Financer les logements et … l’armement ! Le livret A, épargne préférée des français avec un encours de 405 milliards d’euros, va permettre de soutenir “l’économie de guerre”, selon les mots de Jean-Louis Thiériot, député Les Républicains de Seine-et-Marne.
Le Livret A va financer l’industrie de l’armement
L’amendement a été ajouté en catimini mardi 7 novembre par le président de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées de l’Assemblée nationale, Thomas Gassilloud (Renaissance, Rhône). Cela quelques heures avant que le volet défense du projet de loi finance 2024 soit adopté à l’aide d’un énième 49.3. C’est le treizième émis par Elisabeth Borne depuis le début du second quinquennat d’Emmanuel Macron.
Force est de constater que le timing était bon. L’intervalle de temps entre l’inscription de l’amendement dans le texte et l’adoption de ce dernier n’a pas permis aux médias et aux oppositions de s’emparer du sujet.
La mesure, portée également par les députés Christophe Passard et Jean-Louis Thiériot, “permettra de soutenir” les 4 000 PME et ETI (Entreprise de taille intermédiaire) du BITD, base industrielle et technologique de défense, qui “contribuent à notre souveraineté nationale” développe Thomas Gassilloud.
Concrètement, les banques pourront faire bénéficier à l’industrie de la défense et de l’armement les fonds du livret A et également les fonds du livret LDDS (livret de développement durable et solidaire).
La partie du Livret A centralisée à la Caisse des Dépôts et Consignations et destinée au financement des logements sociaux ne sera pas concernée. Seuls les 40,5% des fonds recueillis par les banques, soit entre 160 et 220 milliards d’euros, seront utilisables.
“Entrer vraiment dans l’économie de guerre”
Adoptée le 13 juillet dernier, la loi de programmation militaire pour la période 2024 à 2030 prévoyait la création d’un “livret épargne souveraineté” destiné à financer les besoins en investissement de la Défense.
Un tour de passe-passe pour le gouvernement qui voulait favoriser l’industrie de la défense sans augmenter les dépenses publiques. Mais le Conseil d’État a retoqué l’amendement.
La mobilisation du livret A arrive comme la nouvelle solution pour favoriser un secteur qui peine à se développer. “Les entreprises de la BITD sont confrontées à une pénurie de financement” expliquait Emmanuel Macron le 13 juin dernier lors d’un mini sommet improvisé sur l’industrie de la défense française. Les risques réputationnels seraient jugés trop élevés par les banques.
« Pour entrer vraiment dans l’économie de guerre, il faut de la volonté, des moyens, des symboles. Cet amendement contribue aux trois », se réjouit le député Jean-Louis Thiériot.
Dès 2018, le président voulait accentuer les efforts financiers publics pour “réparer et moderniser les armées”. La loi de programmation militaire 2019-2025 prévoyait 295 milliards d’euros à cet effet.
En juin 2022, quelques mois après l’invasion de l’Ukraine, Emmanuel Macron avait décrété “l’économie de guerre”, inquiet par le constat qu’en cas de conflit long, la France ne pourrait tenir que quelques semaines, rapidement à court de munitions.
C’est cet état des lieux qui le pousse également à relocaliser les productions militaires stratégiques en France. Depuis le début de l’année, une vingtaine d’entreprises sont revenues produire dans l’Hexagone : production de poudre pour ses obus d’artillerie, coques de bateaux, explosifs pour gros calibres, pièces pour hélicoptères…
La loi de programmation militaire 2024-2030 a drastiquement augmenté les dépenses de l’État pour la défense. Plus de 413 milliards d’euros seront dépensés en 7 ans.
Maigre consolation en comparaison, le projet de loi de finances prévoit également une importante hausse de 3,9 milliards d’euros pour le ministère de l’Éducation cette année.