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Le maire de Carrières-sous-Poissy porte plainte contre X après un siècle de contamination aux métaux lourds

Une campagne de dépistage a révélé de multiples intoxications au plomb et deux nouveaux cas de saturnisme à Carrières-sous-Poissy. Ce n’est pas seulement la plaine de Triel-Carrières, mais toute la zone géographique d’épandage (soit les 4 620 hectares de terre que composent les trois plaines) qui contient des taux mirobolants de métaux lourds, dont des concentrations de plomb parfois « treize fois supérieures à la valeur repère pour l’Île-de-France » (53,7 mg par kg de terre).

Carrières-sous-Poissy vient de déclarer la guerre à la pollution. Le lundi 7 septembre, Eddie Aït, son nouveau maire récemment élu, a déposé une plainte contre X pour « mise en danger de la vie d’autrui et atteinte à l’environnement », auprès du procureur de la République de Versailles.

La pollution des eaux d’épandage

Petite commune de 17 000 habitants située entre Saint-Germain-en-Laye et les Mureaux, dans les Yvelines, au creux d’une boucle de la Seine, Carrières-sous-Poissy et ses territoires limitrophes constituent depuis plus d’un siècle la principale zone d’épandage des eaux usées de l’agglomération parisienne.

Au total, ce sont 350 hectares de la ville qui auraient été progressivement contaminés aux métaux lourds – plomb, mercure, arsenic, zinc, cuivre, etc. –, ainsi qu’à des quantités indéfinies de produits chimiques rejetés par la capitale.

« À partir de 1895, est-il écrit dans le dépôt de plainte, la plaine située entre Carrières-sous-Poissy et Triel-sur-Seine, tout comme celles d’Achères (Yvelines) et de Pierrelaye (Val-d’Oise) ont servi d’égout géant à la ville de Paris, sans que les eaux ne soient traitées, jusqu’en 1995. »

À cette date, les procédures d’assainissement en milieu urbain sont améliorées, mais on continue tout de même à épandre les eaux usées parisiennes dans la zone. En 2006, on met brusquement fin à cette pratique et l’Agence régionale de Santé d’Île-de-France (ARS) commence à s’intéresser aux risques sanitaires que 111 ans d’épandage hors de tout contrôle ont pu faire courir aux habitants des nombreuses communes entourant les plaines des Yvelines et du Val-d’Oise.

En 2013, plusieurs études sont commandées par l’ARS et Santé publique France, qui recherchent notamment à dépister des cas de saturnisme, une grave maladie provoquée par une intoxication au plomb, à laquelle les foetus et les jeunes enfants sont particulièrement exposés, car le présence de ce métal lourd dans leur organisme peut affecter inéluctablement leur développement cognitif.

Mais ce n’est que le 15 octobre 2018 que, sous la pression des riverains, les autorités publiques se décident à rendre accessible une synthèse de ces études, évoquant « des risques de santé majeurs susceptibles de porter atteinte à toutes les catégories de la population ».

Entre-temps, un cas de saturnisme a été découvert chez une fillette rom vivant dans un bidonville situé sur la plaine de Triel-Carrières. Comme l’explique le journal Reporterre, 17 des 18 enfants testés dans le campement « avaient une plombémie supérieure à 50 microgrammes, le seuil d’alerte au saturnisme ». Plus de doute : la plaine est contaminée.

Une campagne de dépistage révèle alors de multiples intoxications au plomb et deux nouveaux cas de saturnisme à Carrières-sous-Poissy. Ce n’est pas seulement la plaine de Triel-Carrières, mais toute la zone géographique d’épandage (soit les 4 620 hectares de terre que composent les trois plaines) qui contient des taux mirobolants de métaux lourds, dont des concentrations de plomb parfois « treize fois supérieures à la valeur repère pour l’Île-de-France » (53,7 mg par kg de terre), selon les mots d’Eddie Aït.

Vue aérienne de Carrières-sous-Poissy – Source

Une remise en état onéreuse et incertaine

S’il est sûr qu’on ne pourra plus jamais rien faire pousser sur ces anciens territoires maraîchers, le danger le plus immédiat reste celui des parcs, des jardins ouvriers, des écoles publiques ou privées et des espaces en friche contaminés, au sein desquels l’ARS a relevé « la présence de risques sanitaires inacceptables », notamment parce qu’ils représentent les lieux les plus fréquentés par les enfants.

La riposte se met actuellement en place, mais comme toujours, les autorités ont mis beaucoup trop de temps à accepter et rendre public ce nouveau scandale de pollution, dans un contexte de pression immobilière et démographique pesant sur le Grand Paris. 

Le maire de Carrières-sous-Poissy, pour sa part, a hérité de cette situation critique, mais compte bien obtenir réparation au nom de la ville et de ses habitants.

À travers la plainte que son équipe a déposée début septembre, Eddie Aït souhaite que le préjudice écologique tout comme la responsabilité des pollueurs soient reconnus, et que ceux-ci financent la procédure de dépollution, qui devrait être extrêmement coûteuse, « de l’ordre de centaines de millions d’euros pour un site » d’une telle envergure (350 hectares), ainsi que le confie à France Info Charlotte Nithart, porte-parole de l’association écologiste Robin des Bois.

Il est d’ailleurs difficile de dire si une remise en état intégrale des lieux pourra un jour être accomplie, même en plusieurs années, compte tenu de l’imprégnation des eaux usées dans les sols. Les maires des dix-neuf autres communes qui bordent les trois anciennes plaines d’épandage ne se sont pas encore joints à Eddie Aït.

Le premier responsable de cette « zone maudite » semble tout désigné : selon les plaignants, ce serait le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement francilien (SIAAP), qui avait la charge de déverser les eaux usées dans ces plaines jusqu’en 1995. D’autres autorités nationales pourraient également comparaître au cours du contentieux, ainsi que les agences de santé régionales. La ville de Paris, quant à elle, n’est pas visée par la plainte.

La plus grande décharge à ciel ouvert de France

Carrières-sous-Poissy abrite aussi une partie de la plus grande décharge à ciel ouvert d’Île-de-France, qui se trouve sur la plaine reliant cette commune, Triel-sur-Seine et Chanteloup-les-Vignes. On estime que 26 000 tonnes de déchets auraient été déposés, au fil des années, sur cet espace de plus de 300 hectares, dont 600 tonnes d’amiante, un isolant très cancérigène autrefois employé dans le bâtiment.

Gravats, ordures ménagères, mobilier usagé, électronique, objets en tout genre, cette décharge sauvage est sûrement l’un des désastres écologiques les plus importants de la région, sur lequel tous les pouvoirs publics ont fermé les yeux pendant vingt ans.

Après des plaintes répétées des riverains et un combat acharné de l’ancien maire de Carrières, de premiers travaux de nettoyage ont (enfin) commencé au cours du mois de janvier dernier. Ils dureront des années et coûteront plusieurs millions d’euros.

Augustin Langlade

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