveau, nous faisons déjà beaucoup d’efforts pour lutter contre les effets du réchauffement climatique, mais l’Etat, lui, laisse complètement s’échapper ses émissions de CO2. Cela met en danger ma ville, nos habitations et toutes les mesures politiques que nous avons prises pour nous protéger ». Damien Carême, Maire de Grande-Synthe
Le recours de Grande-Synthe contre l’Etat montre comment la transition écologique et sociale a besoin d’être mise en place à deux échelles pour pouvoir réussir : à la fois locale, mais aussi nationale. Souhaitons au Maire d’obtenir le même succès qu’ Urgenda aux Pays-Bas.